L'exercice illégal de la profession de banquier. Par Marion Aguiar et Mathilde Dumas, Étudiantes.

L’exercice illégal de la profession de banquier.

Marion Aguiar et Mathilde Dumas, Étudiantes,
M2 de droit pénal des affaires à l’Université de Paris Est Créteil (UPEC).

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Explorer : # exercice illégal de la profession de banquier # monopole bancaire # réglementation bancaire # infraction d’habitude

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L'objet de cet article et de détailler les raisons et les règles qui régissent le monopole bancaire. Il précise également les contours du délit d'exercice illégal de la profession de banquier, ses sanctions ainsi que les autorités de contrôle.
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Le monopole bancaire est nécessaire pour des raisons évidentes de sécurité financière et de protection des consommateurs. Les différentes transactions sont surveillées, évitant ainsi la pénétration des capitaux illégaux dans l’économie. Par ailleurs, les fonds des consommateurs sont protégés. Une absence de contrôle présenterait un réel risque en favorisant le développement de la criminalité. Actuellement, la sécurité est assurée par un système régulé et le contrôle d’une autorité ad hoc. Un délit d’exercice illégal de la profession de banquier renforce encore cette protection.

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Les banques françaises se sont développées plus tardivement que dans certains pays, notamment qu’en Italie ou aux Pays-Bas. Il aura fallu attendre le XVIIIe siècle pour que la France voit naître sa première grande banque, créée par John Law, établissement de crédit qui a émis pour la toute première fois des billets de banque.

En 1900, le pays possédait un réseau bancaire diversifié, comprenant des banques d’affaires régionales et locales. A cette époque, afin de pallier les difficultés rencontrées par les banques privées, le gouvernement a décidé de renforcer le financement des banques publiques. Après la seconde guerre mondiale, en raison de la chute de l’économie, l’Etat français a encadré vigoureusement l’activité des banques en les nationalisant, le but étant d’éviter une nouvelle crise économique. Puis, au cours de l’année 2000, ces établissements ont de nouveau été privatisés.

A l’origine de leur création, les banques n’étaient soumises à aucune réglementation concernant leur activité. Il a fallu attendre la loi du 19 juin 1930, pour que la profession de banquier soit définie comme étant l’activité exercée par des personnes « qui accomplissent, à titre professionnel, les opérations de banque ».

La loi du 24 janvier 1984 relative au contrôle et à l’activité des établissements de crédit a posé le principe et les limites du monopole bancaire [1]. Ainsi, il est interdit à toute personne, sauf exception, d’effectuer de manière habituelle des opérations de banque.

Le monopole bancaire s’est imposé pour développer la confiance dans l’institution par le dépositaire d’une somme d’argent. Mais, l’Etat, bien que dessaisi de la politique monétaire est resté le superviseur de la prévention des risques systémiques.

L’activité bancaire est un domaine complexe, présentant le risque d’un péril relatif au pouvoir d’achat des consommateurs, de provoquer une crise économique nationale, voire mondiale, ce qui a été le cas lors de la crise des « SubPrimes » de 2008.

L’infraction de l’exercice illégal de la profession de banquier est nécessaire à la préservation du monopole bancaire.

I. La caractérisation de l’exercice illégal de la profession de banquier.

Le monopole bancaire est protégé par la loi [2], il interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel.

1.1. Les conditions matérielles et morales de l’infraction.

Afin de pouvoir effectuer une quelconque activité bancaire, l’établissement de crédit doit obtenir un agrément. Cette demande s’effectue auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui la notifie à la Banque centrale européenne. Les autorités vont vérifier que l’établissement est bien conforme à leurs exigences, avant de lui délivrer l’agrément. Elles vont, notamment, vérifier le capital minimum libéré, le programme d’activité et les moyens technique et financier mis en œuvre, ou encore son statut juridique.

L’obtention de l’agrément bancaire est indispensable pour accomplir des opérations de banque sur le territoire national, opérations caractérisées par la réception de fonds remboursables du public, l’octroi de crédits, et enfin, la délivrance et la gestion des services bancaires de paiement [3].

