Moteurs
L’action se déroule dans ta ville
Vue d’hélicoptère ou du haut d’un building
Et puis la caméra zoome avant
Jusqu’à ton appartement !
Parce qu’on peut dire ce qu’on veut, l’avocat peut tweeter, snaper, scroller, twitcher, crier, radoter, voire écrire, la télévision reste impériale dans la communication.
Des mots magiques, des mots tactiques qui sonnent faux !
Faute de savoir-faire, cette dernière ressemble souvent au lancer de javelot ou de poids lors du cours d’EPS. Vous lancez dans la bonne direction, on vous dit que c’est une simple question de technique, pas de force. Bon. En réalité, c’est bien souvent la controverse et la polémique qui comptent, générant le buzz. Objectif, se démarquer, poindre, mais aussi informer.
La télévision vintage ? Souvenons-nous du retentissement planétaire de la prise d’otages lors de l’affaire Courtois à Nantes à une époque où Internet n’existait pas. La question est de savoir comment une telle affaire serait traitée actuellement.
Passer à la télé, c’est mieux que les rafales de fautes d’orthographe de Twitter.
Mais comment se retrouve-t-on dans le petit écran ? Brutalement, sans crier gare ? Un "énorme" dossier vous arrive. Ou le contraire. Régulièrement, vous avez des clients potentiellement célèbres parce que vous êtes un habitué du genre. Vous aimantez les drames et tragédies. Le karma.
Si certains avocats recherchent la médiatisation, les médias recherchent les avocats bavards. Le bon, la brute, le truand, tout est bon pour faire de l’audience. Mais le casting n’est pas si facile. Les médias évitent les praticiens soporifiques à la langue de bois.
Des bosses et des virages !
Une question de gueule. Les tronches à la Berton et à la Dupont-Moretti, adeptes de la baston dans les prétoires, passent bien. Le Nord. Vous saisissez, la revanche sur Paris, sur Neuilly. Des affranchis, un peu défraichis, mais qui dégainent facilement au fusil à pompe. Cela parle à tous les publics.
Avant, on avait Jacques Vergès avec son cigare, inégalé, inimitable, mort dans une pauvreté abyssale, sauf intellectuelle.
L’identification !
Pour l’avocat, il est nécessaire de savoir identifier une affaire hors-norme dès le départ. Cette phase pourrait s’appeler l’identification.
Une affaire hors-norme est une affaire impliquant des personnes particulièrement vulnérables, des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées, mais aussi des personnalités publiques, des hommes et des femmes politiques, des terroristes, des Etats, des chefs d’Etat, des syndicats, des membres de services spéciaux. La liste est très longue, avec des ramifications.
Les conséquences directes sont multiples et complexes.
Sir, yes, Sir !
Le praticien doit bien sûr respecter scrupuleusement les règlements de la profession, prévoyant la communication avec les médias. Sauf que protocoles, rituels et coutumes de la profession tendent à varier suivant les circonstances et les protections.
L’avocat est exposé. Sa biographie est fouillée. Il est l’avocat ou du bien ou du mal. Il est jugé.
Dans tous les cas, les camps opposés s’affrontent. Clans, bandes, loges, syndicats, récupération politique, à votre bon cœur.
L’avocat peut être submergé par des courriers d’intimidation, des menaces de mort, d’appels téléphoniques, d’éléments remettant en question sa sécurité physique. Il peut être victime de hacking et de doxing.
Mais pas seulement.
Les dommages collatéraux de la médiatisation d’une affaire judiciaire atteignent les proches, famille, amis, alliés, partenaires.
Les membres, associés ou salariés du cabinet, sont aussi concernés. Les mails, les appels téléphoniques, les courriers se multiplient, bouleversant l’organisation habituelle.
Sans compter la pression, vécue parfois comme une ingérence, de l’ordre des avocats. Certains membres du conseil de l’ordre ne manquent pas, dans ces circonstances, de rappeler la doxa. Le priapisme déontologique de certains impressionne. Pas de publicité et de racolage.
Communiquer sans violer ni le secret de l’instruction, ni le secret professionnel ! Un défi quand tout vous échappe.
Quel avocat français a-t-il appris à tenir une conférence de presse, en temps normal, en temps de crise, avec les journalistes locaux, nationaux ou internationaux, en anglais ?
Cette stratégie, dépendant de la nature de chaque dossier, est laissée à l’appréciation de l’avocat. Il sait, il croit savoir, ou il ne sait rien. Où tenir la conférence ? Avec qui ? Associer ou non certains autres professionnels ?
Rien ne t’arrête quand tu commences
Si tu savais comme j’ai envie d’un peu de silence !
Il improvise souvent totalement, pour le mieux ou pour le pire. Pas de règle établie. Les pires maladresses sont constatées. Tout le monde n’est pas fait pour s’adresser à une caméra.
La conférence de presse peut aussi être une occasion de régler ses comptes avec le Parquet.
Ce dernier n’est souvent pas plus préparé aux micros et aux caméras.
Une affaire hors norme, l’assassinat d’un enfant, par exemple, commence par l’appréhension d’une situation de crise où l’émotion peut prendre le dessus. Les informations pleuvent. Par le canal officiel, c’est-à-dire par le Parquet ou par des fuites savamment orchestrées, voire involontaires, les protagonistes étant nombreux, policiers, gendarmes, greffiers, juges, avocats, experts, médecins, témoins, proches de la victime ou de l’agresseur.
L’avocat peut aussi ne pas communiquer dans la crise.
Sa parole n’en est que plus forte et solennelle lorsqu’elle s’élève, à un moment où un semblant de sérénité revient après un silence.
Je fais des mauvais rêves, j’suis sur un mauvais câble
Dans la paranoïa, pas de marchand de sable !
La santé physique et psychologique du praticien est directement concernée. Le stress et les troubles de l’anxiété peuvent être dévastateurs. Une situation de crise judiciaire se double fréquemment d’une situation de crise psychologique.
Comment réagir à un tel bombardement de critiques, de commentaires, de sollicitations, et comment résister ? Comment éviter, sous la pression, une altération de la qualité de son travail ?
Une méthode consiste à s’entourer.
La difficulté est de trouver les bons professionnels, des avocats si possible, peu importe leur spécialité, tant que leur jugement est objectif, que leur loyauté est à toute épreuve. Mais d’autres professionnels, médecins, psychologues, par exemple, sont très utiles. Ils ne sont toutefois pas faciles à trouver et à mobiliser. Une cellule d’appui peut ainsi se former si les volontaires répondent présents.
Débriefing et defusing à différents étapes de l’affaire sont absolument nécessaires pour l’avocat impliqué dans une affaire médiatique.
Associer ou non le conseil de l’ordre ? Solliciter un conseil est toujours une solution potentielle. Mais là encore, tout reste une question de cas d’espèce.
En général, lorsque le conseil de l’ordre est impliqué, dans une démarche, dans une stratégie, les divergences d’opinion, les sensibilités, les inimitiés, les rancunes, la jalousie, permettent rarement un socle commun, sauf si les droits de la défense sont bafoués. On assiste alors dans ce dernier cas, la plupart du temps, à une solidarité corporatiste aux limites très vite constatées car ponctuelle.
En outre, il existe un certain équilibre et un certain mode de communication non écrit entre les ordres des avocats et le Parquet. Evitons les vagues, disent certans bâtonniers. Certains rechignent à travers des passes d’armes à remettre en question les concessions instaurées difficilement dans nombre de domaines.
On n’a pas tous dans le cœur des confrères qui dansent sur Luis Mariano !
Consulter la structure ordinale peut aussi passer pour une preuve de fragilité et un manque d’indépendance. Certains confrères concurrents exploitent cette ouverture qu’ils présentent alors comme une faille.
Dans la plupart des cas, il faut reconnaître que l’avocat est bien seul et travaille sans réel filet.
Amputation à vif !
Durant le procès, si celui-ci mobilise vraiment la presse, la publication en direct des tweets des journalistes police-justice, fait que l’avocat n’a plus aucun pouvoir d’annonce. Ses sentiments, concernant l’audience, sont répercutés via des interviews brèves et souvent amputées. L’avocat ne doit pas hésiter à publier l’intégralité de ses déclarations sur son blog, notamment. Une interview n’est pas un QCM. Au professionnel d’en être conscient.
