Selon les plus récentes estimations disponibles (INSEE et OFDT), le marché des stupéfiants génère environ 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, pour 5 millions de consommateurs réguliers de cannabis et 600 000 de cocaïne, les deux drogues illicites les plus consommées dans le pays. En parallèle, l’office antistupéfiants (OFAST) estime que 240 000 personnes vivent directement ou indirectement du trafic de drogue, dont 21 000 à temps plein.
Le rôle de la police judiciaire est de constater les infractions, d’identifier les auteurs, de les interpeller puis de les présenter à l’autorité judiciaire.
Le Code pénal renferme plusieurs incriminations destinées à faciliter les poursuites judiciaires en matière financière, notamment le blanchiment de capitaux, le recel et la non-justification de ressources. Mais, l’aspect financier du trafic de stupéfiants est souvent difficile à cerner, notamment lorsqu’il s’agit d’identifier les intermédiaires ou les bénéficiaires financiers. Même si l’évolution législative et jurisprudentielle favorisent la poursuite des protagonistes, force est de constater que la technicité requise pour caractériser ces infractions freine leur application.
Il est en effet nécessaire d’établir préalablement l’existence de l’infraction de trafic pour poursuivre le détenteur des fonds ou des biens de provenance illégale. En pratique, une personne détentrice de fonds ne peut pas faire l’objet de poursuite judiciaire si la preuve n’est pas rapportée qu’ils viennent d’une première infraction. En France, il est impossible de produire des richesses sans en faire la déclaration aux services fiscaux. L’omission pourrait conduire à des poursuites pour fraude fiscale.
Lorsqu’une personne détient des fonds dont elle ne peut pas justifier la provenance, il ne parait pas incongru de supprimer l’obligation de caractériser l’infraction sous-jacente de façon à poursuivre, un trafiquant de stupéfiants ou un consommateur, pour enrichissement sans cause, lorsqu’il détient des fonds injustifiés.
La réponse pénale en matière de poursuites judiciaires relatives au produit généré par le trafic de stupéfiant reste insuffisante. Il parait intéressant de proposer la création d’une nouvelle incrimination, l’enrichissement sans cause.
I. Une réponse pénale insuffisante en matière financière.
L’application de la législation pénale, s’agissant des infractions de conséquence, est contraignante, il est parfois difficile de caractériser les infractions sous-jacentes.
1.1. La législation pénale financière contraignante.
La législation pénale française connait principalement trois infractions de conséquence, le blanchiment de capitaux, le recel et la non-justification de ressources.
Le blanchiment de capitaux distingue deux types de comportement délictuel distinct. Le premier consiste à faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus, relative au trafic de stupéfiants. Le second est caractérisé par un concours apporté à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l’infraction.
L’autorité de poursuite a la charge de prouver l’existence d’une infraction sous-jacente ayant généré des produits financiers. Le délit est constitué dès que s’interpose entre ces deux éléments (infraction sous-jacente et blanchiment), une justification mensongère destinée à donner une apparence légale aux flux financiers illégaux ou d’apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion. Il doit donc être démontré que le produit financier est généré par le trafic de stupéfiants.
Le blanchiment de capitaux permet de poursuivre judiciairement celui qui transforme les gains du trafic de stupéfiants pour lui donner une apparence légale.
Le recel, infraction de portée générale, est quant à lui caractérisé par la dissimulation, la détention, la transmission d’une chose, l’intermédiation, ou encore le bénéfice du produit d’un crime ou d’un délit.