L’ordonnance du 27 juin 2013 [4] désigne uniquement deux types de personnes morales, les établissements de crédit et les sociétés de financement, qui peuvent accorder des crédits à titre habituel.

La société de financement effectue [5] à titre de profession habituelle, et pour son propre compte, des opérations de crédit, dans les conditions et limites définies par son agrément. Elle est uniquement compétente pour octroyer certains crédits. Pour autant, elle ne peut pas recevoir de fonds remboursables du public, on peut citer les établissements Cofidis, Cofinoga, Sofinco ou encore Cetelem.

L’établissement de crédit se définit [6] comme une entreprise, dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables. En outre, il peut accorder des crédits pour son propre compte. Il existe différentes catégories d’établissements, ceux qui ont la qualité de banque, les banques mutualistes ou coopératives. À titre d’exemple, la qualité d’établissements de crédit est attribuée à la BNP Paribas, la Société Générale ou encore le Crédit Agricole.
Selon le premier alinéa de l’article L511-5 du Code monétaire et financier, seuls les établissements de crédit ou les sociétés de financement peuvent effectuer des opérations de crédit. Cette activité est interdite à toute autre personne.

Les opérations de crédit sont définies à l’article L313-1 de ce même code, comme étant « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ». Ces opérations de crédit illicites doivent donc être réalisées à titre onéreux.

L’auteur, qui n’est ni un établissement de crédit, ni une société de financement, ne peut pas davantage recevoir des fonds remboursables du public [7]. Cette notion est définie plus particulièrement au sein de l’article L312-2 du Code monétaire et financier, comme étant le fait de recueillir d’un tiers, des fonds « sous la forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer ». Le fond peut alors être de toute nature, tel qu’un chèque, un virement ou encore des espèces.

Par ailleurs, l’article L311-1 du Code monétaire et financier prévoit, pour sa part, une autre prérogative, à savoir le fait de « fournir des services bancaires de paiement », notamment une carte de paiement, un chéquier, le dépôt et retrait d’espèces, la remise de chèques, le virement…
L’infraction d’exercice illégal de la profession de banquier étant un délit, en application de l’article 121-3 du Code pénal, il est nécessaire de démontrer l’intention d’agir. L’élément intentionnel se caractérise par un dol [8] général, à savoir le fait pour l’auteur d’avoir la conscience ainsi que la volonté de violer le monopole bancaire.
Cependant, afin de démontrer cette intention, les juges se fondent sur la matérialité des faits, ou bien sur la qualité de l’agent, notamment sur son niveau de compétence et son expérience qui peuvent résulter de son diplôme [9] et de son activité professionnelle [10].
Les juges usent ainsi d’une présomption simple, selon laquelle le professionnel commet l’acte illicite en toute connaissance de cause. Il est considéré ici que l’auteur professionnel ne pouvait pas être ignorant du principe du monopole bancaire. Cette présomption étant simple, elle peut être renversée, le professionnel doit alors démontrer sa bonne foi [11].

1.2. La difficulté juridique de définir le caractère habituel.

Au regard de l’article L511-5 du Code monétaire et financier, l’ensemble des actes définis précédemment doivent être effectués à titre habituel.
L’exercice illégal de la profession de banquier est une infraction d’habitude. Rappelons qu’à la différence des infractions simples, c’est-à-dire celles qui sont caractérisées par un acte unique, les infractions d’habitude impliquent l’accomplissement de plusieurs actes semblables, qui, pris isolément, ne peuvent être punissables. C’est donc leur répétition qui caractérise l’infraction.
Cependant, il est important de déterminer à partir de quel moment cette caractéristique peut être retenue. La loi étant muette sur ce point, c’est la jurisprudence qui est venue apporter quelques précisions.
En effet, la Cour de cassation a déterminé qu’un comportement est considéré comme étant habituel à partir de la commission du second acte [12]. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que les actes en question aient été accomplis à l’égard de différentes personnes.
Parfois, la notion d’habitude est appréciée de façon particulière, notamment en matière d’opérations de crédit. La Cour de cassation s’est quelque peu démarquée de la solution précitée.
Selon une décision du 3 décembre 2002 [13] :

« le fait pour une personne non agréée de consentir à titre habituel sur la période comprise entre le 20 février 1975 et le 19 janvier 1984 neuf prêts successifs contenant la remise de fonds à titre onéreux à la disposition d’un même client […] est insuffisant à caractériser le caractère habituel des opérations de banques effectuées ».

