Différé d’indemnisation : les règles avant et après la réforme de l’assurance chômage.

Par Nathalie Kelyor, Avocat.

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Explorer : # assurance chômage # différé d'indemnisation # réforme # indemnités

Comment déterminer à quelle date un salarié pourra percevoir l’indemnisation chômage ? Les règles de décompte ont été modifiées par un décret du 26 juillet 2019 : Décret du 26 juillet 2019 n°2019-797.
Ce qui va changer au 1er septembre 2020.

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Après la rupture du contrat de travail, le salarié ne perçoit pas immédiatement l’indemnisation chômage. Plusieurs facteurs peuvent repousser le versement de cette indemnisation. Il s’agit des différés de paiement plus communément connus, de manière erronée d’ailleurs, sous les termes de « délais de carence ».

Les règles de décompte ont été modifiées par un décret du 26 juillet 2019. Les nouvelles dispositions devaient entrer en vigueur pour les ruptures de contrat intervenant à compter du 1er avril 2020. Un décret rectificatif a repoussé cette date au 1er septembre 2020.

Dans le dispositif actuel, il faut en premier lieu déterminer le différé d’indemnisation lié à la perception d’une indemnité de congés payés. Puis, il convient de décompter le différé spécifique lié à la perception d’indemnité de rupture pour un montant dépassant les sommes prévues par la loi. Enfin, doit s’appliquer un délai d’attente de sept jours.

Règles applicables pour les ruptures de contrat avant le 1er septembre 2020.

1- En premier lieu, il convient de décompter le différé congés payés au jour de la rupture du contrat de travail.

Le différé d’indemnisation congés payés s’obtient en divisant le montant de l’indemnité de congés payés versée par le dernier employeur au jour de la rupture du contrat par le salaire journalier de référence.

Ce salaire s’obtient en divisant le montant du salaire brut annuel des douze derniers mois civils précédant le dernier jour travaillé payé par le nombre de jours travaillés durant cette même période de 12 mois, multiplié par 1,4.

Le nombre de jours maximum retenu ne peut être supérieur à 261.

Ainsi, un salarié, avec 5 ans d’ancienneté, qui a travaillé durant l’année entière et a perçu un salaire brut mensuel de 2.400 euros et ainsi un salaire annuel brut de 28 800 euros, voit son contrat rompu au 31 décembre. Il perçoit au jour de la rupture une indemnité compensatrice de congés payés de 2500 euros.

Le différé se calcule ainsi :
- Salaire journalier de référence : 28.800/ 261 jours = 110,34
- Différé : 2.500/110,34 = 22,65

Le différé ainsi obtenu doit être arrondi à l’entier inférieur, soit ici un différé congés payés de 22 jours.

Si le même salarié n’avait travaillé que 90 jours sur la période de 12 mois précédant sa rupture, s’il avait perçu en contrepartie de son travail une rémunération mensuelle brute de 2000 euros et s’il avait perçu au jour de la rupture une indemnité compensatrice de préavis de 1.200 euros, le différé aurait dû se calculer ainsi :
- Salaire journalier de référence : 12.000/ (90x1,4) = 95,24
- Différé : 1.200/95 = 12,63

Soit un différé d’indemnisation de 12 jours.

Le différé d’indemnisation congés payés s’applique à compter du lendemain de la fin de contrat, soit dans la majeure partie des cas, à compter du lendemain du dernier jour du préavis.

Si le salarié demande à être dispensé de son préavis, le point de départ de l’indemnisation sera déterminé de la même manière que si le salarié avait accompli son préavis.

Si le salarié est licencié pour faute grave, aucun préavis n’est dû et son indemnisation débutera le lendemain du jour de la rupture du contrat.

S’il est licencié pour faute lourde et qu’il n’a donc pas droit à une indemnité de préavis, l’indemnisation débutera également le lendemain du jour de la rupture du contrat.

Si toutefois, après une procédure contentieuse devant le conseil de prud’hommes, la faute grave ou la faute lourde sont écartées par le juge, l’assurance chômage procèdera au report de la date de prise en charge et demandera la restitution des allocations indûment perçues.

2- A ce différé congés payés, il convient d’ajouter l’éventuel différé spécifique qui intervient lorsque le salarié perçoit des indemnités supérieures à celles qui lui sont dues en vertu de la loi.

Il convient de préciser que les sommes donnant lieu à un différé d’indemnisation spécifique sont les indemnités non prévues par une disposition légale.