Le recel caractérise une détention, une dissimulation ou une transmission. La détention personnelle de la chose n’est pas indispensable. La Cour de cassation a retenu l’infraction de recel dans le cas de paiement par l’auteur de l’infraction de la dette du mis en cause. La dissimulation consiste à cacher la chose provenant d’une infraction, par exemple la dissimulation d’un objet volé ou encore "garder" pour un ami un objet qu’il ne devrait pas détenir (produits stupéfiants etc.). Le recel intermédiaire ou transmission suppose un déplacement géographique de la chose, notamment le transport routier d’un véhicule volé, la remise de la chose de la main à la main. Le recel bénéfice est proche du précédent qualificatif, par exemple accepter de consommer des boissons en sachant qu’elles proviennent d’un vol, se faire offrir un repas payer par des chèques volés ou détournés…
La personne mise en cause pour recel doit avoir connaissance de la provenance frauduleuse de la chose. Cette connaissance doit être clairement établie.
La caractérisation du recel permet, entre autres, de sanctionner les « nourrices ». Il s’agit de personnes, qui sans être impliquées directement dans le trafic, stocke, généralement, dans son logement des produits stupéfiants.
L’infraction de non-justification de ressources, de portée générale, est établie lorsque son auteur n’est pas en mesure de justifier de ressources correspondant à son train de vie ou lorsqu’il ne peut pas justifier de l’origine d’un bien qu’il détient, alors qu’il est en relation habituelle avec l’auteur ou la victime d’une infraction. Elle vise également la facilitation de ressources fictives pour des personnes se livrant à la commission d’une infraction.
Il est nécessaire que les ressources personnelles et le patrimoine ne correspondent pas au train de vie de la personne, ils doivent être sans rapport avec ses revenus. Il revient à son auteur de justifier de ses moyens d’existence, par la production de documents indiscutables tels que factures, bulletins de paye, ou bien encore déclaration de revenus.
Les juges ont le pouvoir souverain d’appréciation des faits et des circonstances de cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus. L’article 321-6 alinéa 1 du Code pénal impose d’établir la nature des relations habituelles du mis en cause avec un ou plusieurs auteurs d’infraction. Il doit s’agir d’infractions criminelles ou délictuelles punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement. La personne bénéficiant directement ou indirectement du produit de cette infraction, les relations habituelles peuvent se limiter à des rencontres, des entrevues ou des visites.
Cette incrimination permet de poursuivre judiciairement les personnes qui, sans participer au trafic de stupéfiants, profitent d’une partie des gains générés.
1.2. La difficulté de caractériser les infractions pénales de conséquence.
Il est très souvent difficile de caractériser les éléments constitutifs des infractions de conséquences. L’accusation doit démontrer l’existence d’une infraction sous-jacente, en l’espèce un acte entrant dans la définition du trafic de stupéfiants. L’analyse des textes permet d’observer qu’elles présentent un élément constitutif commun, l’existence d’un crime ou d’un délit sous-jacent.
L’infraction de blanchiment de capitaux posée par l’article 222-38 du Code pénal est caractérisée, entre autres, par la dissimulation de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit. Cet élément constitutif de l’incrimination est difficile à appliquer. Les douaniers, gendarmes et policiers, lorsqu’ils saisissent une somme d’argent dont l’origine est douteuse éprouvent de réelles difficultés à caractériser l’infraction de blanchiment. Ils doivent, en effet, démontrer que les fonds proviennent d’une première infraction. Afin de faciliter la répression, le législateur a introduit une présomption de blanchiment à l’article 324-1-1 du même code :
« Pour l’application de l’article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ».
Se pose alors la question de son application à l’article 222-38 du Code pénal. En effet, l’article 324-1-1 ne vise que le deuxième alinéa de l’article 324-1 du Code pénal (infraction générale de blanchiment de capitaux). En application du principe de légalité, l’article 324-1-1 ne parait pas s’appliquer à l’article 222-38, ce qui ne favorise pas la répression du trafic de stupéfiants.
La Cour de cassation a précisé que pour caractériser le blanchiment de capitaux, si elle n’implique pas que les auteurs de l’infraction principale soient connus, ni les circonstances de la commission de celle-ci entièrement déterminées, la caractérisation de l’infraction de blanchiment nécessitait que soit établie l’origine des biens blanchis.
