Blanchiment douanier : renforcement de l’exigence de motivation des peines d’amendes douanières.

Par Fares Aidel, Avocat.

1959 lectures 1re Parution: 3 commentaires 4.91  /5

Explorer : # blanchiment douanier # motivation des peines # amendes douanières

Ce que vous allez lire ici :

Dans cet article, il est mentionné que les poursuites et les redressements pour blanchiment douanier ont augmenté ces dernières années. L'article expose également une décision de la Cour de cassation qui confirme et renforce l'exigence de motivation des peines d'amendes douanières infligées en répression du blanchiment douanier. Elle étend cette exigence à toute amende douanière quel que soit son montant, notamment en matière de blanchiment douanier.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans un arrêt du 7 février 2024 publié au bulletin (22-87.426), la chambre criminelle de la Cour de cassation renforce sa jurisprudence quant à l’exigence de motivation nécessaire des peines d’amendes douanières infligées en répression des délits de blanchiment douanier et de manquement à une obligation déclarative.

-

Ces dernières années, chaque « Bilan annuel » publié par la Direction générale des douanes et droits indirects illustre l’accroissement continu des poursuites et redressements exercés pour blanchiment douanier.

En 2022, les douanes ont ainsi procédé au redressement de plus de 350 millions d’euros au titre du blanchiment douanier [1], soit une augmentation de plus de 30 % en cinq ans [2].

Les délits de manquement à une obligation déclarative et de blanchiment douanier étant de plus en plus poursuivis, il est logique de les retrouver plus fréquemment questionnés en jurisprudence.

Tel est le cas s’agissant de leurs éléments constitutifs [3]

Tel est encore le cas, dans l’arrêt ici commenté, s’agissant des peines infligées en répression de ces délits.

Dans ce récent arrêt du 7 février 2024, publié au bulletin, la Cour de cassation confirme et renforce sa jurisprudence quant au degré de motivation nécessaire des peines d’amendes douanières infligées en répression du délit de blanchiment douanier.

En l’espèce, un individu était contrôlé par des agents des douanes alors qu’il se trouvait au volant de son véhicule. Il leur déclarait transporter la somme de 5 000 livres sterling en espèces. La fouille de son véhicule entraînait finalement la découverte de 600 000 livres sterling, soit cent-vingt fois la somme initialement déclarée.

Poursuivi, le conducteur était en appel condamné à une amende douanière de 700 000 euros pour blanchiment douanier et à une amende douanière de 300 000 euros pour transfert de capitaux sans déclaration, en sus de peines d’emprisonnement et de confiscations.

Son pourvoi en cassation visait notamment à remettre en cause les amendes douanières, improprement motivées selon lui.

En guise de motivation, la Cour d’appel avait en effet retenu que « ces amendes apparaissent adaptées et proportionnées au regard des textes sanctionnant ces délits ».

Or, la matière douanière n’échappe pas au mouvement général d’intensification de l’exigence de motivation des peines correctionnelles.

Elle y occupe néanmoins une place particulière en ce que les peines applicables sont notamment fixées par seuils ou planchers auxquels le juge peut déroger selon certaines conditions.

La survivance de « peines planchers » en matière douanière est en effet un vieux débat émaillé de plusieurs décisions jurisprudentielles importantes concernant les peines d’emprisonnement [4] ou d’amende [5].

Le cas d’espèce exigeait alors la combinaison de plusieurs règles et textes normatifs distincts.

En premier lieu, les dispositions légales fixant les seuils ou planchers d’amendes applicables aux délits poursuivis.

L’article 415 du Code des douanes fixe en effet une peine d’amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction de blanchiment douanier.

L’article L152-4 du Code monétaire et financier fixe pour sa part une peine d’amende égale à 50 % du montant de l’argent liquide sur lequel a porté l’infraction ou la tentative d’infraction de transfert non déclaré de capitaux.

En deuxième lieu, les dispositions légales imposant la motivation des peines d’amende, et notamment l’article 369 1. d) du Code des douanes permettant au tribunal de réduire le montant des amendes douanières jusqu’à un montant inférieur à leur montant minimal, « eu égard à l’ampleur et à la gravité de l’infraction commise, ainsi qu’à la personnalité de son auteur ».