Cette solution n’a pas été remise en cause depuis. Le seul fait de constater que le prévenu a consenti plusieurs prêts successifs, à une même société, ne permet pas de retenir le caractère habituel de cet acte [14].

Enfin, la doctrine a d’ailleurs pu noter que, quel que soit le nombre d’actes, les juges se contentaient de retenir une seule infraction d’habitude et non plusieurs, c’est-à-dire qu’il faut au minimum la réalisation de deux opérations.
Pour autant, il est possible de se demander si cette caractérisation est nécessaire.

Effectivement, le législateur a créé cette infraction pour protéger le monopole bancaire. Cependant, en instaurant le caractère “habituel” dans la lettre de l’article, il impose une répétition de l’acte, nécessaire à caractériser l’incrimination. Pour autant, il est aisé de concevoir que le simple fait qu’une personne non agréée octroie des opérations de crédit auprès d’une autre personne, est déjà constitutif d’un acte portant atteinte au monopole bancaire. Incontestablement, l’auteur use de prérogatives qui ne lui appartiennent pas. Il en est de même, lorsque l’acte illicite est exercé à répétition auprès de la même personne, alors que la jurisprudence impose que cela ait lieu auprès de différentes victimes.

L’instabilité juridique du caractère habituel de l’infraction ne permet pas de protéger complètement le monopole bancaire. La rédaction actuelle de l’élément matériel de l’infraction offre la possibilité pour les auteurs d’agir en violation du monopole bancaire, sans pour autant être condamné. Ainsi, il est possible de se demander, s’il n’est pas plus judicieux de modifier cet élément matériel pour préciser la notion d’habitude afin de protéger efficacement le monopole bancaire.

II. La protection du monopole bancaire.

2.1. Une tolérance légale.

Il existe certaines dérogations à l’exercice illégal de la profession de banquier, prévues aux articles L511-6 et L511-7 du Code monétaire et financier. Effectivement, le législateur a réduit le champ d’application de l’infraction, afin de simplifier les pratiques sociales et économiques de certaines activités.

L’article L511-6 énumère un nombre d’exceptions, excluant certaines personnes, en raison de leur qualité, au monopole bancaire.

Ainsi, ne commettent pas l’infraction, entre autres, les compagnies d’assurance, les compagnies de réassurance, de monnaie électronique… Pour autant, ces exceptions sont encadrées, l’ensemble des personnes mentionnées à l’article L511-6 peuvent exercer l’activité de banquier uniquement pour des opérations prévues par leur statut ou encore résultant de leur spécialité professionnelle.

Les articles L511-6 et L511-7 du Code monétaire et financier listent l’ensemble des opérations qui dérogent à l’infraction. L’acte, de façon générale illicite, n’est pas incriminé selon la qualité de la personne ou encore de l’opération effectuée, même s’il porte atteinte au monopole bancaire.
Ainsi, peu importe la nature de l’entreprise, cette dernière peut exercer certaines opérations uniquement réservées aux institutions agréées, tel que consentir à ses contractants des délais ou des avances de paiement, ou encore émettre des titres financiers. Le champ d’application de l’infraction se trouve alors considérablement réduit.

2.2. La répression de l’exercice illégal de la profession de banquier.

Lors de la commission de cette infraction, les personnes physiques sont punies, sur le fondement des articles L511-5 et L571-3 du Code monétaire et financier, à une peine d’emprisonnement de 3 ans et à une amende de 375 000 euros. Les juges peuvent, également, prononcer des peines complémentaires, tel que l’affichage de la décision [15].

