Conflits de voisinage : à quelles obligations d'élagage est soumis votre voisin ? Par Gonzague Laumet, Avocat.

Conflits de voisinage : à quelles obligations d’élagage est soumis votre voisin ?

Par Gonzague Laumet, Avocat.

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Explorer : # élagage # conflits de voisinage # responsabilité des propriétaires

Les articles 671 à 673 du code civil régissent le cas des arbres situés à proximité de fonds voisin en prévoyant notamment les distances nécessaires entre un arbre et la limite séparative (art. 671 c. civ.) et les droits du voisin à faire faire arracher un arbre qui serait planté à une distance inférieure à celle légale (art. 672 c. civ.).
Enfin, l’article 673 sur lequel porte cet article, reconnait au voisin un droit imprescriptible à l’élagage des branches et des racines d’un arbre, même planté à la distance légale, dès lors qu’elles s’étendent sur son fonds.

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Par un arrêt récent, auquel elle a voulu donner une importante portée eu égard à son classement, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (Cass. 3ème civ., 27 avril 2017, n° 16-13953, FS-P+B) est venue dire pour droit que le droit de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible et ce même dans un espace boisé classé protégé par l’article L. 130-1 du code de l’urbanisme.

Plus que de simples conflits de voisinages, les obligations liées à l’élagage contiennent de nombreuses questions juridiques auxquelles le juge judiciaire n’a pas encore apporté de réponse. A côté de cela, certaines problématiques ont déjà été abondamment jugées. On citera par exemple, le fait que le non-exercice du droit de couper les branches et les racines qui, en dehors de convention expresse, constitue une simple tolérance et ne caractérise pas l’existence d’une servitude (Cass. 3ème civ., 18 octobre 2006, n° 04-20.370). De même, il est constant que le demandeur n’a pas besoin de démontrer un intérêt légitime à élaguer (Cass. 3ème civ., 30 juin 2010, n° 09-16257). Enfin que le droit d’élaguer est imprescriptible même confronté aux dispositions de l’article 672 du code civil (Cass. 3ème civ., 16 janvier 1991, n° 89-13.698, Bulletin).

L’arrêt rendu le 27 avril 2017 par la Cour de Cassation offre donc l’occasion de revenir, à travers l’analyse de jurisprudences récentes, sur les obligations d’élagage qui incombent aux propriétaires d’arbres. Obligations qui ne doivent pas être prises à la légère, le propriétaire d’un arbre, même planté à la distance légale, est responsable des dommages causés par ses racines qui s’étendent sur les fonds voisins (Cass. 1ère civ., 6 avril 1965, RG n° 61-11025, Bulletin).

I. Les arbres en cause font l’objet d’une protection particulière

La question qu’était amenée à trancher la Cour de Cassation dans l’arrêt du 27 avril 2017 portait sur l’opposition de deux droits : celui d’élaguer, prévu par l’article 673 du code civil, et la protection des espaces boisés classés (EBC), anciennement prévue à l’article L. 130-1 du code de l’urbanisme, régie dorénavant par les articles L. 113-1 et L. 113-2 du même code, qui disposaient au moment des faits que « Dans les bois, forêts ou parcs situés sur le territoire de communes où l’établissement d’un plan local d’urbanisme a été prescrit, ainsi que dans tout espace boisé classé, les coupes et abattages d’arbres sont soumis à la déclaration préalable ». S’opposaient ainsi deux législatives, celle issue du code civil et celle issue du code de l’urbanisme.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation retient que le droit d’élaguer l’emporte sur le classement en Espaces boisés classés. Cependant, elle tempère son propos et précise que si le droit d’élaguer est reconnu en l’espèce, c’est parce que la « demande d’élagage n’emportait pas obligation de détruire (les arbres) » et que la cour d’appel de Versailles a souverainement jugé « qu’il n’était pas établi que l’élagage soit nuisible à la conservation des arbres objet du litige ». La Cour pointe aussi que la requête du voisin n’emportera pas d’obligation de détruire les végétaux.

A contrario, dans l’hypothèse rare où une demande d’élagage portant sur des arbres présents dans un secteur classé aurait pour conséquence de nuire à leur conservation et donc au classement institué, la demande devrait pouvoir être refusée. Il ne serait pas étonnant que la réponse apportée par la Cour de Cassation dans cette affaire portant sur les EBC soit transposée à d’autres protections instaurées localement telles que les Espaces Végétalisées à Mettre en Valeur (EVMV) dans la Métropole de Lyon.