Une partie de la doctrine, s’appuyant sur des décisions jurisprudentielles, considère que le blanchiment de capitaux est une infraction autonome. Mais en réalité, son autonomie est simplement limitée à l’absence des poursuites judiciaires pour l’infraction principale.
En matière de recel, l’auteur de l’infraction ne peut être poursuivi que s’il savait que cette chose provenait d’un crime ou d’un délit.
La Cour de cassation a affirmé ce principe, le recel est constitué uniquement si les choses détenues proviennent d’une action qualifiée crime ou délit par la loi. Par ailleurs, la première infraction doit être caractérisée par des constatations suffisantes.
L’élément intentionnel du délit de recel consiste dans la connaissance de l’origine frauduleuse des objets recelés, quand bien même le receleur aurait ignoré les circonstances précises du crime ou du délit originaire, ou la personne au préjudice de laquelle cette infraction a été commise. Selon la haute juridiction, la culpabilité du receleur n’implique pas la connaissance précise de l’espèce de crime ou de délit par lequel ont été obtenus les objets recelés.
Dès lors que l’auteur connaissait la provenance illégale, il devient receleur et à l’occasion de plusieurs décisions, la Cour de cassation a confirmé limitativement cette responsabilité. En effet, elle a précisé que les circonstances étrangères à un fait délictueux, faisaient disparaitre la culpabilité de son auteur (amnistie) et ne produisaient d’effets qu’à son égard et ne bénéficiait pas au receleur. Elle a jugé que le recel était punissable même si l’auteur de l’infraction d’origine était couvert par l’immunité de l’article 311-12 du Code pénal. D’autres décisions vont dans le sens de la responsabilité individualisée du receleur. Ainsi, le profit direct, par le prévenu, du « train de vie » de son épouse, qui à l’évidence, ne pouvait correspondre à des gains professionnels.
Comme en matière de blanchiment de capitaux, l’absence de caractérisation du crime ou du délit principal permet au receleur de bénéficier, d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’une relaxe.
L’infraction de non-justification de ressources, qui de prime abord semble simple à caractériser, présente en réalité de réelles difficultés.
L’article 326-1 du Code pénal requiert la caractérisation de deux éléments cumulatifs :
- Ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu ;
- Être en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui se livrent à la commission de crimes ou de délits.
Le premier élément, correspond à la propriété de fonds, biens mobiliers et immobiliers. La preuve de la licéité de la détention se fera notamment par la production de factures.
La disproportion entre les ressources et les dépenses de train de vie est établie par la différence entre les revenus légaux (salaires, prestations sociales…) et les dépenses de vie courante ou somptuaire.
Il peut s’agir, notamment de sommes versées sur un compte bancaire, de la possession d’un véhicule Mercedes et de la construction d’une maison individuelle.
La Cour de cassation a retenu cette infraction à l’encontre de parents trouvés en possession de numéraires et vêtements provenant de vols réalisés par leurs enfants suffisamment âgés pour les commettre à leur instigation, tous vivant en groupe étroit et organisé, alors que les ressources dont ils justifiaient ne pouvaient expliquer la détention d’une grosse somme d’argent ni la propriété de trois véhicules de grande puissance.
Le second élément, les relations habituelles peuvent se limiter à des rencontres, des entrevues ou des visites. Il est parfois difficile d’établir qu’il existe un lien entre la fortune d’un suspect et ses mauvaises fréquentations, mais les officiers de police judiciaire disposent de moyens procéduraux (surveillance physique, écoute téléphonique, dans certaines circonstances de moyens de sonorisation, de témoignages…). La fréquence de la relation devra être établie en raison de l’adjectif « habituelles ».
Il apparait clairement à l’analyse de ces infractions, que la caractérisation du crime ou du délit sous-jacent constitue un véritable frein à la généralisation des poursuites judiciaires. Pour davantage d’efficacité, il conviendrait de créer une incrimination autonome relative à la détention de fonds ou de biens dont la provenance n’est pas établie.