Les personnes morales sont punies d’une peine d’amende de 1 875 000 euros. Des peines complémentaires, telles que la dissolution de l’entreprise, l’interdiction à titre définitif ou temporaire d’exercer, de manière directe ou indirecte, une activité professionnelle ou bien sociale [16] peuvent être prononcées.

Les personnes morales sont également accessibles à des sanctions disciplinaires. L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut nommer un liquidateur, qui sera chargé des pouvoirs administratifs de direction et de représentation de la personne morale.

Il existait, auparavant, des sanctions civiles, la victime pouvait bénéficier de dommages et intérêts. Cependant, des interrogations sur la possibilité pour la victime de demander la nullité des conventions passées, et, plus particulièrement, des crédits contractés s’étaient posées. La jurisprudence, controversée, a eu des difficultés à trancher cette question. La chambre commerciale était favorable à cette décision, ce qui n’était pas le cas de la première chambre civile. L’assemblée plénière de la Cour de cassation a mis fin au débat en affirmant, le 4 mars 2005, que la commission de l’infraction ne pouvait pas conduire à la nullité des contrats établis.

Concernant la prescription de cette infraction, le délai de l’action publique est de 6 ans, ainsi que le prévoit la loi du 27 février 2017, et s’agissant d’une infraction d’habitude le point de départ commence à courir à partir du dernier acte illicite effectué.

Cette infraction est un délit, la tentative doit être expressément indiquée [17]. Or, le législateur n’a pas prévu cette solution pour cette infraction. La tentative de l’exercice illégal de banquier n’est donc pas réprimée.

Toutefois, la complicité [18] est punie pour l’exercice illégal de la profession de banquier. Cependant, la Cour de cassation [19] affirme qu’il n’est pas exigé que la complicité résulte de deux actes, à l’instar de l’infraction principale. Ainsi, le complice ayant exécuté une aide ou encore une assistance lors d’un seul acte, peut voir sa responsabilité engagée.

Au vu des risques et dangers auxquels peut faire face la profession de banquier, ce domaine est très réglementé. Pour autant, il semble assez paradoxal que le délit d’exercice illégal de la profession de banquier ne protège pas totalement le monopole bancaire. En effet, la condition d’habitude se consacre par la répétition de l’acte. Or, que les faits puissent être commises, à plusieurs reprises, envers une seule et unique personne démontre une certaine tolérance par le législateur, au sein même d’un domaine très dangereux.

Ne serait-il pas plus judicieux que le législateur modifie cette infraction, et se penche sur le critère d’acte d’habitude, afin qu’il soit conforme au principe du monopole bancaire ?

Marion Aguiar et Mathilde Dumas, Étudiantes,
M2 de droit pénal des affaires à l’Université de Paris Est Créteil (UPEC).

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Notes de l'article:

[1Loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative au contrôle et à l’activité des établissements de crédit.

[2Art. L.511-5 du Code monétaire et financier.

[3Art. L. 311-1 du Code monétaire et financier.

[4Ordonnance n°2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement.

[5Art. L.511-1 du Code monétaire et financier.

[6Règlement (UE) n o 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.

[7Art. L511-5, al 2 du Code monétaire et financier.

[8Le dol est caractérisé de la part de l’auteur par des manœuvres, une volonté de nuire.

[9Ch. crim. 30 novembre 2010 no 10-81.023.

[10Dijon, 17 juin 2015.

[11Ch. crim. 5 mars 2006, no 05-83.747.

[12Ch. crim. 5 février 2003, n°02-83.768 00-83.140.

[13Ch. com. 3 décembre 2002, n°00-16.957.

[14Ch. crim. 17 octobre 2007, n°07-81.038.

[15Art. 131-35 du Code pénal.

[16Art. 131-38 du Code pénal.

[17Article 121-4 du Code pénal.

[18Art. 121-7 du Code pénal.

[19Ch. crim. 19 mars 2000, n°077-85.054.

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