L’expropriation restait l’une des rares procédures sans représentation d’avocat obligatoire.
Le décret n°2019-1333 en date du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile est venu étendre la liste des procédures avec représentation obligatoire dans laquelle figure désormais l’expropriation.
Le recours à un avocat est obligatoire pour les procédures de première instance et pour les procédures d’appel.
Pour les procédures de première instance, le nouvel article R 311-9 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que « Les parties sont tenues de constituer avocat. L’Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »
Cette obligation s’applique aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 [1].
L’obligation de recourir à un avocat implique que l’avocat saisi que l’avocat se constitue dans un délai de 15 jours à compter de la saisine du juge conformément aux articles 763 et suivants du Code de procédure civile.
Cette obligation concerne uniquement les personnes expropriées puisque, pour les autorités expropriantes, le nouvel article R.311-9 précité prévoit une dispense pour certaines personnes publiques qui peuvent être représentées par un de leur fonctionnaire ou agent. Cette dispense reste facultative, et bien souvent en pratique les personnes publiques sont assistées par un avocat. Il convient de souligner que cette dispense ne vise pas les sociétés publiques d’aménagement ou les sociétés concessionnaires, qui sont pourtant des expropriants habituels, qui devront donc obligatoirement constituer avocat.
Enfin, cette dispense de représentation par avocat s’applique également au commissaire du gouvernement représenté par le directeur départemental ou régional des finances publiques qui continuera d’exercer ses fonctions sans ministère d’avocat, ce qui relève de l’évidence, car il intervient à la procédure et aux débats en tant qu’expert public [2].
Pour les procédures d’appel, l’article 21 du décret n°2019-1333 renvoie aux dispositions de l’article R.311-9 précité : « Les parties sont tenues de constituer avocat dans les conditions de l’article R. 311-9. ». Donc, de la même manière qu’en première instance, le recours à un avocat est désormais obligatoire en appel.
Toutefois, il convient de préciser que, de manière inhabituelle, cette nouvelle disposition est applicable aux procédures d’appel en cours [3]. Rien ne justifiait une entrée en vigueur différenciée pour les procédures de première instance et les procédures d’appel. Il n’en reste pas moins qu’à la lettre du texte, le ministère d’avocat est obligatoire en appel y compris dans les procédures en cours. Par conséquent, cela signifie que toutes les conclusions intervenues postérieurement au 1er janvier 2020 devront être signées et notifiées par avocat régulièrement constitué.
Cette nouvelle obligation de constituer avocat peut être perçue pour les personnes expropriées comme une charge financière pour assurer leur défense. Il convient de rappeler qu’en première instance, le juge de l’expropriation condamne systématiquement l’autorité expropriante à verser aux expropriés une somme couvrant leurs frais d’avocats. Il en est régulièrement de même en appel, lorsque l’appel est justifié.
Soulignons ici que le paiement des frais d’avocats de l’exproprié par l’expropriant découle de la nature de la procédure. Ce n’est pas une procédure contentieuse, mais une procédure gracieuse, autrement dit le juge ne tranche pas un litige, mais fixe le montant des indemnités revenant à l’exproprié. L’obligation d’indemniser les frais d’avocats de l’exproprié découle du principe plus large selon lequel l’expropriation étant une procédure de cession forcée de la propriété, l’expropriant doit indemniser tous les frais engagés par l’exproprié du fait de cette procédure.
En effet, la personne expropriée n’a, par définition, pas choisi de déclencher cette procédure.
En pratique les indemnités allouées par le juge pour couvrir les frais d’avocat sont proportionnées à l’enjeu du litige et au travail fourni par l’avocat. Autrement dit, il convient de recourir aux services d’un avocat spécialisé dans la matière qui soulèvera les arguments pertinents aux yeux du juge et du commissaire du gouvernement et assurera une défense efficace des intérêts de l’exproprié.
Discussions en cours :
Bonjour,
Dans le cas où le juge suit l’ensemble des demandes de l’expropriant (grande institution) et rejette celles de l’exproprié (particulier), l’indemnisation des frais d’avocats de ce dernier est elle habituellement ordonnée par le juge au titre des arguments exposés dans vitre article ? L’article 700 ne s’appliquant a priori pas dans ce cas là.
Merci
Bonjour,
la procédure d’indemnisation en expropriation est une procédure gracieuse. Le juge ne tranche pas un litige, il détermine des indemnités. L’exproprié n’est donc pas la partie "perdante" même si ses demandes indemnitaires ne sont pas accueillies par le juge. L’exproprié étant contraint de céder sa propriété ou son droit, et contraint de constituer avocat devant le juge de l’expropriation il est logiquement indemnisé de cette obligation que lui impose l’expropriant. Il en va différemment en appel, dès lors que l’exproprié est à l’origine de la procédure d’appel et conteste un jugement. Espérant avoir répondu à votre question et restant à votre disposition.
Cordialement
Camille Mialot
Bien que la procédure d’appel en matière d’expropriation, impose l’obligation de représentation pour l’exproprié, entre-t-elle dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, qui institue un droit d’un montant de 225 € "lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour".
Cette obligation était depuis l’instauration de la réforme de 2011 sur la suppression de l’avoué une indemnité destinée à couvrir les frais des avoués en dédommagement mais ne s’appliquait pas aux procédures prud’homales devenues avec représentation obligatoire, le monopole des avoués ne concernant que par les procédures dans les affaires civiles en appel ciblant ainsi le dédommagement.
Le timbre en matière d’expropriation devrait suivre cette logique. Qu’en pensez-vous ?
Bonjour Madame,
pour répondre à votre question, je confirme l’obligation de Ministère d’avocat et de droit de timbre en appel nonobstant la suppression de représentation par avoués qui est antérieure à cette obligation et qui ne peut donc en être le fondement,
bien à vous
Camille Mialot