Faut-il contester une décision de refus ou d’ajournement de naturalisation ?

Par Axelle Keles, Avocate.

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Explorer : # naturalisation # conditions # recours # procédure

Le dépôt d’une demande de naturalisation est en général l’aboutissement du parcours d’intégration de l’étranger en France, ce qui nécessite de choisir le « bon moment » pour déposer son dossier. Malgré toutes les précautions prises par le candidat à la nationalité française, un refus ou un ajournement peut lui être opposé par l’administration.
Le candidat étranger peut hésiter à contester une décision de refus ou d’ajournement d’une demande de naturalisation, notamment par crainte que la contestation ait un impact éventuel sur son titre de séjour en cours.
Cet article apporte quelques éléments de réponses permettant de déterminer s’il est pertinent de contester ou non une décision de refus ou d’ajournement de naturalisation.

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La naturalisation est un mode d’acquisition de la nationalité française qui n’est pas automatique, contrairement à d’autres modes d’acquisition (par le droit du sol, par déclaration, par réintégration).

Avant de s’interroger sur la pertinence d’un recours contre une décision de rejet ou d’ajournement d’une demande de naturalisation, il convient de vérifier si toutes les conditions pour devenir français sont remplies.

1) Quelles sont les conditions pour être le candidat parfait à l’accès à la nationalité française par naturalisation ?

Comme indiqué, la naturalisation est un mode spécial d’acquisition de la nationalité française dans la mesure où la décision appartient à l’administration après examen du dossier du candidat, la nationalité n’étant pas obtenue de manière automatique.

D’une certaine manière, l’administration s’interroge sur le fait de savoir si le candidat mérite la nationalité française au regard de conditions objectives (celles édictées par la loi) et subjectives (si le mode de vie du candidat correspond aux standards français).

Les conditions de la naturalisation sont les suivantes.

1.1) Condition de majorité : il faut être majeur au moment de la naturalisation.

1.2) Condition de résidence : il faut être en mesure de justifier d’une durée de résidence de 5 ans en France sauf dans certains cas.
- Aucune condition de résidence pour les réfugiés, les ressortissants de pays francophones ayant été scolarisés 5 ans ou plus dans un établissement enseignant en langue française, les étrangers ayant rendus des services exceptionnels à la France, etc…
- Condition de résidence réduite à 2 ans pour les candidats ayant obtenu un diplôme d’un établissement d’enseignement supérieur français après 2 ans d’études, ceux qui ont rendus des services importants à la France compte tenu de leurs capacités et talents ou ceux qui ont accompli un parcours exceptionnel d’intégration (activités ou actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif...).
- A titre exceptionnel, il est possible pour un candidat résidant à l’étranger de déposer un dossier de naturalisation depuis l’étranger (auprès des autorités consulaires), en cas d’exercice d’une activité professionnelle publique ou privée pour le compte de l’Etat français ou d’un organisme qui présente un intérêt particulier pour l’économie ou la culture française.

1.3) Condition de régularité du séjour : le candidat à la naturalisation doit disposer d’un titre de séjour valide au moment du dépôt et de l’examen de la demande.

1.4) Condition d’assimilation à la communauté française : si le dossier est complet et que la Préfecture le juge pertinent, alors le candidat à la nationalité française sera convoqué pour un entretien au cours duquel la Préfecture déterminera s’il dispose d’une connaissance suffisante de l’histoire, de la culture et de la société française.

1.5) Connaissance de la langue française : le candidat à la naturalisation doit justifier d’un niveau minimum B1 à l’oral et à l’écrit pour pouvoir déposer une demande. Le niveau de connaissance de la langue française a été rehaussé par le décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019 applicable à compter du mois d’avril 2020.

1.6) Condition d’insertion professionnelle : le candidat à la naturalisation doit justifier d’une bonne insertion professionnelle et de la déclaration régulière de ses revenus ainsi que du paiement de ses impôts.

1.7) Condition de moralité et d’absence de condamnations pénales : les personnes ayant été condamnées dans les cas suivants ne peuvent pas déposer de demande de naturalisation sauf en cas de réhabilitation ou d’effacement de la condamnation du bulletin n°2 du casier judiciaire.
- Condamnation en France à une peine d’au moins 6 mois de prison sans sursis ;
- Condamnation pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ;
- Condamnation pour un acte de terrorisme.

Une fois le dossier de naturalisation constitué et déposé auprès de la Préfecture, la décision sera prise par l’autorité compétente en fonction de la qualité du dossier. Il arrive cependant que la Préfecture rejette la demande de naturalisation ou l’ajourne. Dans ce cas, est-il pertinent de déposer un recours ?