II. Une proposition de création d’une infraction d’enrichissement sans cause.
La création de l’infraction d’enrichissement sans cause pose néanmoins deux interrogations liées à son existence :
- Est-ce que ce principe est déjà connu dans notre droit positif ?
- Quels pourraient être les éléments constitutifs de cette infraction ?
2.1. Un principe déjà connu de la législation française.
L’inventaire des dispositifs législatifs démontre que ce principe est déjà connu dans notre droit positif.
En matière civile, l’article 1303 dispose que celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.
Le droit civil règle les litiges entre particuliers, alors que le droit pénal a été instauré pour préserver les intérêts de la société. On peut en déduire que nous sommes en présence de deux victimes, le particulier et la société. Ce qui est applicable à l’un doit pouvoir s’appliquer à l’autre.
En matière fiscale, l’article 168 du Code général des impôts sanctionne la disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus.
Le calcul de la disproportion entre les éléments de train de vie et les revenus déclarés repose sur une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie du contribuable. Les services fiscaux caractérisent la disproportion selon les critères suivants :
1. L’identification des éléments de train de vie : l’administration fiscale recense les éléments de train de vie du contribuable, tels que les résidences principales et secondaires, les véhicules, les voyages, les dépenses de loisirs… ;
2. L’évaluation forfaitaire : chaque élément de train de vie est évalué selon un barème spécifique ;
3. La comparaison avec les revenus déclarés : la somme des évaluations forfaitaires des éléments de train de vie est comparée aux revenus déclarés par le contribuable. Une disproportion marquée est établie lorsque cette somme excède d’au moins un tiers le revenu global déclaré.
Un écart doit exister entre les éléments de train de vie et les revenus, qui doit être constaté pendant une période considérée.
Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l’utilisation de son capital ou les emprunts qu’il a contractés lui ont permis d’assurer son train de vie.
En matière pénale, l’article 99-2 du Code de procédure pénale dispose que le juge d’instruction, au cours de son instruction, peut ordonner le placement de biens meubles sous-main de justice lorsque la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien ou entraînerait des frais conservatoires disproportionnés au regard de sa valeur économique ou lorsque l’entretien du bien requiert une expertise particulière.
En cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire des objets.
Le Code monétaire et financier oblige le porteur d’une somme de 10 000 euros, lors du passage à la frontière, a procédé à une déclaration douanière. Celle-ci doit être sincère, les informations fournies devant être correctes et complètes. La méconnaissance de l’obligation déclarative est punie d’une amende égale à 50% du montant de l’argent liquide sur lequel a porté l’infraction ou la tentative d’infraction.
En outre, les agents des douanes, peuvent prononcer la retenue temporaire de la totalité de l’argent liquide pendant une durée ne pouvant être supérieure à trente jours, renouvelable jusqu’à un maximum de quatre-vingt-dix jours. Au terme de la durée de quatre-vingt-dix jours, si les nécessités de l’enquête l’exigent, les agents des douanes peuvent consigner l’argent liquide, sur autorisation du procureur de la République du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, dans la limite de douze mois décomptés à partir du premier jour de la retenue temporaire. La confiscation peut être prononcée s’il est établi que l’auteur de l’infraction a participé à la commission d’une infraction ou s’il y a des raisons plausibles de penser qu’il a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le Code des douanes. La décision de non-lieu ou de relaxe emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d’extinction de l’action pour l’application des sanctions fiscales.
Enfin, la possession de fonds ou de biens doit être déclarée aux services fiscaux. En effet, quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts de quelque manière que ce soit est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 375 000 euros et d’un emprisonnement de cinq ans.
Plusieurs dispositions légales permettent déjà de soustraire des fonds ou des biens dont l’origine est inconnue, reste à préciser les éléments constitutifs de l’enrichissement sans cause en matière pénale.
2.2. Les éléments constitutifs pour une infraction d’enrichissement sans cause.
L’étude de l’infraction d’enrichissement sans cause peut être divisée en deux parties. La première, relative à la caractérisation de l’incrimination elle-même, la seconde contenant les éléments de procédure.
