Eléments de comparaison du mécanisme d’application des infractions de conséquence.

Par Alain Bollé.

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Explorer : # infractions de conséquence # blanchiment de capitaux # recel # non-justification de ressources

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Le mécanisme des infractions de conséquence comme le blanchiment de capitaux, le recel et la non-justification de ressources diffère pour chaque infraction. Il est donc important d'identifier ces mécanismes pour mieux comprendre l'application de ces infractions.
Description rédigée par l'IA du Village

L’infraction de conséquence est celle qui permet soit la transformation du produit d’un crime ou d’un délit, en l’occurrence le blanchiment de capitaux, soit la réception des fonds générés par l’incrimination, en l’espèces le recel et la non justification de ressources.

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Il n’existe pas de définition admise, chaque infraction de conséquence met en œuvre deux incriminations, la première qualifiée de principale ou sous-jacente permet de générer un produit et la seconde, de conséquence de le transformer ou de le déplacer.

La disparition juridique de la première n’entraine pas nécessairement l’extinction de la seconde. L’immunité familiale ne bénéficie qu’à l’auteur de l’infraction principale. La relaxe définitive de l’auteur de l’infraction préalable ne fait pas disparaitre l’incrimination de conséquence. Il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction préalable soit condamné, poursuivi ou même identifié, ni même que la qualification précise de l’infraction préalable soit établie. L’amnistie de l’infraction préalable fait disparaitre l’incrimination de conséquence, sauf s’il s’agit d’une amnistie personnelle. L’abrogation de la loi pénale fait disparaitre l’incrimination de conséquence.

Le droit pénal français connait notamment en tant qu’infraction de conséquence, le recel, blanchiment de capitaux avec sa présomption et la non-justification de ressources. Le financement du terrorisme est une infraction hybride, l’origine des fonds pouvant être légale ou illégale.
Cette analyse est limitée au seul mécanisme concernant ces infractions, elle n’aborde pas les éléments constitutifs, ni les sanctions prévues par le Code pénal.
Préalablement, il convient de définir le mécanisme de chaque infraction pour comparer les éléments d’application.

I. Le mécanisme de chaque infraction.

Le mécanisme du blanchiment de capitaux, du recel et de la non-justification de ressources est différent pour chaque incrimination, même si l’objectif poursuivi est identique, celui d’étendre la répression à tous les protagonistes.

1. Le blanchiment de capitaux.

Le blanchiment de capitaux comprend deux alinéas correspondant à deux types de comportement délictuel. Le premier consiste à faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Le second est caractérisé par un concours apporté à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l’infraction.

Le premier alinéa de l’article 324-1 du Code pénal réprime la justification mensongère de l’origine du patrimoine d’une personne ayant commis un crime ou un délit. L’autorité de poursuite a la charge de prouver la commission de l’infraction sous-jacente générant des produits. Le délit est constitué dès que s’interpose entre ces deux éléments (infraction sous-jacente et blanchiment), une justification mensongère destinée à donner une apparence légale aux flux financiers illégaux.
Le deuxième alinéa de l’article 324-1 du Code pénal réprime le concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion. Il doit être démontré que le produit généré par un crime ou un délit provient de l’une de ces opérations avant d’être injecté dans l’économie légale. Le délit de blanchiment de capitaux est caractérisé dès lors que le lien entre l’opération de transformation et le produit d’un crime ou d’un délit est établi.

2. Le recel.

Cette infraction est caractérisée par la dissimulation, la détention, la transmission d’une chose ou encore l’intermédiation, ou le bénéfice du produit d’un crime ou d’un délit.
Le mot « chose » a une portée très large et aucune définition juridique de ce terme employé dans ce contexte n’existe. Selon la jurisprudence et les auteurs de doctrine, le terme doit être entendu très largement. Dans un premier temps, la jurisprudence avait admis que la « chose » objet du recel pouvait être une information. Cette jurisprudence a été abandonnée par une décision du 3 avril 1995. Cependant, le recel de violation du secret professionnel est toujours sanctionné.
Le recel caractérise une détention, une dissimulation, une détention ou une transmission. La détention personnelle de la chose n’est pas indispensable. La Cour de cassation a retenu l’infraction de recel dans le cas de paiement par l’auteur de l’infraction de la dette du mis en cause. En l’espèce, le règlement du loyer d’un ami avait été effectué par des chèques volés. L’auteur connaissait l’origine délictueuse des formules. Elle en a déduit que le recel était constitué par une économie réalisée. La dissimulation consiste également à cacher la chose provenant d’une infraction, par exemple la dissimulation d’un objet volé ou encore "garder" pour un ami un objet qu’il ne devrait pas détenir (téléphone de valeur, carte bancaire au nom d’un tiers etc.). Le recel intermédiaire ou transmission est caractérisé par un déplacement géographique de la chose, notamment le transport routier d’un véhicule volé, la remise de la chose de la main à la main ou encore servir d’intermédiaire lors d’une négociation (Négocier des bijoux de provenance douteuse, proposer des vêtements de marque dans un bar, etc.). Le recel bénéfice est proche du précédent qualificatif, accepter de consommer des boissons en sachant qu’elles proviennent d’un vol, se faire offrir un repas payer par des chèques volés ou détournés…
La personne mise en cause pour recel doit avoir connaissance de la provenance frauduleuse de la chose. Cette connaissance doit être clairement établie. Selon, la Cour de cassation cette appréciation relève du pouvoir des juges du fond. Il est nécessaire de rechercher à quel moment le mis en cause a eu connaissance du caractère frauduleux de la chose.

