"Considérant que lorsqu’une intervention destinée à remédier à un handicap ėchoue parce qu’elle a été conduite dans des conditions fautives, le patient peut prétendre à une indemnisation réparant :
outre, les troubles liés à l’intervention inutile et ses éventuelles conséquences dommageables,
les préjudices résultant de la persistance de son handicap dans la limite de la perte de chance de guérison qu’il a subie, laquelle doit être évaluée en fonction de la probabilité du succès d’une intervention correctement réalisée".
Le Conseil d’Etat précise que « la circonstance qu’une intervention réparatrice demeure possible ne fait pas obstacle à l’indemnisation, dès lors que l’intéressé n’est pas tenu de subir une telle intervention, mais justifie seulement qu’elle soit limitée aux préjudices déjà subis à la date du jugement, à l’exclusion des préjudices futurs, qui ne peuvent être regardés comme certains à cette date et pourront seulement, le cas échéant, faire l’objet de demandes ultérieures ».
En l’espèce, le patient présentait une névralgie cervico-brachiale invalidante due à une hernie discale située entre les vertèbres C6 et C7. En août 2008, il subit une intervention qui sera pratiquée par erreur entre les vertèbres C7 et T1 au Centre Hospitalier de Polynésie Française (CHPF).
Le Tribunal administratif de Polynésie Française, saisi aux fins d’indemnisation par l’intéressé, a condamné le CHPF à lui verser une indemnisation.
La Cour administrative d’appel de Paris a, sur appel du CHPF diminué le montant de cette indemnisation. Les juges du fond avaient retenu que l’intervention fautive réalisée "avait entraîné, une perte de chance, évaluée à 95% de guérir de sa hernie discale ou au moins d’obtenir une amélioration de son état de santé".
Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris pour erreur de droit au motif qu’elle ne pouvait limiter l’indemnisation des chefs de préjudice à 95% de leur montant.
La Haute Juridiction a considéré que le taux évalué à 95% de la perte de chance de guérison, retenu par les juges du fond "ne pouvait concerner l’indemnisation des troubles subis du fait de l’intervention chirurgicale et des séquelles qu’elles avaient provoquées, ces préjudices étant tout entiers en lien direct avec la faute commise ; que ce taux n’avait, par suite, pas vocation à s’appliquer au calcul des sommes dues à l’intéressé au titre du déficit fonctionnel temporaire subi suite à l’intervention et du déficit fonctionnel permanent résultant d’une perte de mobilité du rachis cervical qu’il avait entraînée ; qu’il ne pouvait davantage concerner le remboursement des honoraires versés au médecin qui avait assisté l’intéressé au cours des opérations d’expertise ; qu’en limitant l’indemnisation de ces chefs de préjudice à 95% de leur montant, la Cour a commis une erreur de droit".