Extradition entre le Maroc et la France.

Par Avi Bitton et Lois Pamela Lesot, Avocats.

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Explorer : # extradition # traité international # conditions d'extradition # motifs de refus

Quelles sont les règles applicables à l’extradition entre la France et le Maroc ?
Quels sont les faits donnant lieu à extradition ?
Quels sont les motifs de refus d’extraction ?
Quelle est la procédure d’extradition ?
Réponses dans cet article.

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Le traité d’extradition entre la France et le Maroc, signé à Rabat le 18 avril 2008 et publié par un décret du 16 août 2011, encadre et simplifie les procédures d’extradition entre ces deux pays.

Ce traité prime sur les dispositions du Code de procédure pénale relatives à l’extradition (articles 696 et suiv. du Code de procédure pénale), lesquelles s’appliquent de façon supplétive, lorsque les conventions internationales signées par la France ne règlementent pas certains points.

I. Les conditions d’extradition.

L’extradition entre la France et le Maroc est possible pour toute personne poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d’imposition ou d’exécution d’une peine.

a. Les faits donnant lieu à l’extradition.

L’extradition peut être accordée lorsque :

  • les faits pour lesquels la personne est réclamée sont punis d’une peine privative de liberté d’au moins 2 ans (selon les lois des deux Etats) ; ainsi, l’extradition peut être accordée pour des faits d’escroquerie, de fraude fiscale, de viol, d’homicide, … ;
  • la peine prononcée et restant à exécuter est d’au moins 6 mois.

b. Les personnes pouvant être extradées : le cas des nationaux.

La France et le Maroc n’extradent pas leurs nationaux.

La nationalité s’apprécie au jour de commission des faits pour lesquels l’extradition est demandée.

Dans le cas où l’extradition est refusée sur le seul fondement que la personne réclamée a la nationalité de l’Etat requis, cet Etat doit, sur dénonciation des faits par l’Etat requérant, soumettre l’affaire à ses autorités judiciaires.

Par exemple, si la France refuse d’extrader un ressortissant français vers le Maroc, elle doit alors le faire juger par les tribunaux français.

II. Les motifs de refus d’extradition.

a. Les motifs obligatoires de refus d’extradition.

L’extradition ne peut pas être accordée lorsque :

  • L’infraction sur laquelle porte l’extradition est considérée comme une infraction politique ou comme connexe à une telle infraction.
    Toutefois, ne sont pas considérées comme des infractions politiques, l’atteinte à la vie dirigée contre la personne d’un chef d’Etat de l’une des Parties, ou d’un membre de sa famille, toute tentative ou complicité d’une telle infraction, ainsi que toute infraction pour laquelle les deux Parties ont l’obligation, en vertu d’un accord ou d’une convention multilatéral, d’extrader la personne réclamée ou de soumettre le cas aux autorités compétentes pour décider des poursuites ;
  • La Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons ;
  • La personne réclamée serait jugée dans la Partie requérante par un tribunal d’exception ou lorsque l’extradition est demandée pour l’exécution d’une peine infligée par un tel tribunal ;
  • L’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est considérée comme une infraction exclusivement militaire ;
  • La personne réclamée a fait l’objet dans la Partie requise d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement, pour l’infraction à raison desquelles l’extradition est demandée ;
  • L’action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de la Partie requise ;
  • La demande d’extradition se rapporte à l’exécution d’une peine résultant d’une décision judiciaire rendue par défaut à laquelle la personne réclamée n’a pas acquiescé et que son droit d’exercer le recours en opposition n’est pas garanti après l’extradition.

b. Les motifs facultatifs de refus d’extradition.