Il s’agit notamment pour les plus importantes des indemnités suivantes :
- Indemnité légale de licenciement ;
- Indemnité de rupture conventionnelle si son montant n’excède pas le montant de l’indemnité légale de licenciement ;
- Indemnité spéciale de licenciement pour les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
- L’indemnité de départ ou de mise à la retraite telle que fixée par les articles L1237-9 du Code du travail ;
- L’indemnité forfaitaire de conciliation ;
- Les indemnités allouées par le juge dès lors qu’elles sont fixées conformément au barème Macron [1].

Le différé spécifique d’indemnisation s’obtient en divisant le montant de ces indemnités « supra légales » par 95,8 en 2020 (94,4 en 2019).

Le résultat ne pourra pas excéder 150 jours calendaires (75 jours calendaires en cas de licenciement pour motif économique).

Dans notre exemple ci-dessus, le salarié a perçu au jour de la rupture une indemnité de licenciement légale de 3000 euros. Il conclut par la suite une transaction grâce à laquelle il s’engage, moyennant le versement d’une indemnité équivalente à quatre mois de salaire, soit 9600 euros, à ne pas saisir le conseil de prud’hommes.

Les indemnités supra légales sont celles perçues en plus de celles dues par la loi, soit dans notre exemple les indemnités perçues en plus de l’indemnité légale de licenciement.

Le différé spécifique s’obtiendra alors ainsi : 9.600 /95,8=100,21.

Ce résultat doit être arrondi au chiffre inférieur, soit 100 jours.

3- A ces deux différés doit encore s’ajouter le délai d’attente de sept jours.

Ce délai court à compter du jour de l’expiration des différés ci-dessus si le salarié est inscrit comme demandeur d’emploi à cette date ou à défaut, au jour de son inscription comme demandeur d’emploi.

A compter du 1er septembre 2020 et seulement pour les ruptures intervenues à compter de cette date.

Dans le dispositif applicable à compter du 1er septembre 2020, l’ordre de décompte des différés d’indemnisation sera inversé. Ainsi, il conviendra de calculer en premier lieu le différé spécifique, puis le différé congés payés et enfin appliquer le délai d’attente de sept jours.

1/ Le différé spécifique.

Aucun changement n’est apporté à son calcul. Les dispositions actuelles exposées ci-dessus demeurent inchangées.

2/ Le différé congés payés.

Le calcul de ce différé est modifié de manière importante.

Son point de départ sera désormais soit le lendemain de la rupture du contrat si le salarié ne peut pas bénéficier d’un préavis, soit le lendemain de la fin du différé spécifique.

Le salarié journalier de référence n’est plus calculé sur la base des douze derniers mois précédant le dernier jour travaillé, mais sur les 24 mois précédant cette date (ou 36 mois pour les salariés âgés de 53 ans ou plus).

En outre, ce salaire est désormais calculé sur la base des jours calendaires que comporte la période allant de la date du début du premier contrat jusqu’à la date de fin du dernier contrat conclus durant les 24 mois précédant la rupture du contrat ( et non plus sur la base des seuls jours travaillés durant la période de référence).

Le nombre de jours de différé d’indemnisation est obtenu par la division du montant total des indemnités compensatrices de congés payés versées à l’occasion de toutes les fins de contrat de travail situées dans les 182 jours précédant la dernière fin de contrat de travail par le salaire journalier de référence, tel que calculé ci-dessus.

Ainsi, contrairement au dispositif actuel, il sera tenu compte de l’ensemble des indemnités compensatrices de congés payés qui auront été payées durant les 182 jours précédant la rupture du contrat.

Enfin, le différé d’indemnisation congés payés sera désormais limité à 30 jours.

A titre d’exemple :
Soit un salarié qui après la rupture de son CDI est resté au chômage.

Il conclut un CDD de trois mois puis, après une nouvelle période de chômage de deux mois, est embauché en CDI.

Il a perçu au titre de son CDD un salaire mensuel de 2.500 euros bruts et une indemnité compensatrice de congés payés de 750 euros.

Au titre de son CDI, il a perçu une rémunération brute mensuelle de 3.000 euros. Il a été mis fin à sa période d’essai au bout d’un mois. Une indemnité de congés payés de 300 euros lui a été versée.

Par hypothèse, son salaire journalier moyen est de 98.

Le différé sera alors de (750+300)/98, soit 10 jours.

3/ Le délai d’attente de sept jours.

Aucune modification n’est apportée aux dispositions actuelles.

Me Nathalie KELYOR
Cabinet KELYOR
Barreau de Meaux
41 Quai du Pré Long - 77400 LAGNY SUR MARNE

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Notes de l'article:

[1Article L1235-3 du Code du travail.