2) Pourquoi est-il important de contester une décision de refus, de rejet ou d’ajournement d’une demande de naturalisation ?

Il est légitime qu’un étranger candidat à la nationalité française hésite à déposer un recours contre une décision de refus ou d’ajournement. Néanmoins, le dépôt d’un recours peut s’avérer souvent essentiel même pour les demandes futures.

2.1) Pourquoi le candidat à la naturalisation hésite à déposer un recours en cas de rejet ou d’ajournement ?

Les raisons de cette hésitation sont multiples :
- Tout d’abord, il est légitime de craindre que le dépôt d’un recours contre une décision de refus ou d’ajournement puisse avoir un impact sur son titre de séjour actuel. Or, les demandes de naturalisation et les demandes de titre de séjour sont indépendantes et ne peuvent pas avoir de conséquences l’une sur l’autre ;
- Le candidat peut également hésiter au regard de la chronologie et du temps de traitement des demandes. En effet, le dépôt d’un recours et son temps de traitement peut prendre un certain temps. Aussi, le candidat peut se demander si stratégiquement il n’est pas plus opportun d’attendre le délai de 2 ans avant de déposer une nouvelle demande ;
- Enfin, le candidat à la naturalisation peut également hésiter au regard de la lourdeur administrative d’une telle démarche et de la méconnaissance des règles en la matière.

2.2) Pourquoi il est nécessaire de contester une décision de refus ou d’ajournement de naturalisation ?

Avant de contester une décision de refus de naturalisation ou d’ajournement, il faut s’intéresser au motif de la décision.

Bien souvent, le motif n’est pas compris par le déposant ou est erroné au regard de la situation réelle du contribuable.

Par exemple, le motif de refus ou d’ajournement peut être :
- L’existence d’une main courante déposée à l’encontre du candidat alors même que cela n’a pas donné de suite et que le dossier a été classé sans suite ;
- Une erreur dans le dépôt d’une déclaration fiscale alors même que le candidat était de bonne foi, qu’il méconnaissait ses obligations fiscales et qu’il souhaite régulariser la situation ;
- La connaissance insuffisante de certaines dates de l’histoire, de la culture et de la société française lors de l’entretien individuel ;
- L’absence de lien suffisants avec la France et le maintien du centre des intérêts familiaux ou économiques du candidat dans son pays d’origine ;

Il est absolument nécessaire de contester la décision de refus ou d’ajournement lorsque le doute existe sur la compréhension réelle du dossier de naturalisation par l’administration.

Ainsi, même en cas d’échec du recours, ce motif aura été contesté et ne pourra pas être à nouveau opposé au candidat à la naturalisation. Par son silence, le candidat accepte en quelques sortes implicitement le motif de refus.

Il est donc essentiel de contester une décision de refus ou d’ajournement à une demande de naturalisation.

3) Quelle est la procédure pour contester une décision de refus ou d’ajournement de la naturalisation ?

Il existe deux niveaux de recours en cas de refus ou d’ajournement d’une demande de naturalisation : le recours administratif préalable devant le Ministère de l’Intérieur et le recours contentieux devant le Tribunal administratif de Nantes.

3.1) Le recours administratif préalable auprès du Ministère de l’Intérieur.

En cas de rejet ou d’ajournement d’une demande de naturalisation, il sera possible de déposer un recours auprès du Ministre de l’Intérieur dans un délai de 2 mois suivant la notification de la décision. Ce recours est préalable à tout recours contentieux.

Suite au dépôt du recours préalable, le candidat à la naturalisation pourra se retrouver dans 3 situations :
- Le recours peut être accueilli favorablement : dans ce cas, la nationalité sera accordée à l’étranger ;
- Le recours préalable peut être rejeté : cela signifie que la décision de refus ou d’ajournement initiale sera maintenue ;
- Le recours peut rester sans réponse de la part de l’administration : le silence de l’administration d’une durée supérieure à 4 mois est équivalent à une décision de refus/rejet.

En cas de rejet du recours préalable ou de silence de l’administration, il sera possible de contester à nouveau cette décision et d’exposer une nouvelle fois sa situation dans le cadre d’un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Nantes.

3.2) Le recours contentieux devant le Tribunal administratif de Nantes.

Dans un délai de 2 mois à compter de la décision de rejet du Ministère de l’Intérieur ou en cas de silence de plus de 4 mois au recours préalable, il sera possible de déposer un recours administratif devant le Tribunal administratif de Nantes, qui est le Tribunal administratif compétent en matière de naturalisation.