3. L’infraction de non-justification de ressources.

L’infraction de non-justification de ressources est établie lorsque son auteur n’est pas en mesure de justifier de ressources correspondant à son train de vie ou lorsqu’il ne peut pas justifier de l’origine d’un bien qu’il détient, alors qu’il est en relation habituelle avec l’auteur ou la victime d’une infraction. Elle vise également la facilitation de ressources fictives pour des personnes se livrant à la commission d’une infraction.

Il est nécessaire que les ressources personnelles et le patrimoine ne correspondent pas au train de vie de la personne, ils doivent être sans rapport avec ses revenus. Il revient à son auteur de justifier de ses moyens d’existence, par la production de documents indiscutables tels que factures, bulletins de paye ou bien encore déclaration de revenus.
Les juges ont le pouvoir souverain d’appréciation des faits et des circonstances de cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus. Deux exemples illustrent bien ce comportement délictuel, dans le premier cas un individu a été condamné pour non-justification de ressources. Le couple qui, même avec un train de vie modeste, possédait des avoirs bancaires disproportionnés à leurs revenus mensuels, multipliait les mouvements de fonds et effectuait de nombreux paiements en espèces. Dans le second cas un individu a été condamné, il était en possession d’importantes liquidités sans rapport avec les ressources provenant de l’exploitation d’un bar restaurant.
L’article 321-6 alinéa 1 du Code pénal impose d’établir la nature des relations habituelles du mis en cause avec un ou plusieurs auteurs d’infraction. Il doit s’agir d’infractions criminelles ou délictuelles punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement. La personne doit bénéficier directement ou indirectement du produit de cette infraction, les relations habituelles peuvent se limiter à des rencontres, des entrevues ou des visites.

II. La comparaison des mécanismes d’application de ces infractions.

Deux critères de comparaison peuvent être retenus, d’une part une notion de transformation et d’autre part la notion de réception du produit de l’infraction principale.

1. La notion de transformation du produit de l’infraction principale.

La notion de transformation du produit de la criminalité est spécifique à l’infraction de blanchiment de capitaux.

Le blanchiment de capitaux consiste soit à faciliter la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit, soit à apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion. Dans les deux cas, les biens ou les revenus doivent être transformés pour leur donner une apparence légale.

Plusieurs décisions judiciaires sont venues en préciser les contours. La Cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation d’un avocat de tentative de blanchiment aggravé pour avoir rédigé des affidavits permettant de justifier des transactions en espèces portant sur d’importantes quantités d’or importées en contrebande, sans pouvoir invoquer une négligence, dans le but de percevoir une commission et de retirer profit de l’opération. Par ailleurs, la Cour d’appel de Montpellier a confirmé la condamnation d’une personne aux infractions de participation à la tenue d’une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, d’organisation de loterie prohibée, d’abus de confiance et de blanchiment des sommes obtenues de ces activités par opération de placement, dissimulation ou conversion. La juridiction a ainsi caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction.

Le mécanisme du blanchiment de capitaux est bien une opération de transformation des biens ou des revenus de l’auteur de l’infraction.

2. La notion de réception du produit de l’infraction principale.

Les biens ou les produits provenant d’un recel ou d’une infraction de non-justification de ressources ne sont pas nécessairement transformés, une simple « remise » suffit à caractériser ces infractions.
La réception suppose que la relation soit établie avec l’existence de la première infraction, recel ou non-justification de ressources. Le recel nécessite d’établir ce lien direct par la remise alors que l’infraction de non-justification de ressources impose simplement, pour être caractérisée, d’établir la relation avec l’auteur de l’infraction principale.

La jurisprudence a considéré que le fait d’accepter de consommer des boissons en sachant qu’elles proviennent d’un vol, de se faire offrir un repas payer par des chèques volés ou détournés constituent un recel. En effet, il a été jugé que soient considérés comme receleurs des personnes qui, après avoir été informées d’un cambriolage, ont accepté de partager un repas et consommé des boissons provenant du vol. Le numéraire et les vêtements trouvés en possession d’une personne, provenaient de vols réalisés par des enfants suffisamment âgés pour les commettre à l’instigation de leurs parents, tous vivant en un groupe étroit et organisé, et que les ressources dont ils justifiaient ne pouvaient expliquer la détention d’une grosse somme d’argent ni la propriété de trois véhicules de grande puissance.
Dans le cas de recel ou de non-justification de ressources, l’auteur de l’infraction de conséquence bénéficie du produit provenant d’une première incrimination par une simple réception, sans qu’il soit nécessairement transformé.

L’auteur d’une infraction principale vise essentiellement à retirer un profit de son acte. Il serait particulièrement inéquitable de ne pas rechercher la responsabilité pénale du bénéficiaire de l’infraction de conséquence.

Alain Bollé, avocat en retraite
Membre fondateur du cercle K2

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