Par ailleurs, la protection non pas des arbres mais d’un site, tel qu’un monument historique, semble aussi permettre d’en certaines circonstances à déroger au droit d’élaguer (Cass. 3ème civ., 1er juin 2011, n° 06-17.851).

II. La coupe des racines des arbres reste-elle possible si elle impose leur abatage ?

Voici le cas soumis à la Cour de Cassation : les consorts X se plaignent de l’avancée sur leur terrain des racines des peupliers implantés sur la parcelle des consorts Y et les assigne en arrache de ces arbres sur le fondement 673 du code civil en arguant qu’il était impossible de couper uniquement les racines. L’expert désigné a considéré que le travail de coupe des racines serait colossal et aurait pour effet de fragilisait les arbres.

Dans un arrêt du 7 juillet 2016 (Cass. 3ème civ., 7 juillet 2016, n° 14-28843), la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi et considéré que la cour d’appel de Paris, avait souverainement estimé sur le fondement de l’article 673 du code civil « qu’il était impossible de couper les racines des peupliers uniquement dans la propriété X..., a pu en déduire, sans se fonder sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage, que l’abattage des arbres devait être ordonnée. » Il en ressort donc que le droit à élaguer prime dans le présent sur le maintien des arbres ne faisant pas l’objet d’une protection spécifique.

III. Quid de l’élagage dans un lotissement ?

Le cahier des charges d’un lotissement peut-il déroger à l’article 673 du code civil et par suite y stipuler le maintien et la protection des plantations quelles que soient leurs distances aux limites séparatives ? Autrement dit, les dispositions de l’article 673 du code civil sont-elles d’ordre public ? A cette question, la Cour de Cassation (Cass. 3ème civ., 13 juin 2012, n° 11-18791) a répondu qu’il était possible de déroger aux dispositions de l’article 673 du code civil et ce notamment parce « que la coupe des branches du pin parasol entraînerait une mutilation contraire à l’objectif contractualisé de conservation de la végétation existante ». Le cahier des charges d’un lotissement peut donc prévoir de ne pas appliquer les dispositions de l’article 673 du code civil dans un intérêt esthétique du lotissement.

IV. Faut-il privilégier une issue contentieuse ou amiable à ce problème de voisinage ?

Avant de rentrer dans un conflit ouvert long et coûteux avec son voisin qui n’entretient pas ses arbres, quels réflexes avoir ?

Il faut tout d’abord songer que empiétement peut être régularisé à l’amiable, par convention expresse. Chercher un accord avec son voisin, peut être préférable à engager un procès.

Dans tous les cas, si le dialogue ne suffit pas, il faudra rédiger un courrier de mise en demeure à l’intention de son voisin. S’il ne réagit pas, il faudra très certainement l’assigner devant le tribunal d’instance. C’est en recevant cette assignation rédigée par un avocat qu’il pourra être amenée à négocier et à procéder à un élagage.

Enfin en cas d’impossibilité d’obtenir un accord à l’amiable, il faut penser que pour que le jugement à venir soit exécuté, il doit être demandé au juge qu’il enjoigne au voisin et ce sous astreinte, de couper les branches, arbres ou racines qui empiéteraient sur votre fonds. A défaut, le jugement alors qu’il vous serait favorable, risquerait de ne pas être exécuté.

Gonzague Laumet
Avocat au Barreau de Lyon

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 7 août 2021 à 14:21
    par FOULON , Le 25 août 2019 à 11:45

    Ce document est très intéressant, complet et didactique. Excellente étude. YF

    • par perez , Le 17 juin 2020 à 15:12

      je ne comprends pas tres la demarche j ai des sapins qui ont45ans en limite de propriete qui ne gene pas,l article 671 du code de procedure penale civile dit qu ils sont proteger,mais autorise mon voisin a couper les racines donc il y a contradiction si on autorise a couper les racines l arbre meurt

    • par perez , Le 17 juin 2020 à 15:20

      mon voisin a effectue l entourage de sa propriete sans en faire une demande a la mairie,il a empiete sur ma propriete de 30 Cm et 50 METRES DE long celui refuse de se mettre en conformite que dois je faire

    • par Lola , Le 7 août 2021 à 14:21

      Bonjour, Je cherche à savoir quelle est la différence entre un empiètement dû à des rejets (petites pousses) ET à des branches/racines ? Y’a-t’il une différence car on ne parle pas de la même chose ?

  • Bonjour

    Merci pour votre intéressant article, mais avant d’opter pour une issue contentieuse ne serait il pas utile de recourir au préalable constitué par les M.A.R.C :
    - Conciliation de Justice
    - Médiation
    voire procédure participative ?

    • par Laumet Gonzague , Le 4 août 2017 à 13:53

      Bonjour,

      "La régularisation à l’amiable" et "la mise en demeure" évoquées dans le texte, sont des moyens non contentieux permettant d’aboutir à un accord avant le début d’un procès. Les préconisations ne sont donc pas exclusivement contentieuses.

      En outre, dans les conflits de voisinage, lorsque le dialogue initial ne permet pas d’aboutit à un accord, d’expérience, c’est que les relations entre voisins sont mauvaises et les difficultés n’arrivent que très rarement à être mises de côté par des MARD.

      En espérant avoir répondu à votre remarque.

    • par alain , Le 4 août 2017 à 15:02

      procédure gratuite, rapide , efficace, bref une justice de proximité de qualité au service de tous les justiciables

      Alain

    • par Karine , Le 16 avril 2018 à 23:27

      Bonsoir

      Je souhaiterai un complément d’information par rapport à votre article très intéressant.
      Existe t il une jurisprudence dans le cas suivant : un élagage demandé selon l’article 673 qui entraine indéniablement la mort de l’arbre multicentenaire (coupe du tronc à la verticale) ? Il semblerait que la cour soit sensible à l’argument de la mort de l’arbre mais l’arbre dont je vous parle est EN COURS d’inscription à l’inventaire du PLU métropolitain comme "arbre remarquable à protéger".
      En vous remerciant
      Karine

    • par Fred , Le 2 octobre 2018 à 17:52

      Bonjour,

      en ce qui me concerne, mon voisin me demande de tailler mes arbres, ce que je ne souhaite pas pour ne pas dénaturer leur aspect. Ces arbres sont sur mon terrain et quelques branches dépasse du grillage de séparation. Par contre, entre leur maison et les premiers arbres il y a un quinzaine de mètres. Le seul bâtiment proche des arbres est un garage construit par eux même sur une partie non constructible de leur terrain. Ce garage doit avoir une trentaine d’années au moins.

      Ma question est donc la suivante : si mes arbres sont éloignés de la maison des voisins, peuvent ils m’obliger à les tailler quand même.

    • par Madelou , Le 21 novembre 2018 à 10:14

      Bonjour,
      Une juriste de l’ADIL de mon département m’a fait connaitre le cas de jurisprudence de 2012 que vous relatez ici. Pensez-vous qu’on puisse considérer que la volonté de conserver la végétation dans les lotissements (le nôtre est communal) inscrite au PLU de ma commune puisse déroger à l’article 673 au même titre que le cahier des charges dans votre exemple ? (notre cahier des charges étant caduque).
      Merci par avance pour votre éclairage.
      Bien cordialement

    • par JOCELYNE BRIELLE , Le 2 février 2019 à 08:50

      Bonjour,
      Qu’elle est la distance entre la haie et le grillage.
      Merci
      JB

    • par Tancre , Le 21 mars 2019 à 10:23

      Bonjour

      j’ai également un gros probléme avec mon voisin qui laisse pousser des peupliers blancs à plus de 2 ml de sa clôture ,mais à 7 /8 ml de ma façade. cet été j’ai tondu des rejets de peupiers sur mon terrain (4ml de cette façade).Le danger est que mon mur se fissure rapidement , nous aurons beaucoup d’ombre dans l’avenir.I y a 25 jeunes peupliers qu’il faudrait dégager au plus vite.les racines poussent trés vite
      Que dois je faire ?
      J’en ai touché un mot cet été avec le voisin, mais il ne voit pas le danger futur ,ni les conséquences graves.
      Cordialement

    • par R.isa , Le 25 juillet 2019 à 13:06

      Chaque annee mon voisin (agriculteur) nous cherche des ennuis. Cette annee , c’est le pompon, il bouche les buses d’evacuation (eaux pluviale et eaux usees), et récemment nous avons reçu une mise en demeure pour élaguer 2 arbres . Ces arbres sont mitoyen avec un champ agricole accueillant des moutons . L’un d’eux est à distance , l’autre ,un chêne de 17ans ne l’est pas , donc nous avons l’obligation de le couper car à 2 m il ne restera que le tronc. Il y à t-il une possibilité de l’epargner ?? De plus mon autre voisin ( particulier) possède un chene identique ,à même distance que le notre, donnant sur le même champ, mais par chance ,lui ,n’est pas inquièté.
      Aujourd’hui, je vois ça comme de l’acharnement personnel
      Merci pour votre aide

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