La rédaction de l’infraction d’enrichissement sans cause doit préciser qui peut en être l’auteur, la constatation de l’enrichissement illégal, la possibilité à l’auteur présumé de justifier de l’origine des fonds ou des biens et enfin le quantum de la peine.
La procédure doit préciser l’autorité d’exécution et de décision, l’obligation de description des fonds ou des biens, leur destination et enfin la possibilité de restitution lorsque la condamnation n’a pas été prononcée.
Pour des raisons évidentes d’efficacité, cette infraction peut être commise par toute personne physique ou morale, la désignation de l’auteur devant être la plus exhaustive possible. Les infractions de conséquences, s’agissant de cette désignation, ne catégorise pas la qualité de l’auteur. Ainsi, pour ces incriminations la rédaction est la suivante :
- Le recel « Le recel est le fait… » ;
- Le blanchiment de capitaux « Le blanchiment est le fait d’apporter son concours… » l’auteur peut être n’importe quelle personne physique ou morale ;
- Bien que la rédaction de l’infraction de non-justification de ressources, semble avoir une portée générale « Le fait de ne pas pouvoir justifier… », seule une personne physique peut fait l’objet de poursuite judiciaire.
Il n’y a pas lieu de préciser la nature de l’auteur de façon que l’infraction d’enrichissement sans cause puisse s’appliquer à toute personne en possession de fonds ou de biens dont elle ne peut pas justifier l’origine.
Il convient de retenir qu’elle peut être établie dès lors qu’il y a une disproportion entre les éléments de train de vie et les revenus déclarés. Afin de déterminer le montant de l’enrichissement, les instructions de l’administration fiscale nous semblent pertinents (l’identification des éléments de train de vie, leur évaluation forfaitaire et la comparaison des éléments recueillis avec les revenus déclarés).
Le droit de chaque personne mise en cause doit être assuré. Dès lors, l’infraction d’enrichissement sans cause ne peut échapper à cette règle. Ainsi, il est nécessaire que la personne puisse être en mesure de justifier directement ou par l’intermédiaire de son avocat de la provenance des fonds ou des biens. C’est en effet à l’autorité répressive de démontrer la commission d’une infraction, celle-ci devant être commise intentionnellement. Cette règle est respectée par les juridictions répressives, on peut noter s’agissant de l’infraction de non-justification de ressources que la rédaction porte cette obligation en mentionnant « De ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu… ».
Par analogie aux infractions de blanchiment de capitaux et de recel, le quantum de la peine pourrait être fixé à 5 ans d’emprisonnement et une amende de 375 000 euros, sans préjudice des sanctions fiscales.
Il est évident que l’infraction d’enrichissement sans cause doit être constatée par les officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales et des douanes. Cependant, la saisie ne pourra intervenir que sur autorisation du procureur de la République qui assurera un contrôle des opérations. Cette autorisation donnée par le procureur de la République de la saisie est déjà connue dans notre législation.
Lors de la saisie, les officiers de police judiciaire procèderont à un inventaire précis conformément à l’article 56 du Code de procédure pénale. Puis, ces fonds et biens seront consignés ou confiés pour gestion à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). En cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, les fonds ou les biens seront restitués au détenteur.
Le développement du trafic de stupéfiants nécessite la mise en œuvre d’outils efficaces. Il est largement admis que ce trafic génère des sommes considérables, c’est donc sous cet angle qu’il faut accentuer la lutte.
Par ailleurs, la loi fiscale obligeant de déclarer toutes les sommes perçues, il n’est pas incongru de créer une infraction d’enrichissement sans cause pour s’attaquer à l’aspect financier des dealers et des consommateurs.
Cette incrimination serait de nature à faciliter les poursuites en matière de trafic de stupéfiants, toutefois elle ne doit pas être exclusive de cette matière et couvrir l’ensemble des faits délictueux.