Le contrôle fiscal externe vu par le vérificateur (partie 1/3).

Par David Philippe.

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Explorer : # contrôle fiscal # vérificateur # procédure # entreprise

Le contrôle fiscal exercé sur place est toujours source d’inquiétude et d’incertitude pour les dirigeants d’entreprises qui en font l’objet. Cet article rédigé autour d’un vécu, permettra au lecteur de mieux connaître le rôle et les contraintes du vérificateur du début à la fin de son contrôle : une vue d’ensemble de l’autre côté de la barrière.

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Pour le dirigeant, la procédure commence par la réception d’un avis de vérification de comptabilité (plus communément appelé contrôle fiscal) par lequel un inspecteur des finances publiques annonce qu’il se présentera au siège social de son entreprise à une date déterminée.

Pour l’inspecteur, en revanche, cette date est loin d’être le commencement. Celui-ci a étudié le dossier de l’entreprise en profondeur bien avant l’envoi de son courrier. Quant à la décision de diligenter le contrôle, elle émane le plus souvent des services de programmation et de gestion, chargés sur la base de certains critères, de proposer la vérification sur place. L’administration fiscale peut ainsi engager le contrôle sur place de n’importe quelle entreprise à n’importe quel moment.

Le travail du vérificateur pris dans sa globalité peut se résumer en 4 phases. Un rapide préalable traitant de l’architecture générale du contrôle fiscal et de ses acteurs est nécessaire à la bonne compréhension de l’ensemble.

L’architecture du contrôle fiscal : une donnée fondamentale encadrant la vérification.

Le vérificateur s’insère dans une structure hiérarchisée qui influence grandement les opérations de contrôle. Cette « pyramide à quatre niveaux » prend la forme suivante :

A la base : Le vérificateur. Il a le grade d’inspecteur et est affecté dans une brigade de vérification composée le plus souvent de 8 à 9 vérificateurs. Ceux-ci se déplacent dans les entreprises afin de réaliser les opérations de contrôle fiscal dont ils ont la charge. Le reste de leur travail (recherche, analyse, rédaction des pièces de procédure, compte rendu d’investigation) est réalisé du bureau. La brigade relève d’une direction. Cette dernière encadre plusieurs brigades.

A l’étage : Un inspecteur principal est placé à la tête d’une brigade. Ce « chef de brigade » occupe un poste sédentaire où il est chargé de suivre les vérifications menées par les inspecteurs. Il organise pour cela des réunions de brigade, procède à des entretiens individuels, reçoit les dirigeants et conseils des entreprises vérifiées sur leur demande dans le cadre du recours hiérarchique. Il rend compte de l’évolution des opérations de contrôle à son supérieur (AFIPA voir infra) et applique en interne les orientations qui lui sont données par sa direction, notamment sur la réalisation des objectifs annuels qu’elle lui a assigné. Une brigade procède en moyenne à 12 contrôles par vérificateur à temps plein, ce qui ne signifie pas que chaque vérificateur est chargé de réaliser 12 contrôles. L’objectif qui est fixé globalement pour la brigade peut être réparti différemment par l’inspecteur principal selon le travail à fournir et la difficulté des dossiers contrôlés.

Au second : Un administrateur des FInances Publiques Adjoint (AFIPA), anciennement appelé, directeur divisionnaire, est placé dans une division dite d’animation du contrôle fiscal. Celui-ci occupe un poste sédentaire situé dans les locaux de la direction (qui ne sont pas forcément sur le même lieu que les brigades). Supérieur des inspecteurs principaux, il a la charge de veiller au bon déroulement des opérations de contrôle et à la réalisation des objectifs par les brigades. Celui-ci est donc en lien étroit avec les chefs des brigades qu’il supervise. Quand les enjeux sont importants, il suit personnellement l’évolution d’une vérification et vise les pièces de procédures qui s’y rapportent. Il dispose pour cela d’un personnel distinct. Un AFIPA exerce le suivi de 4 à 6 brigades de vérification. Il reçoit les dirigeants et les conseils des entreprises vérifiées par ces brigades sur leur demande lors d’un entretien appelé « interlocution ». L’AFIPA rend compte à l’AGFIP.

A la tête : L’Administrateur Général des Finances Publiques (AGFIP) est le chef d’une direction dont les effectifs peuvent atteindre de deux à trois cents fonctionnaires. Il est chargé de mettre en musique l’ensemble des directives qui viennent d’encore plus haut. On s’approche de Bercy. Celui-ci est jugé avant tout sur la réalisation des objectifs.

Quels sont ils ?

Il en existe pléthore. Ceux-ci répondent aux trois finalités du contrôle fiscal fixées par les pouvoirs publics : dissuasive, budgétaire, répressive.

La dissuasion se matérialise par l’existence de structures de contrôles visant toutes les catégories d’entreprises classées selon leur chiffre d’affaires. Les structures nationales (DVNI [1] par exemple) ont vocation à contrôler les grandes entreprises, les structures interrégionales (DISCOFI [2]) dont la compétence géographique s’étend sur plusieurs départements procèdent au contrôle d’entreprises de taille intermédiaire. Enfin, les structures locales sont chargées de contrôler les petites entreprises situées dans un département donné.

Les attentes budgétaires génèrent plusieurs indicateurs : le plus suivi d’entre eux est le nombre de dossiers vérifiés par année. Celui-ci est intangible et doit être réalisé. L’AGFIP s’engage sur le nombre de dossiers dont la vérification sera achevée dans sa direction chaque année. Environ 47 000 contrôles sur place sont diligentés en France par an (chiffre stable depuis plusieurs années) pour près de 3,6 millions d’entreprises, soit un contrôle sur place pour 76 entreprises (proportion peu variable dans le temps). En considération de ces chiffres, un deuxième objectif s’impose : « frapper à la bonne porte ». Avec un tel pourcentage de contrôles, il y a une nécessité absolue pour que ceux-ci soient diligentés pour de bonnes raisons et se traduisent in fine par des rectifications. Un indicateur tenant à la part des contrôles à faible rendement est donc largement suivi en interne. Plus il est élevé, plus la performance de la brigade est mauvaise. Cette notion de rendement est complétée par d’autres indicateurs (moyenne et médiane des droits rappelés). Ces données statistiques sont comparées entre les brigades composant une même direction, voire entre direction à l’échelle nationale, ce qui génère évidemment quelques « poussées managériales » dans certaines brigades.

La répression est mesurée par le suivi du taux d’application des pénalités pour manquements délibérés (majoration de 40 % des droits rappelés), voire l’application de pénalités plus élevées. La direction fixe un cap sur ce sujet. Elle attend en général un rendu de X % des dossiers traités par les brigades avec application de ces pénalités. La mise en cause pénale des dirigeants d’entreprises complète cet arsenal répressif. Une direction est chargée de proposer à la commission des infractions fiscales (CIF) les dossiers dont elle pense qu’ils peuvent faire l’objet d’une plainte pour fraude fiscale. Cet organisme administratif indépendant donne son avis sur l’opportunité de déposer une plainte. Si l’avis est favorable (ce qui est le cas pour l’écrasante majorité des dossiers qu’elle vise), l’AGFIP du département concerné dépose une plainte auprès du procureur de la république. Environ 1 000 dossiers par an en France font l’objet d’une plainte pour fraude fiscale.

Les autres indicateurs dits « qualitatifs » visent surtout le délai de mise recouvrement des rappels d’impôts, la durée des contrôles sur place ou le taux d’abandon des rappels en cours de procédure.

L’architecture du contrôle fiscal telle que décrite ci-dessus constitue le cadre de travail dans lequel s’insère le vérificateur. Ce contexte impacte fortement la vérification de l’entreprise sur chacune de ses phases.

