En effet, l’article 9 d’un contrat conclu entre la commune de Villeneuve-le-Roi et un particulier prévoyait une durée de trente ans tacitement reconductible sauf si l’une des parties s’y opposait une année avant son expiration. Le même article prévoyait qu’en cas de résiliation à l’expiration de la dernière année, le cocontractant percevrait une indemnité. C’est sur la légalité de ces clauses que le tribunal administratif de Melun était amené à se prononcer. Celui-ci déclare illégale la clause de tacite reconduction mais pas celle prévoyant une indemnisation du cocontractant. Il a estimé en effet que la clause d’indemnisation est détachable de celle de tacite reconduction. C’est cette interprétation que le Conseil d’État va censurer dans son arrêt du 17 octobre 2016 en rappelant tout d’abord l’illégalité de certaines clauses de tacite reconduction contenues dans les contrats de la commande publique (I) et ensuite, en tirant les conséquences de cette irrégularité, il précise que l’indemnisation prévue en cas de non-respect de ces clauses de tacite reconduction est illégale (II).
I- Le rappel de l’illégalité de certaines clauses de tacite reconduction des contrats de la commande publique
L’illégalité des clauses de tacite reconduction ne fait nul doute dans certains cas. Le principe de la nullité de ces clauses a été réaffirmé dans l’arrêt commune Païta de 2000. Le Conseil d’État a estimé en effet qu’ « une clause de tacite reconduction d’un contrat qui, en raison de sa nature et de son montant, ne peut être passé qu’après que les obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par la réglementation applicable ont été respectées, a pour objet de permettre la passation d’un nouveau contrat sans que soit respectées de telles obligations ; qu’une telle clause ne peut être que nulle, de sorte qu’un contrat passé en application de cette clause, qui a été conclu selon une procédure irrégulière, est également nul. » [1]. Cette jurisprudence venait ainsi recadrer les personnes publiques en les empêchant de conclure des « contrats à durée indéterminée ». Elle contribuait également au respect des principes généraux de la commande publique par l’obligation de remise en concurrence périodique des contrats dont la durée est arrivée à échéance.
Il faut cependant rappeler que toutes les clauses de tacite reconduction ne sont pas illégales. Le Conseil d’État l’a rappelé dans son arrêt Association pour la transparence et la moralité des marchés publics du 23 février 2005. Le juge en suivant les conclusions du rapporteur public Didier Casas, a estimé qu’une clause de tacite reconduction est admise si « la mise en concurrence a porté sur la durée totale d’exécution du marché, si ses caractéristiques restent inchangées et si le nombre de reconductions a été indiqué dans le marché initial. » [2]. Cette jurisprudence a été reprise par l’article 16 II du décret 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics [3]. Dans la présente affaire, il ne s’agissait pas de cette catégorie de clause de reconduction mais une clause qui laissait entendre que le contrat a été conclu à une durée indéterminée. En effet, aucune mention n’était faite dans le contrat du nombre maximum de reconduction. C’est ce que sanctionnent le tribunal administratif et le Conseil d’État. Par contre, les positions des deux juridictions se démarquent à propos de la clause d’indemnisation contenue dans le contrat.
II- L’illégalité évidente de la clause d’indemnisation prévue dans le contrat litigieux
L’illégalité d’une clause de tacite reconduction entraîne des conséquences dommageables pour la vie des contrats conclus en vertu de cette dernière. Pour le Conseil d’État, est nul un contrat conclu en application d’une clause illégale de reconduction tacite. Le juge de la haute juridiction considère que le contrat conclu en vertu de la clause de tacite reconduction est un nouveau contrat et doit par conséquent respecter les règles de publicité et de mise en concurrence [4]. Par ailleurs, en cas de recours en contestation de validité du contrat, une clause illégale de tacite reconduction contenue dans celui-ci justifie le règlement du litige sur un terrain autre que contractuel [5].
En l’espèce, il s’agissait d’une clause d’indemnisation prévue en cas de non-respect de la tacite reconduction du contrat. Le juge du fond a considéré que celle-ci est divisible du reste du contrat. Ce qui lui a permis de la déclarer légale et d’en tirer les conséquences. Le Conseil d’État invalide ce raisonnement car telle que rédigée, la clause d’indemnisation était la conséquence directe du non-respect de la tacite reconduction du contrat. En effet, le contrat stipulait que : « Si la résiliation intervenait du fait de la ville, à l’expiration de la 30ème année de l’exploitation, il serait dû aux concessionnaires une indemnité égale au quart des annuités versées. » [6] De telles stipulations étaient de nature à justifier l’interdépendance entre la clause de tacite reconduction et celle d’indemnisation. Le cocontractant de la commune de Villeneuve-le-Roi ne pouvait pas prétendre à une quelconque indemnisation en vertu d’une clause illégale. Le principe de l’interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités [7] s’y opposait.