Comme il n’existe qu’un seul Tribunal administratif en matière de naturalisation, il doit être noté que le délai de traitement des recours en la matière peut être particulièrement long. Aussi, la question de la chronologie peut être un véritable enjeu à ce stade.

Cependant, comme indiqué précédemment, il est parfois préférable de prendre son mal en patience et de déposer un recours afin d’expliquer la réalité d’une situation d’attachement à la France, plutôt que de déposer une nouvelle demande de naturalisation qui sera continuellement rejetée par l’administration pour le même motif.

Enfin, dernière précision relative à la naturalisation, la France admet le principe de double nationalité. Ainsi, l’acquisition de la nationalité française ne soumet pas le candidat étranger à l’obligation de renoncer à sa nationalité d’origine.

Ainsi, le candidat étranger ajoute une seconde nationalité à son identité et devient citoyen à part entière des deux pays dont il est le ressortissant, étant soumis aux mêmes droits et obligations que les autres nationaux.

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Discussions en cours :

  • par Dosso , Le 9 décembre 2022 à 16:43

    Bonjour j’ai fait une demande de naturalisation j’ai été ajourné parce que j’ai dépasser le taux aurais de travailler réglementé je peux fait un recours hiérarchique ?

  • par Jabeur , Le 4 novembre 2022 à 07:48

    Explications tres claires .merci.

  • Bonjour et merci pour votre article.

    Le 04 Janvier 2021, j’ai reçu un courrier m’informant que l’on envisageait donner une suite favorable à mon recours... et depuis plus rien. Est-ce que cela signifie que mon recours a finalement été refusé et que je dois maintenant me tourner vers le tribunal de Nantes ?

    Merci beaucoup !

  • par BAGAMBOULA , Le 23 octobre 2020 à 23:22

    Bonjour Maitre ,
    Je me permets de vous écrire car je viens de recevoir un courrier comportant mon ajournement à la naturalisation Française au motif suivant : ‘ En application de l’article 44 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, d’ajourner votre demande à deux ans dans la mesure ou votre comportement au regard de vos obligations fiscales est sujet à critiques .
    En effet , vous déclarez à charge à l’administration fiscale votre enfant BAGAMBOULA Kemi , né le 30/01/2017 , alors que ce dernier ne vit pas à votre domicile ‘

    Juste pour planter le décor , je confirme que mon enfant vit avec sa maman et que je subviens aux besoins de ce dernier . De fait , je ne vois pas en quoi le fait de pouvoir le déclarer me porterait préjudice jusqu’à ce point .

    En somme , pensez-vous que je puisse faire un recours qui soit aboutissant ? le cas échéant , serez-vous à même de pouvoir m’aider ?
    Merci d’avance de votre retour

  • par TENZIN , Le 26 juin 2020 à 09:18

    Bonjour,

    Je viens de recevoir un courrier de la Préfecture qui a ajourné ma demande de naturalisation de 2 ans en raison de nos obligations fiscales est sujet à critiques ci-dessous :

    "En effet, en 2018, concernant l’année fiscale 2017 et en 2017 concernant l’année fiscale 2016, vous avec déclaré être marié et avez ainsi bénéficié d’une part supplémentaire auprés de l’administration fiscale. Or, vous n’êtrs marié que depuis le 06 octobre 2018, et étiez célibataire en 2017 et 2016".

    Je suis marié depuis le 05 mai 2003 au Dongpo Tholing, Tibet avec la cérémonie de mariage religieux. Je suis arrivé en France en août 2013 and ma famille sont arrivés en France en Avril 2016 sous regroupement famiale. J’avais demandé le certificat de mariage à l’OFPRA mais je n’ai pas pu obtenir mon certificat de mariage car je n’avais pas de certificat de mariage du mon pays. Dans notre village, nous avons le custume de se marier sur une base religieuse et témoin du mariage par les peuples de notre village. L’OFPRA m’a donné une lettre concernant notre mariage religieux. J’ai déposé ce document auprès de toutes les administrations qui ont demandé notre certificat de mariage, y compris la finance publique.
    Je suis toujours marié depuis le 05 mai 2003. J’ai trouvé qu’il était important d’avoir un certificat de mariage en France. J’ai décidé de me remarier avec ma femme en France juste pour obtenir le certificat de mariage et nous avons marié le 06 octobre 2018 à Fontenay Sous Bois.

    Je n’ai jamais pensé que ce remariage entraînerait l’ajournement de 2 ans de mon processus de nationalité.
    Est-il pertinent de contester cette décision ou est-il préférable d’attendre la fin de la période d’ajournement de 2 ans ?

    Merci d’avance pour votre aide

    Cordialement

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