L’extradition peut être refusée lorsque :

  • La personne réclamée a fait l’objet, de la part de la Partie requise, de poursuites pour la ou les infractions à raison de laquelle l’extradition est demandée ou si les autorités judiciaires de la Partie requise ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu’elles ont exercées pour la ou les mêmes infractions ;
  • Les tribunaux de l’Etat peuvent traiter les faits pour lesquels l’extradition a été demandée ;
  • La personne réclamée a fait l’objet d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement dans un Etat tiers pour l’infraction ou les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée ;
  • L’infraction motivant la demande d’extradition a été commise hors du territoire de la Partie requérante et que la législation de la Partie requise n’autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ;
  • Pour des considérations humanitaires, la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences d’une gravité exceptionnelle, en raison de son âge ou de son état de santé.

Si la peine encourue dans la législation de la Partie requérante est la peine capitale, cette peine est remplacée de plein droit par la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la Partie requise.

Par exemple, si la France extrade une personne vers le Maroc et que la peine encourue au Maroc serait normalement la peine de mort, les tribunaux marocains ne pourront pas infliger cette peine de mort et devront infliger la peine prévue par le droit français pour les crimes commis.

III. La procédure d’extradition.

La demande d’extradition doit être formulée par écrit, par la voie diplomatique. Une liste des pièces à produire à l’appui de la demande d’extradition est spécifiée dans le Traité. Cette demande et ces pièces doivent être adressées indifféremment dans la langue de l’Etat requérant ou de l’Etat requis.

Lorsque l’Etat requis considère qu’il n’a pas suffisamment d’éléments pour prendre sa décision, il peut demander un complément d’information, dans un délai imparti (au moins 20 jours).

L’arrestation provisoire de la personne est possible en cas d’urgence, selon des conditions précises. Cette arrestation provisoire prend fin si, dans un délai de 40 jours après l’arrestation, l’Etat requis n’a pas été saisi de la demande d’extradition et des pièces. La mise en liberté provisoire de la personne réclamée est également possible à tout moment, dès lors que l’Etat requis estime qu’il n’y a pas de risque de fuite.

Lorsque l’extradition d’une même personne est demandée par plusieurs Etats, l’Etat requis détermine vers lequel de ces Etats l’extradition doit être effectuée, en prenant compte de toutes circonstances, notamment la gravité des infractions, leurs date et lieu, la nationalité de la personne réclamée et la possibilité d’une extradition ultérieure à un autre Etat.

Une fois la décision sur l’extradition prise, l’Etat requis doit informer l’Etat requérant dans les meilleurs délais :

  • En cas de rejet, la décision doit être motivée ;
  • En cas d’acceptation, l’Etat requérant doit être informé de la date et du lieu de la remise, ainsi que de la durée de la détention subie par la personne jusqu’alors.

Si la personne réclamée n’est pas reçue dans un délai de 45 jours à compter de la date fixée pour sa remise, elle doit être mise en liberté et l’Etat requis peut ensuite refuser son extradition pour les mêmes faits. Toutefois, en cas de force majeure empêchant la remise, la Partie affectée en informe l’autre et les Etats conviennent d’une nouvelle date de remise.

En vertu de la règle de spécialité, la personne qui aura été remise ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, ni soumise à toute restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l’extradition, sauf dans les cas suivants :

  • Lorsque l’État qui l’a remise y consent ;
  • Lorsqu’ayant eu la possibilité de le faire, la personne extradée n’a pas quitté dans les 45 jours qui suivent son élargissement définitif le territoire de l’État auquel elle a été remise ou si elle y est retournée après l’avoir quitté.

Toutefois, la Partie requérante peut prendre les mesures nécessaires en vue i) du renvoi éventuel du territoire, ii) d’une interruption de la prescription, y compris le recours à une procédure par défaut.

Lorsque la qualification légale de l’infraction pour laquelle la personne a été extradée est modifiée au cours de la procédure, cette personne ne sera poursuivie ou jugée que si l’infraction nouvellement qualifiée :

  • peut donner lieu à extradition selon la Convention signée entre la France et le Maroc ;
  • vise les mêmes faits que l’infraction pour laquelle l’extradition a été accordée ;
  • est punie d’une peine d’un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l’infraction pour laquelle l’extradition a été accordée.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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