Vous vous sentez libres et en sécurité une fois chez vous, au chaud sur votre canapé, devant la télévision, rien de mal à cela, et c’est le cas de beaucoup de français fort heureusement. Pour autant, l’adage selon lequel « personne ne sait ce qu’il se passe une fois les portes du foyer fermées… » reste d’actualité.
Et pour cause, en France en 2023, 444 700 personnes ont été victimes de violences physiques enregistrées comme des crimes ou des délits, soit une augmentation de 7% par rapport à 2022.
Parmi eux, plus de la moitié sont des victimes de violences intrafamiliales, généralement des femmes ou des enfants. Ainsi, près de 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles, tandis qu’un enfant meurt tous les 5 jours sous les coups de ses parents et plus de 130 femmes décèdent sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints [1].
Au vu de ces chiffres plus qu’alarmant et à l’heure de « me too ! », de la « Familia Grande », de « Plus jamais ça ! » et de « On vous croit ! », la question de ces violences intrafamiliales est sans l’ombre d’un doute un sujet d’utilité publique.
Raison pour laquelle, le gouvernement, conscient de l’importance du sujet a dès 2019 travaillé à la règlementation et à la lutte contre ces violences, avec les lois des 28 décembre 2019 et 30 juillet 2020 introduisant une suspension automatique de l’autorité parentale du parent poursuivi ou condamné pour crime commis sur l’autre parent, et une possibilité de retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard du parent condamné pour un délit (et plus seulement pour un crime) commis sur son enfant ou sur l’autre parent [2].
Bien que permettant une réelle progression dans la détection, la prise en charge et la lutte contre les abus intrafamiliaux, ces lois ont été jugées insuffisantes, notamment en raison de l’absence de systématicité dans le retrait de l’autorité parentale, ce que vient corriger la loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 [3].
Ainsi en correctif de ses prédécesseures la loi du 18 mars 2024 est venue introduire un principe de suspension automatique de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou mis en examen, et ce jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, de non-lieu du juge d’instruction ou de la décision de condamnation de la juridiction pénale, en cas de :
- Crime commis sur la personne de l’autre parent
- Agression sexuelle incestueuse sur son enfant
- Crime commis sur son enfant.
La loi prévoit également le retrait total ou partiel de l’autorité parentale du parent condamné comme auteur, coauteur ou complice (sauf décision spécialement motivée de la juridiction pénale) en cas de :
- Crime commis sur son enfant
- Agression sexuelle incestueuse commise sur son enfant
- Crime commis sur l’autre parent.
Enfin et c’est sûrement en cela que réside la grande nouveauté, la loi permet aux services sociaux départementaux de demander au tribunal de leur déléguer totalement ou partiellement l’autorité parentale en cas de :
- Désintérêt manifeste des parents
- Incapacité des parents à exercer l’autorité parentale,
- Si l’un des parents est poursuivi, mis en examen ou condamné, même non définitivement pour un crime ayant entraîné la mort de l’autre parent, ou pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse contre l’enfant.
L’objectif sous-jacent étant de permettre à la personne ou au service d’aide sociale à l’enfance (ASE) qui a recueilli l’enfant, lorsque l’autre parent n’a plus l’autorité parentale, ou qu’il est décédé, ou en l’absence de filiation à son égard, de prendre toutes les décisions nécessaires à l’organisation de la vie de l’enfant, sans avoir à obtenir l’autorisation du parent poursuivi ou condamné. Et donc de faciliter et d’accélérer la procédure, réduisant ainsi l’impact négatif sur le mineur et lui permettre de regagner en stabilité [4].
En conclusion, cette loi représente une avancée significative dans la lutte contre les violences domestiques en mettant l’accent spécifiquement sur la protection et le soutien des enfants confrontés à cette situation, en permettant l’amélioration de la détection précoce des situations de danger, en renforçant la collaboration entre les différents acteurs impliqués dans la protection de l’enfance et en renforçant les sanctions à l’encontre des auteurs. Elle contribue ainsi à créer un environnement plus sûr et plus bienveillant pour les enfants confrontés à ces situations traumatiques.