Les violences éducatives ordinaires des parents sur leurs enfants sont, depuis la loi du 10 juillet 2019, interdites : « On ne peut pas éduquer son enfant par la violence ».
Ainsi, fessées, gifles, autres brimades et humiliations sont dans le viseur puisque depuis 2019, l’autorité parentale s’exerce sans violence physique ou psychologique comme le rappelle le Maire lors des célébrations de mariage conformément à l’article 371 du Code civil, modifié.
Les associations de protection de l’enfant avaient salué cette avancée majeure pour les droits et l’épanouissement de l’enfant.
Cette loi avait pour visée d’aider les magistrats à ne plus se retrouver face à une difficulté à juger la limite entre violence légère et maltraitance et à juger si l’acte en question était à but éducatif ou non.
Depuis le 10 juillet 2019, la loi prohibe les violences physiques ou psychologiques quelles qu’elles soient, mais cette prohibition des violences aux enfants ne s’accompagne d’aucune nouvelle sanction pénale à l’encontre des parents puisque les violences commises sur un mineur de 15 ans par un ascendant légitime sont déjà sanctionnées par 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende, en cas d’ITT (Incapacité Temporaire Totale) inférieure ou égale à 8 jours, en vertu des dispositions de l’article 222-13 du Code pénal.
Il était temps que la France se conforme à ses engagements internationaux dont la Convention Internationale des droits de l’enfant de 1989. La France a été le 56ᵉ pays à bannir les châtiments corporels exercés sur les enfants par leurs parents, soit 37 ans après la Suède.
Mais cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Metz remet tout en question en mentionnant, dans sa motivation de relaxe à l’encontre d’un policier poursuivi pour violences intra-familiales, qu’il « est reconnu à tout parent le droit d’user d’une force mesurée et appropriée à l’attitude et l’âge de l’enfant dans le cadre de leur obligation éducative sans pour autant être passible de condamnation et sanction pénale ».
Il appert que cette décision reconnaît les violences et, dans le même temps, les légitime.
La Cour d’appel a renoncé à sanctionner les auteurs de violences dès lors que celles-ci n’ont pas causé un dommage à l’enfant, qu’elles restent proportionnées au manquement commis et qu’elles ne présentent pas de caractère humiliant.
Dans le cas d’espèce, les enfants n’avaient pas d’ITT ni de retentissement psychologique, mais l’arrêt rappelle que le discours des enfants était corroborant et concordant sur la véracité des faits.
Ainsi, c’est un droit de correction jurisprudentiel et sans fondement légal qui a été rendu mais qui suspend l’application du droit positif, rappelé plus haut. Et c’est ce qui peut scandaliser, non seulement les praticiens du droit mais également l’opinion publique.
En effet, d’une part, les juristes, les puristes du droit, ne peuvent qu’être étonnés qu’une juridiction écrive que le geste d’un parent constitue une violence légère puisqu’elle le relaxe, estimant ainsi qu’aucune infraction n’a été commise ;
D’autre part, les parents peuvent être déboussolés : tantôt ils seront sanctionnés, tantôt ils seront relaxés.
Si ladite Cour avait estimé que l’infraction de violences sur mineurs de 15 ans n’était pas suffisamment caractérisée, la relaxe aurait été comprise par tous ainsi que son raisonnement juridique. Mais créer une nouvelle sorte d’excuse légale non prévue par la loi n’est pas acceptable.
En revanche, parfois, les décisions peuvent faire évoluer la loi avant une réforme législative. La jurisprudence permet l’évolution cohérente du droit positif.
Et à l’heure où le gouvernement français réclame aux parents de reprendre les rênes de leur autorité sur leurs enfants face à une violence délictuelle, criminelle, juvénile accrue, quelle serait la meilleure punition applicable ? Admettrons-nous la violence minimaliste classique avec le retour de la « petite » fessée ? Ou bien faut-il continuer à la diaboliser ? Et si non, mais jusqu’à quelle puissance du geste reste-t-il une petite fessée ? Qu’elle serait la fréquence réglementaire ?
Pour autant, il ne faut pas exagérément culpabiliser les adultes qui ont ponctuellement craqué à cause d’enfants aux comportements difficiles. Il n’y a pas d’éducation sans recours aux sanctions pour que l’enfant sorte de son illusion de toute-puissance et de sa position d’enfant roi.
Dans le panel des mesures éducatives, l’épineuse question de la fessée et de la correction refait surface pour une équation difficile encore à résoudre complètement.
Le zéro violence (physique ou psychologique) imposé laisse entrevoir que dans chaque foyer, c’est à huis clos que se trouve le terrain de toutes les violences silencieuses mais désastreuses…
Le risque est donc que cela ouvre inéluctablement la voie à des violences répétées et/ou excessives.
Le sujet est donc loin d’être clos définitivement.
Discussions en cours :
Chère Consoeur, disposeriez-vous de l’arret ? merci
Vous évoquez à juste titre le risque de dérive résultant de ce surprenant arrêt.
Selon la presse (donc avec les réserves d’usage), les violences reprochées au prévenu n’étaient pas anodines, les enfants se plaignant, non seulement de fessées, mais aussi de fortes gifles, d’étranglements, de soulèvements par le col, etc., et le père admettant avoir coutume de leur tirer les cheveux. En première instance, le père avait d’ailleurs été condamné à 18 mois de prison avec sursis probatoire et retrait de l’autorité parentale.
Comme vous le rappelez justement, la cour d’appel a reconnu l’existence des violences mais, pour relaxer le prévenu, elle a légitimé ces violences en faisant renaître ce fameux "droit de correction" pourtant expressément aboli par la loi.
On ne peut croire que la cour ait été influencée par la profession du père (un policier est un justiciable comme un autre, y compris pour ce qui relève de sa vie familiale), ni par le "sursaut d’autorité" voulu par le gouvernement.
Le mystère reste donc entier quant aux véritables motifs de cette décision nostalgique d’une époque révolue.
Le parquet général et les parties civiles ont formé un pourvoi en cassation. On ne peut que les comprendre. Et les approuver.