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Discussions en cours :

  • par Dufraigne Rémi , Le 10 février 2023 à 16:31

    Bonjour,
    je me suis inscrit à pole emploi en juillet 1984 (l’ANPE a l’époque) a la fin de mon cursus scolaire. A partir de janvier 1985 j’ai perçu l’allocation d’insertion (AI) .Cette allocation était en effet versée à l’expiration d’un délai de six mois minimum à compter de l’inscription comme demandeur d’emploi.
    Ma question est la suivante : d’un point de vue règlementaire, ce délai de 6 mois peut il être assimilé a un différé d’indemnisation relevant d’une période de chômage indemnisé, ou bien faut il le comptabiliser a part comme étant une période de chômage non indemnisé ?
    Merci de vos commentaires avisés.

  • par Anna , Le 11 octobre 2022 à 13:10

    Bonjour, je suis au chômage depuis mai 2021. En août 2022 j’ai recu une prime d’intéressement de mon ancien employeur et il a déclaré ce montant au pole emploi. Ensuite j’ai recu une notification de trop perçue de la part de Pole emploi pour juin 2021 avec l’explication aue cette prime décale mes indemnités en juin 2021 ! Est-ce que c’est justifié ?
    Merci !

  • Visiblement Pôle Emploi et l’Unédic ne sont pas au courant de cette réforme, ils m’assurent que le délai du différé de congés payés n’est pas limité alors qu’il est écrit que c’est désormais maximum 30 jours. Est-il passé ce décret ? Comment les convaincre de l’appliquer ? Cordialement

    • par KELYOR Nathalie , Le 26 août 2020 à 09:44

      Le décret 2020-929 du 29 juillet 2020 a de nouveau repoussé l’application des nouvelles règles relatives au différé au 1er janvier 2021 et ce, en raison de la crise liée au COVID-19.
      Il est donc normal que ces nouvelles règles ne soient pas encore appliquées.

      Nathalie KELYOR
      Avocat à la Cour
      41 Quai du pré Long
      77400 LAGNY SUR MARNE

    • par GwenNAelle , Le 23 décembre 2020 à 19:14

      Bonjour, si le décret ne sera appliqué qu’à compter du 1er janvier 2021, cela signifiera-t-il que pour le calcul du délai de différé des congés payés pour une fin de contrat au 30 septembre 2020, c’est l’ancienne version du décret qui s’applique, c’est à dire aucune limite au délai de différé de congés payés ?
      Ou bien le décret une fois applicable sera-t-il avec effets rétroactifs ?
      Merci beaucoup par avance

    • par Pluto , Le 25 mars 2021 à 00:32

      Bonjour,
      Les dispositions mentionnées comme reportées au 1/1/2021, n’ont elles finalement pas été annulées par le Conseil d’Etat (CE n° 434920 du 25 novembre 2020) ? si uniquement en partie, lesquelles ?
      Merci par avance,

    • par Sonia , Le 19 mai 2021 à 12:29

      Bonjour,
      Le différé limité à 30 jours concernant les congés payés était -il valable et applicable à présent ?
      Cordialement,

  • par Christian , Le 5 février 2021 à 21:53

    Bonjour,

    Selon le décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019, mon employeur public m’a versé l’indemnité minimale de rupture conventionnelle et a reporté son montant sur l’attestation employeur à l’attention de Pôle Emploi avec lequel il a signé une convention. Néanmoins, Pôle Emploi ne veut pas tenir compte de ce montant et recalcule l’indemnité minimale de rupture conventionnelle comme étant l’indemnité légale de licenciement dans le secteur privé (alors même que le mode de calcul de l’indemnité légale de licenciement dans le secteur public diffère aussi de celui du secteur privé). Pôle Emploi trouve ainsi un différé spécifique d’indemnisation alors que mon employeur n’a pas versé d’indemnités supra-légales. mais le minimum que lui permettait la loi.
    Il me semblait que la convention signée fait obligation à Pôle Emploi de suivre les circulaires et décrets qui régissent les indemnités des agents de la fonction publique. Si c’est bien le cas, comment faire en sorte que Pôle Emploi applique des dispositions légales récentes concernant les ex-agents de la fonction publique ?

    Merci pour vos conseils avisés

  • par julie , Le 17 janvier 2021 à 20:54

    Bonjour,

    Suite à un arrêt maladie de 1 an pour syndrome dépressif avec pour conclusion un licenciement pour inaptitude, pouvez vous me dire si les 45 jours de congés payés cumulés pendant la période de maladie vont être impactés sur mon différé d’indemnisation lors de mon inscription à Pole Emploi ?

    Autrement dit, je n’ai pas pu prendre mes congés et en plus je vais devoir avoir un délai de carence bien plus important que si j’avais pu prendre mes vacances, c’est bien ça ? Je suis donc perdant financièrement, si je comprends bien

    Si oui, y a t il une solution pour que cela n’impacte pas sur le différé d’indemnisation ?

    Merci pour vos précieux conseils ;

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