La question posée à la Cour pouvait donc être résumée ainsi : l’exigence spécifique de motivation fixée par l’article 369 du Code des douanes s’applique-t-elle aussi à la répression du délit de blanchiment douanier quel que soit le montant de l’amende prononcé ?

C’est à l’affirmative que tranche la Cour de cassation.

Selon la chambre criminelle, de l’application combinée des articles 365 et 369 du Code des douanes et 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, il se déduit que le tribunal qui inflige une peine d’amende en répression des délits de blanchiment douanier et transfert non déclaré de capitaux doit également motiver sa décision au regard de l’ampleur et de la gravité de l’infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l’amende qu’il retient.

En retenant seulement que les amendes infligées « apparaissent adaptées et proportionnées au regard des textes sanctionnant ces délits », sans faire apparaître qu’elle devait prendre en considération l’ampleur et la gravité de l’infraction commise et la personnalité du prévenu pour déterminer le montant de l’amende douanière et sans mentionner non plus ces éléments lorsqu’elle a statué sur ces amendes, la cour d’appel avait ainsi méconnu les textes précités.

Cassation partielle est dès lors prononcée et il appartiendra à la cour d’appel autrement composée de statuer de nouveau quant aux peines d’amendes douanières à infliger au condamné en se penchant sérieusement sur la motivation à y apporter.

L’apport majeur de cette décision est ainsi d’étendre l’exigence de motivation de l’article 369 du Code des douanes à toute amende douanière quel que soit son montant, notamment en matière de blanchiment douanier, ce qui n’allait pas nécessairement de soi à la seule lecture de la disposition légale.

Il faut noter que cet arrêt publié au bulletin s’inscrit dans la continuité de décisions rendues ces derniers mois en matière de motivation des montants d’amendes douanières [6].

Sa vertu n’est pas moindre : en étendant et renforçant l’exigence de motivation, cette décision confirme aux praticiens que le blanchiment douanier doit être débattu tant pour ses éléments constitutifs que sa répression.

Fares Aidel,
Avocat au Barreau de Paris, Ancien Secrétaire de la Conférence
Orcades Avocats
https://www.orcades-avocats.com/

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

44 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Bilan annuel de la Douane – 2022.

[2En 2017, le montant total redressé était de 268,5 millions d’euros.

[4Cons. const., 14 sept. 2018, n°2018-731 QPC.

[5Cass. crim., 24 octobre 1996, n° 95-82.782.

[6Pour exemple : Crim. 1er févr. 2023, n° 21-84.059.

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • par MORVANY , Le 30 décembre 2024 à 04:08

    Bonjour Maître,

    Je tiens à vous remercier pour votre mise à jour de la jurisprudence
    sur cette thématique et pour votre analyse très pertinente et claire.

    ,
    SMC

  • par landon , Le 2 mai 2024 à 10:40

    Merci pour cet article qui pointe une difficulté majeure de la pratique judiciaire, la motivation du choix et du montant de la peine, l’amende douanière. Dans le domaine de la contrefaçon douanière et de la "présomption" d’importation illicite, la pratique repose sur une appréciation quasiment discrétionnaire du Juge judiciaire.

    Pour sa part, la Douane ne motive pas autrement qu’un calcul mathématique de la "valeur du produit authentique" (en lieu et place de "l’objet de fraude" visé par l’article 414 CD) déclarée par le titulaire des droits sans distinguer la nature des droits contrefaits (marque, dessin et modèle, droits d’auteur, brevet, etc...), ce qui aboutit à des condamnations ni proportionnée, ni objectives.

    Espérons que la position réaffirmée de la Cour de Cassation aura des suites car contester le choix et le montant de l’amende judiciaire demeure une tâche compliquée devant la juridiction supérieure, malgré l’exigence supérieure de la Convention.

    Modifier la Loi en imposant des critères objectifs d’évaluation n’est pourtant pas la solution adaptée sauf si celle-ci impose au Juge et à la Douane d’exposer clairement faits et causalité dans le respect des droits de la défense.

  • par Volny-Anne Claude- Greffier en chef retraité du Parquet Autonome de Paris , Le 29 avril 2024 à 18:22

    Excellente argumentation de Me Farès Aidel dans une matière oh combien complexe et ardue. Votre revue sait choisir les auteurs ayant une notoriété certaine dans leurs domaines respectifs. Bien cordialement. Claude Volny-Anne - Greffier en chef retraité du Parquet Autonome de Paris , ancien chef de service.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs