Bail commercial : les étapes de l’expulsion du locataire en cas d’impayé de loyer.

Par Baptiste Robelin, Avocat.

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Les bailleurs sont malheureusement régulièrement confrontés à ce type de problématique : défaut de paiement par le locataire et/ou violation des clauses du bail commercial (par exemple, absence d’assurance, ou exercice d’une activité non autorisée). Évidemment, la crise de la covid-19 a eu tendance à amplifier le phénomène.

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Quelle que soit l’origine des difficultés rencontrées par le locataire – qui peuvent être compréhensibles sur le fond - il n’en demeure pas moins que le bailleur est en droit d’être payé de ses loyers, et qu’il s’agit souvent d’un besoin impérieux, en particulier s’il s’agit de payer les échéances de son propre crédit bancaire.

Voici un rappel des étapes de procédure à suivre pour expulser le locataire d’un bail commercial en cas de non paiement du loyer ou non respect du contrat.

Vous trouverez également des conseils pour la rédaction du bail commercial, afin de prévenir les conséquences d’un éventuel impayé.

I.Procédure à suivre pour expulser un locataire qui ne paye pas son loyer.

Étape 1 : envoi d’une lettre de mise en demeure.

La procédure d’expulsion d’un locataire d’un bail commercial qui ne paye pas son loyer peut sembler longue, aussi, mieux vaut ne pas tarder à la mettre en œuvre. Il est par ailleurs conseillé de s’entourer des conseils d’un avocat spécialisé en bail commercial et procédure d’expulsion.
La première étape consiste à envoyer une lettre de mise en demeure, que le bailleur peut faire lui-même, ou qu’il peut décider de faire envoyer par son avocat s’il souhaite exercer plus de pression sur son locataire.
La lettre de mise en demeure est une étape obligatoire en cas d’impayés par un locataire.

La lettre doit viser la clause résolutoire, comme prévue par l’article 1225 du Code civil :

« La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire
 ».

Sur la forme : il est possible d’envoyer la lettre de mise en demeure par mail (courriel) à condition de doubler l’envoi d’une lettre postale en la forme recommandée avec accusé de réception (A/R), pour se ménager les preuves nécessaires.

Étape 2 : Commandement de payer par huissier.

Dans certains cas, la lettre de mise en demeure produira son effet et le locataire règlera les loyers. Si tel n’est pas le cas, il faudra passer à l’étape d’après : signification d’un commandement de payer par huissier de justice.
Il s’agit là encore d’une étape obligatoire. Le commandement de payer, comme la lettre de mise en demeure, doit viser la clause résolutoire prévue au bail, si elle existe, comme le prévoit l’article L145-41 du Code de commerce :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge
. »

Cet article est très clair : il ne sera possible d’assigner le locataire qu’un (1) mois après le commandement de payer resté infructueux.

Étape 3 : Assignation devant le tribunal judiciaire.

Si le locataire ne règle toujours pas son loyer, il faudra l’assigner. Le tribunal compétent en cas d’impayé pour un bail commercial est le tribunal judiciaire du lieu de situation du local commercial (lieu d’exploitation du commerçant).
Si le bail ne contient pas de clause résolutoire, il faudra à priori initier une procédure au fond.
En revanche, si le bail commercial contient une clause résolutoire, vous pourrez engager la procédure d’expulsion en référé. La procédure de référé est une procédure orale, accélérée.
Attention, la représentation par un avocat est obligatoire en référé dès lors que la demande excède 10 000 euros.
Certaines mentions sont obligatoires dans l’assignation : identité des parties, lieu, date et jour de l’audience, etc. Il faut également communiquer les pièces au soutien de la demande.
L’assignation est rédigée par avocat, mais doit être délivrée par un huissier de justice. La date sera prise auprès du greffe du tribunal.
Notez que votre locataire aura la possibilité de solliciter des délais de paiement, qui peuvent s’étaler jusqu’à deux ans, conformément à l’article 1343-5 du Code civil.
Vous avez naturellement la possibilité de vous y opposer, en particulier si votre locataire est de mauvaise foi.

