Mise en jeu de la caution du locataire : modalités pratiques.

Par Victoire de Bary, Avocat.

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Explorer : # cautionnement # colocation # recours juridique # obligations du bailleur

Lorsqu’un propriétaire a obtenu de son locataire une caution, il peut – dès le premier impayé – la mettre en jeu.

Toutefois, cette mise en jeu ne permet pas systématiquement d’obtenir le paiement par la caution, celle-ci pouvant se défendre.

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Tout d’abord, la portée de l’acte de cautionnement doit être vérifiée, de même que sa durée : dans quelle mesure l’engagement souscrit est-il valide ? Cet engagement a-t-il expiré ? Cet engagement peut-il être mis en œuvre pour les sommes qui sont réclamées par le bailleur ?

Au-delà de ces premières vérifications, plusieurs questions pratiques peuvent se poser :

1. Est-ce que le locataire doit être poursuivi avant que le bailleur puisse se tourner vers la caution ?

2. Lorsque plusieurs cautions ont été données – notamment dans le cadre d’une colocation – existe-t-il des particularités ?

3. Le bailleur doit-il informer la caution des incidents de paiement ?

4. Que se passe-t-il si la caution ne peut pas payer ?

5. La caution qui a payé pour le locataire ou les colocataires dispose-t-elle d’une voie de recours pour obtenir le remboursement des sommes ?

6. Quelle est la portée du cautionnement ? à l’égard du conjoint de la caution ? en cas de décès de la caution ?

1- Les modalités de poursuite de la caution

Lorsque le bailleur se trouve face à un impayé, il doit vérifier la nature de la caution qu’il a fait souscrire.

En vertu de l’article 2298 du code civil, la caution n’est obligée à payer que si le bailleur a épuisé les voies de recours contre le locataire sauf dans deux cas :

-  Si la caution s’est obligée solidairement avec le débiteur ;

-  Si la caution a renoncé au bénéfice de discussion.

Ainsi, si la caution est solidaire, le bailleur pourra agir directement contre la caution, sans avoir à poursuivre au préalable le locataire. Locataire et caution sont, dans ce cadre, responsable solidairement des dettes incluses dans le périmètre de la caution.

Il en est de même si la caution a renoncé au bénéfice de discussion.

En effet, le bénéfice de discussion permet à la caution de refuser de payer tant que le locataire n’a pas été poursuivi pour le paiement.

C’est pourquoi, dans la plupart des cas, l’acte de cautionnement précise que la caution renonce au bénéfice de discussion. Cela permet alors au bailler d’appeler la caution en garantie, sans avoir à poursuivre au préalable le locataire.

En revanche, par défaut, la caution ne peut être mise en jeu qu’après action contre le locataire.

L’épuisement des voies de recours suppose de mettre en œuvre une procédure de résiliation du bail et d’expulsion, mais aussi d’en assurer l’exécution y compris par la saisie des biens, des comptes bancaires, ou des salaires.

Il est donc important de préciser – dans l’acte de caution – la nature de l’engagement souhaitée par les parties.

2- La pluralité de cautions

La pluralité de caution est une pratique fréquente lorsque l’appartement est loué en colocation, le bailleur pouvant alors demander autant de cautionnements que de colocataires.

La question dans ce cas est de savoir si chaque caution s’engage pour tous les colocataires ou seulement à hauteur de la part de chacun.

Si les actes de cautionnement précisent que les cautions s’engagent solidairement, le bailleur pourra se retourner contre la caution de son choix – et donc contre la plus solvable – pour obtenir le paiement de l’intégralité des sommes dues.

Il en est de même si l’acte de cautionnement précise que la caution renonce au bénéfice de division. En effet, le bénéfice de division permettrait à la caution, de ne garantir la dette du locataire qu’à concurrence de sa part. Si la caution renonce à ce bénéfice, elle peut alors être poursuivie pour la totalité de la dette.

Dans le cas spécifique de la colocation, il ne faut pas oublier de vérifier si la formule exigée par le bailleur engage la caution vis-à-vis de tous les colocataires.

Dans une telle hypothèse, si l’un des colocataires donne congé mais que la location se poursuit avec un ou plusieurs autres colocataires, la caution du locataire qui a donné congé continue à être engagée vis-à-vis des autres colocataires jusqu’à la fin du cautionnement, sauf à le dénoncer.

Sur ce point, rappelons que la dénonciation n’est possible que si l’engagement de la caution est à durée indéterminée. Cette dénonciation de l’engagement de caution doit être faite par courrier recommandé avec accusé de réception et prendra effet, dans le cadre d’un bail soumis à la loi de 1989 – et conformément à cette loi – au terme du contrat de location ou de son renouvellement.

3- L’information de la caution par le bailleur

Légalement, le bailleur n’a aucune obligation d’informer la caution des incidents de paiement, sauf dans deux cas précis :

-  Si le bailleur est un professionnel, il doit informer la caution dès le premier incident de paiement dans le mois qui suit l’exigibilité de la somme (article L 341-1 du code de la consommation).

-  Dans le cadre d’un bail soumis à la loi de 1989, lorsque le bailleur fait délivrer un commandement de payer à son locataire (pour faire jouer la clause résolutoire par exemple), ce commandement doit être dénoncé à la caution, en vertu de l’article 24 de cette loi, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du commandement.

A défaut d’information par le bailleur, la caution est dispensée du paiement des pénalités ou des intérêts de retard que le contrat de location met à la charge du locataire.

La caution peut même rechercher la responsabilité du bailleur – en raison de cette faute – si toutefois elle est en mesure de prouver que ce défaut d’information lui a causé un préjudice.