- PHASE 1 : Travail réalisé en amont du contrôle sur place -

Avant l’envoi de l’avis de vérification, la fiche de programmation qui prévoit le contrôle fiscal d’une entreprise est confiée au vérificateur par son supérieur hiérarchique (l’inspecteur principal dont le nom figure sur l’avis), voire par une hiérarchie plus élevée (AFIPA, dont le nom figure également sur l’avis). Ainsi, la plupart du temps, ce n’est pas lui qui choisit la structure qu’il va vérifier mais sa hiérarchie. Cette fiche indique les motifs pour lesquels le contrôle est proposé (j’y reviendrai dans un prochain article, mais retenez d’ores et déjà que le fisc ne vient pas contrôler une entreprise par hasard).

Le travail du vérificateur, à ce stade, consiste à examiner les motifs du contrôle soulevés dans la fiche de programmation. Celui-ci mène ensuite ses propres investigations pour les élargir s’il y a lieu. C’est ce que l’on appelle « le contrôle sur pièces approfondi ». Ce contrôle est mené du bureau à partir des applications informatiques dont dispose la DGFIP [3] voire du dossier papier de l’entreprise (dossier vidé peu à peu de substance sous l’effet de la dématérialisation). Un regard est également porté sur les informations externes accessibles au service (site internet de la société par exemple).

Le vérificateur va reprendre l’ensemble des déclarations déposé par l’entreprise vérifiée et les avis d’imposition correspondants (Résultats, TVA, Taxe foncière, Cotisation Foncière des Entreprises, Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises, Taxe sur les Véhicule de Société…). Il va aussi appréhender son environnement. Celui-ci est parfois composé de sociétés en lien capitaliste direct ou indirect avec l’entreprise (SCI, Holding, Filiales…) et toujours de personnes physiques (l’entrepreneur, le dirigeant et ses éventuels associés). Pour ces derniers, il visera notamment leur situation à l’impôt sur le revenu (déclarations et annexes), l’ISF et tout élément fiscal les concernant.

A ce stade, le vérificateur va donc jeter un œil sur le circuit économique et juridique global dans lequel la société se situe et va relever le cas échéant certaines incohérences ou anomalies supposées qu’il vérifiera sur place. Ce travail aboutit à la réalisation de fiches d’analyse rattachées au dossier de vérification dématérialisé de l’entreprise. Le tout est consultable par les services de direction et sert de contrôle interne vis-à-vis des brigades de vérification tout au long de la procédure de contrôle (de la programmation d’un dossier au contentieux fiscal s’il a lieu). C’est la raison pour laquelle, le vérificateur a obligatoirement une idée sur ce qu’il va vérifier dans la structure, avant même sa venue, que les conséquences fiscales impactent la société elle-même ou l’environnement dont il est fait état ci-dessus.

Une fois l’ensemble de ces investigations accomplies, le vérificateur adressera son avis de vérification de comptabilité à l’entreprise (accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, à peine de nullité) en prévoyant un délai entre l’envoi de l’avis et la date de la première intervention sur place. Le but est de permettre à l’entreprise de bénéficier d’un délai suffisant pour se faire éventuellement assistée par un conseil. Cette dernière condition vicie la procédure si elle n’est pas respectée.

Les thèmes suivants seront abordés dans la suite de cet article :

Phase 2 : le travail réalisé sur place par le vérificateur
Phase 3 : le travail du vérificateur après les opérations de vérification sur place
Phase 4 : Rendu du dossier, mise en recouvrement, recours, objectif interne -

Me David PHILIPPE
Avocat au barreau de Châlons-en-Champagne
Ancien inspecteur des impôts
Mail : avocat.dp chez gmail.com
www.dphilippe-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1DVNI : Direction des vérifications nationales et internationales

[2DISCOFI : Direction spécialisée de contrôle fiscal

[3Direction générale des finances publiques née de la fusion des administrations des impôts (DGI) et du trésor public

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