Dernière étape : Exécution de l’ordonnance de référé

Une fois l’ordonnance de référé rendue, vous n’aurez plus qu’à la faire exécuter. C’est en principe l’huissier de justice qui s’en chargera, sous contrôle de votre avocat. La décision sera signifiée, faisant courir les délais de recours (15 jours en matière de référé). Dès leur expiration, l’huissier pourra procéder à l’exécution forcée de la décision. Il pourra éventuellement effectuer une recherche FICOBA pour obtenir les coordonnées bancaires de votre adversaire.

II. Conseils pour accélérer la procédure d’expulsion en cas de non paiement du loyer par le locataire du bail commercial.

La procédure pour expulser le locataire d’un bail commercial qui ne paye pas son loyer peut paraître longue et piégeuse. C’est pourquoi il vaut mieux ne pas trainer et agir rapidement, dès les premiers impayés. Voici en outre quelques conseils pour agir avec plus d’efficacité et de célérité.

Conseil n°1 : Faire une saisie conservatoire.

C’est l’avantage du bail commercial : il est possible d’initier une saisie conservatoire immédiate en cas d’impayé, sans attendre l’issue du procès. C’est une possibilité offerte par l’article L511-2 du Code des procédures civiles d’exécution :

« Une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles ».

Pour générer un effet de surprise, il est conseillé d’agir immédiatement, et d’initier cette procédure sans délai. Vous pouvez naturellement demander conseil à votre avocat.

Conseil n°2 : Si votre locataire obtient des délais, agissez immédiatement en cas de nouveaux impayés.

Si votre locataire obtient des délais et qu’il ne les respecte pas, il est inutile de repasser devant le juge. Vous pourrez signifier au locataire la déchéance du terme par huissier, afin d’obtenir immédiatement son expulsion.

Conseils n°3 : Demander les coordonnées bancaires de votre locataire.

Comme on l’a vu, il est possible d’initier une saisie conservatoire immédiate, dès la survenance des premiers impayés de votre locataire. C’est l’un des avantages du bail commercial. Toutefois, pour ce faire, vous devrez avoir les coordonnées bancaires de votre locataire.
C’est pourquoi il est conseillé de les demander dès la signature du bail commercial en exigeant un règlement du loyer par virement bancaire. Ce sera ensuite plus facile en cas de procédure pour impayés notamment.

Conseils n°4 : Délivrer l’assignation avec les pièces.

La procédure devant le tribunal judiciaire peut paraître longue, même en référé. Pour tenter d’éviter les renvois, il est conseillé d’assigner votre locataire avec les pièces du dossier directement. Cela coûtera un tout petit peu plus cher en frais d’huissier, mais sera particulièrement efficace pour éviter que le locataire ne sollicite un délai pour communication des pièces.

Conseils n°5 : Prendre toutes les garanties à la conclusion du bail commercial

Dernière recommandation : soyez prudents et prenez conseil auprès d’un avocat pour la rédaction du bail commercial afin de prendre toutes les garanties nécessaires : cautionnement, dépôt de garantie, garantie bancaire à première demande (GAPD).

Surtout, vérifiez d’inclure toutes les clauses nécessaires pour protéger le bailleur :
- Clause résolutoire, pour accélérer et faciliter l’expulsion du locataire et la résiliation automatique du bail commercial en cas d’impayés ;
- Clause de solidarité, pour conserver l’ancien locataire en qualité de garant en cas de cession du bail ;
- Clause de solidarité inversée, pour obtenir le paiement du loyer par le repreneur, en cas de procédure collective (liquidation ou redressement judiciaire) affectant votre locataire.

Enfin, en cas d’accord en cours de procédure, ne vous contentez pas de belle parole : prévoyez un écrit, un protocole d’accord par avocat, pour vous ménager toutes les preuves nécessaires, et assurer l’efficacité de vos arrangements.

Me Baptiste Robelin - Avocat au Barreau de Paris
NovLaw Avocats - www.novlaw.fr (English : www.novlaw.eu)

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