Dans la pratique, il est fréquent que le bailleur attende plusieurs impayés pour se tourner vers la caution qui doit alors verser des sommes importantes.

Il est donc prudent, ne serait-ce que pour permettre à la caution de remplir son engagement, de lui signaler tout incident de paiement et de demander, immédiatement sa garantie.

4- Les délais de paiement dont peut bénéficier la caution

En cas de difficulté pour assurer le paiement des sommes dues par le locataire, la caution dispose de plusieurs armes.

Tout d’abord, face à un bailleur professionnel, la caution - personne physique - peut établir que l’engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus (article L 341-4 du code de la consommation).

Le bailleur ne pourra alors pas se prévaloir du contrat de cautionnement, sauf si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

Par ailleurs, la caution bénéficie des remises et des délais de paiement que le locataire obtient du bailleur en vertu de l’article 1287 du code civil.

En outre, l’article 1244 du code civil permet à la caution de demander des délais de grâce au juge.

Ces délais peuvent atteindre deux ans.

Enfin, la caution peut également saisir la commission de surendettement.

5- Les recours dont dispose la caution

L’article 2305 du code civil permet à la caution de se retourner contre le locataire pour obtenir le remboursement des sommes versées par elle au bailleur.

Ce recours couvre aussi bien le principal, c’est-à-dire toutes les sommes versées au bailleur par la caution (loyers, intérêts de retard, dépens, frais de procédure…), que les intérêts et frais attachés au recouvrement de la dette du locataire envers sa caution.

Il s’agit là, pour la caution, d’exercer une action personnelle qui se prescrit en 10 ans.

En outre, l’article 2306 du même code offre à la caution la possibilité d’exercer un recours subrogatoire fondé sur l’action dont le bailleur disposait initialement contre le locataire (article 2306) et, par conséquent, de former les mêmes demandes que celles qu’aurait pu former le bailleur. L’exercice de cette action se prescrit par 5 ans.

Par ailleurs, si une même caution a pris son engagement vis-à-vis de plusieurs débiteurs solidaires, elle peut se retourner contre chacun d’entre eux pour obtenir le remboursement de l’intégralité des sommes versées (article 2307 du code civil).

Enfin, en cas de pluralité de cautions, si une seule caution paye la totalité de la dette, elle pourra se retourner contre les autres cautions (appelés cofidéjusseurs) afin d’obtenir le remboursement de leurs parts (article 2310 du code civil).

6- La portée de l’engagement de cautionnement

L’engagement pris par la caution peut engager le conjoint de celle-ci.

En effet, si la caution n’a pas déposé de contrat de mariage, elle est mariée sous le régime légal, c’est-à-dire la communauté des biens réduite aux acquêts.

Dans ce cas, si le conjoint n’a pas donné - expressément - son accord au cautionnement, la caution n’engage que ses biens et revenus propres.

En revanche, si le conjoint a donné son accord exprès, tous les biens communs sont engagés (article 1415 du code civil). Seuls les biens propres du conjoint ne sont pas engagés.

S’il existe un contrat de séparation de biens, la caution n’engage que ses propres biens et ses revenus. Son conjoint ne peut être poursuivi.

Par ailleurs, en cas de décès de la caution, l’article 2294 du code civil prévoit que les engagements de cautionnement passent aux héritiers.

Cependant, dans une telle hypothèse, le créancier ne pourra poursuivre que pour les dettes existant au jour du décès et ce quand bien même la caution n’aurait pas encore été mise en jeu.

Au total, il apparaît que la mise en œuvre de la caution prévue par le bail d’habitation dépendra donc de la teneur de l’engagement souscrit.

Cependant, il ne faut pas oublier que la caution peut invoquer les mêmes moyens de défense que le locataire.

Or, celui-ci peut avoir des raisons légales de refuser de payer, qu’il s’agisse d’invoquer l’absence de justificatifs des charges, l’état du logement, une augmentation du loyer supérieure à celle résultant de l’indice légal, ou plus simplement la prescription de la dette.

A cet égard, rappelons pour finir que le paiement du loyer et des charges se prescrit par cinq ans.

Si le bailleur réclame le paiement au-delà de ce délai, tant le locataire que la caution peuvent se prévaloir de la prescription et refuser de payer.

Victoire de BARY
Avocat Associé
www.sherpa-avocats.com

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Discussions en cours :

  • par CHAMPAULT , Le 27 décembre 2018 à 15:01

    bonjour Maitre
    Que se passerait il si le bailleur assignait la caution non pas à ce titre mais en qualité de locataire ? Est ce que sa demande serait irrecevable sur la base de article 32 du NCPC° sans possibilité de régulariser en cours d’instance ?
    merci d’avance de votre réponse
    bien cordialement

  • par ACTE-IMMO , Le 8 septembre 2017 à 16:52

    Bonjour Maître,

    Merci pour cet article informatif ;

    Quelques questions me viennent suite à cette lecture ;

    Vous indiquez en 3 que le bailleur à une obligation d’information envers la caution concernant les incidents de paiement si ce dernier est un professionnel.
    La question est de savoir qu’est ce qu’un professionnel ?

    Une SCI constituée de frère qui donne à bail des locaux commerciaux dont l’objet de la SCI est : "Acquisition, revente, gestion et administration civiles de tous biens et droits immobiliers lui appartenant".

    Est-elle une bailleresse professionnelle ?

    En 5 La caution personne physique ayant fait face à ses obligations envers le bailleur peut poursuivre le locataire pour réclamer les sommes payées.

    Dans le cas d’un locataire en SARL liquidée, la caution a-t-elle des recours envers les ex-associés ?

    Merci
    ACTE-IMMO

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