Etrangers et demande de titre de séjour : comment obtenir un rendez-vous en préfecture.

Par Pierre Déat-Pareti, Avocat.

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Explorer : # dématérialisation des services publics # difficulté d'accès aux services publics # demande de titre de séjour # recours administratif

Vous souhaitez demander votre premier titre de séjour, le renouvellement de votre titre arrivant à expiration ou encore le renouvellement de votre récépissé. La Préfecture compétente vous demande de prendre un rendez-vous en ligne mais le site internent vous répond qu’il n’y a plus de place disponible. Demandez un avocat de déposer pour vous un référé devant le Tribunal du ressort.
Explications.

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Depuis quelques années, les Préfectures de France et de Navarre ont entamé un long et inexorable processus de dématérialisation de leurs services, avec plus ou moins de réussite. Ce processus, bien que largement avancé, est encore loin d’être abouti.

Les premiers affectés sont les administrés pour qui l’accès au service public est souvent difficile, sinon impossible.

Cette réalité, que l’on peine à admettre, est particulièrement édifiante s’agissant des services de l’immigration et du séjour des préfectures.

En effet, pour réaliser aujourd’hui la moindre démarche auprès de ces services, il est nécessaire dans beaucoup de préfectures de prendre au préalable un rendez-vous sur internet.

Hélas, cependant, l’offre de rendez-vous est très largement insuffisante par rapport à la demande, à telle enseigne qu’il est presque impossible de trouver une place disponible sur les plateformes de rendez-vous des préfectures, sauf heureux hasard.

« Il n’existe plus de plage horaire libre pour votre demande de rendez-vous. Veuillez recommencer ultérieurement. »

Les demandeurs de titre de séjour et ceux désirant obtenir le renouvellement de leur document de séjour arrivant à expiration se retrouvent alors dans une situation inextricable.

Nombreux se rendent en Préfecture afin d’expliquer leurs difficultés, mais dans la très grande majorité des cas, cette démarche est vaine car les services ont pour instruction de les renvoyer vers les plateformes défaillantes.

Les demandeurs de titre de séjour sont privés de l’accès au service public avec des conséquences souvent graves pour eux, comme notamment et surtout la perte de leur emploi ou de celui qui leur était promis, faute pour eux de pouvoir produire un titre de séjour valide les autorisant à travailler.

Les magistrats ont été rapidement saisis de ces difficultés.

Depuis un arrêt du Conseil d’Etat du 10 juin 2020 notamment, il est acquis que le demandeur peut obtenir du juge administratif des référés l’obligation pour la Préfecture de le recevoir dans afin de déposer sa demande :

« Lorsque le rendez-vous ne peut être obtenu qu’en se connectant au site internet de la préfecture, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, si l’étranger établit qu’il n’a pu obtenir une date de rendez-vous, malgré plusieurs tentatives n’ayant pas été effectuées la même semaine, il peut demander au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L521-3 du Code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de lui communiquer, dans un délai qu’il fixe, une date de rendez-vous. Si la situation de l’étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il fixe un délai bref en cas d’urgence particulière » [1].

La procédure utile et la plus employée aujourd’hui est celle du référé mesure-utile, dont les modalités de recevabilité sont fixées à l’article L521-3 du Code de justice administrative.

Selon ce texte :

« En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ».

L’article L521-3 du Code de justice administrative autorise le juge des référés du Tribunal administratif à contraindre l’Administration à prendre telle ou telle décision (celle de recevoir un étranger pour qu’il dépose une demande de titre de séjour par exemple) si les trois conditions suivantes sont réunies :
- l’urgence tout d’abord de la situation,
- que la mesure demandé soit utile ensuite,
- et enfin, que cette mesure n’entrave pas l’exécution d’une autre mesure prise par l’administration.

Par ailleurs, la jurisprudence a posé une quatrième condition tirée de l’absence de contestation sérieuse :

« considérant qu’aux termes de l’article L521-3 du Code de justice administrative : En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ; que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions d’une demande d’expulsion d’un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que M. A n’est plus titulaire d’un titre régulier d’occupation de la résidence services depuis la notification de l’arrêté du 23 août 2010 ; que, par suite et alors que cette décision n’est pas contestée, la demande présentée par le Centre d’action sociale de la ville de Paris ne se heurte à aucune contestation sérieuse » [2].

S’il est bien conseillé, ces conditions sont aisées à démontrer pour l’étranger qui ne parvient pas à obtenir un rendez-vous en préfecture afin de déposer une demande de titre de séjour.

1) L’urgence, en premier lieu, ressort du fait que l’impossibilité d’obtenir le précieux sésame (qu’est le rendez-vous en préfecture) empêche l’administré de faire procéder à sa régularisation et le confine à son état de « sans-papiers ».

Le Tribunal administratif de Paris a par exemple jugé récemment, s’agissant d’un ressortissant camerounais en France depuis plus de six ans et qui travaillait comme aide à domicile avec, preuve à l’appui, des bulletins de salaire et un contrat de travail, que :

« Il est constant que le refus de lui donner le rendez-vous qu’il sollicite le maintient dans une situation des plus précaires. Dans ses conditions, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie » [3].

Dans cette affaire, l’étranger ne parvenait pas à obtenir un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour alors qu’il avait tenté à de multiples reprises, et ce depuis plusieurs mois, de se connecter sur la plateforme de prise de rendez-vous de la préfecture de police.

Au sujet d’un ressortissant algérien en France depuis plus de 17 ans et ayant résidé sur le sol français de façon continue mais sans jamais posséder un titre de séjour et qui, au demeurant, travaillait comme plâtrier-peintre pour des particuliers mais ne produisait ni bulletin de salaire ni comptabilité d’entreprise, le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que :

« Dès lors que M. X établit avoir effectivement essayé de se connecter au site internet sans que le préfet lui ait permis de voir son cas examiné dans un délai raisonnable au regard de sa situation particulière, la mesure qu’il sollicite sur le fondement de l’article L521-3 du Code de justice administrative remplit les conditions d’urgence et d’utilité posées par cet article » [4].

Dans cette affaire, le requérant tentait également depuis plus de huit mois de prendre un rendez-vous sur la plateforme en ligne de la Préfecture.

C’est également la jurisprudence du Tribunal administratif de Versailles qui a par exemple jugé que :

« (…) il incombe à l’autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l’enregistrement de sa demande, dans un délai raisonnable » [5].

La condition de l’urgence ne pose donc pas de réelles difficultés si votre dossier est bien préparé.

Ensuite, s’agissant des autres critères, le caractère utile de la mesure, le fait qu’elle n’entrave pas l’exécution d’une autre décision administrative et l’absence de contestation sérieuse, ceux-ci sont aujourd’hui tenus pour acquis par les juges.

Et pour cause ! La possibilité de déposer une demande de titre de séjour est un droit pour l’Administré. L’exercice de ce droit ne saurait être entravé par un délai de traitement anormalement long ou des défaillances quelconques d’une plateforme électronique.

Le Tribunal de Paris juge a ainsi que :

« si l’étranger établit qu’il n’a pu obtenir une date de rendez-vous, malgré plusieurs tentatives n’ayant pas été effectuées la même semaine, il peut demander au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L521-3 du Code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de lui communiquer, dans un délai qu’il fixe, une date de rendez-vous. Si la situation de l’étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il fixe un délai bref en cas d’urgence particulière » [6].

Dans le même sens, le juge administratif de Montreuil a jugé que :

« La circonstance qu’un demandeur soit en situation irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il sollicite son admission au séjour et il appartient à l’autorité administrative de permettre à l’étranger de voir son cas examiné dans un délai raisonnable » [7].

Enfin, pour demander la fixation d’un rendez-vous par la voie du référé mesure-utile, vous devrez réunir au préalable des preuves tangibles que vous n’arrivez pas à prendre rendez-vous via la la plateforme en ligne de la Préfecture.

Pour cela, il convient de réaliser des captures d’écran (le plus grand nombre possible) de la plateforme de la Préfecture lorsque la page affiche le message d’indisponibilité.

Les captures d’écran constituent une preuve recevable en justice, même si les préfectures essaient régulièrement de la combattre en faisant valoir que les captures d’écran ne sont pas nominatives, comme dans cette affaire où cela été soutenu dans les termes suivant par l’administration :

« le requérant ne justifie d’aucune urgence dès lors que les captures d’écran qu’il verse au dossier constituent des documents non nominatifs et génériques relatifs à une période non significative ; il ne présente aucune situation de vulnérabilité ou de précarité particulière ; il n’a aucun souci de santé ; il travaille déjà sur le territoire et n’a nul besoin d’un récépissé pour exercer ledit emploi ; il n’a pas un titre échu et sa famille proche est en situation irrégulière sur le territoire » [8].

Le juge administratif n’a pas été convaincu par cet argument auquel il n’a même pas pris la peine de répondre dans cette affaire.

Le Tribunal administratif de Paris rejette également cet argument :

« Il résulte de l’instruction que le requérant produit un nombre significatif de captures d’écran du mois de juillet 2021 à septembre 2021, soit sur une période de plusieurs semaines, sans qu’il puisse lui être reprochée la formalité impossible de ne pas avoir supprimé le caractère anonyme de la capture d’écran ainsi que plusieurs mails envoyés aux services de la préfecture » [9].

Les avocats peuvent réaliser ces captures d’écran afin de vous aider dans la préparation de votre dossier.

Par ailleurs, si le recours à un avocat n’est pas obligatoire pour saisir le juge administratif d’un référé mesure-utile, il est fortement recommandé de vous rapprocher d’un spécialiste afin de ne pas voir votre demande rejetée.

A bon entendeur salut…

Pierre DÉAT-PARETI - Avocat
contact chez deatpareti-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1CE, 10 juin 2020, N° 435594.

[2CE 28 septembre 2011, req. n° 344031.

[3TA Paris, 29 septembre 2021, N° 2119978/9.

[4TA Montreuil, 13 mars 2020, N° 2000739.

[5TA Versailles, 8 juin 2021, N° 2102633.

[6TA Paris, 29 septembre 2021, N° 2119978/9.

[7TA Montreuil, 13 mars 2020, N° 2000739.

[8TA Versailles, 8 juin 2021, N° 2102633.

[9TA Paris, 29 septembre 2021, N° 2119978/9.

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