La brièveté des commentaires et surtout la dénaturation des propos tenus lors des audiences peuvent être néanmoins une excellente opportunité pour l’avocat de réinvestir son rôle, par exemple, de préciser un point de droit particulièrement technique, à un moment bien choisi, post audience.
Reste aussi à être très pédagogue, la cible étant aussi l’opinion publique, pas seulement les professionnels.
Il faut voir comme on nous parle
Attiré par les étoiles, les voiles !
Enfin, après le procès, la pression retombe. D’autres dangers surviennent pour l’avocat. Le retour à l’anonymat est pour certains très douloureux, voire insupportable. C’est le temps du retour et de la reconstruction.
Après le craving, l’après-craving qui doit faire l’objet de toutes les attentions.
Là encore, des débriefings, la rédaction d’articles, l’écriture d’un livre, la création d’un blog, la constitution d’une association, peuvent contribuer à faciliter le retour à une vie professionnelle dite normalisée, et gérer la reconquête d’un certain anonymat.
L’avocat a une mission de défense mais il doit songer à son auto-défense.
Cauchemar
Highway
Bad trip ! Idées noires !
Les risques de stress post traumatique sont à signaler. Vous pouvez lire mon article publié sur le site du Village de la Justice concernant le stress post traumatique des avocats. La consultation d’un médecin spécialiste est conseillée pour prévenir et connaître les symptômes.
Il ne faut pas dissoudre ou disperser la cellule d’appui qui a entouré l’avocat mais sceller un nouveau pacte de solidarité, d’une autre nature, mais aussi efficace, une task force par "temps de paix". Il faut une transition.
Certaines défenses s’inscrivent dans la défense de causes nationales et internationales. Le militantisme, voire un certain lobbying, constituent des issues potentielles à des affaires judiciaires.
Il est conseillé aussi de prolonger sa veille des médias, et des réseaux sociaux afin de protéger le cas échéant sa e-réputation.
Par ailleurs, il est bien rare qu’il n’y ait pas de plaintes devant le bâtonnier ou des enquêtes ordinales.
Le temps de la justice est long, tout le monde le sait. L’avocat doit dans les affaires médiatiques être endurant, parfaitement organisé et se préparer à tout.
Ainsi soit Je
Ainsi soit Tu
Ainsi soit ma vie
Tant pis...
Dans certaines affaires, notamment de terrorisme, la protection policière du praticien et de ses proches, persiste au-delà des procès. Cela concourt à renforcer, dans la durée, toute la panoplie des risques psychosociaux, tel le stress mais bien d’autres aussi.
Il ne faut pas non plus donner l’impression d’une sur-exploitation du dossier à des fins commerciales et de promotion du cabinet.
Rappelons que la notoriété n’est ni la popularité ni la célébrité. Une carrière se gère sur la durée.
Une proposition à faire est de créer un référent médias dans les barreaux. Des cours communs avec l’Ecole Nationale de la Magistrature peuvent aussi être organisés. Un observatoire des médias spécialisés dans la justice peut être constitué.
Le tout est d’échapper aux risques psychosociaux, visibles, attendus, ou tapis dans l’ombre. A condition de les connaître et surtout de ne pas les sous-estimer.
On a bien compris que les aléas du destin sont nombreux. Certaines affaires peuvent faire basculer la vie de l’avocat en enfer ou le propulser vers une carrière.
Les risques psychosociaux, ce sont les comorbidités du métier d’avocat.
Le cluster, c’est le repas de famille des autres, la comorbidité, au sens général, c’est le nom de la maladie des autres,
Dans "comorbide", il y a quand même, co, mort et bide.
Beaucoup de travail reste à faire pour parfaire la formation des avocats.
C’est notamment ce qui rend cette profession passionnante, à la fois à l’avant-garde de tout et profondément conservatrice.
Discussion en cours :
Bravo Cher Confrère pour cet éblouissant article.
Comme vous je suis un peu fan de disco....et ne suis pas trop favorable à une forme d’exposition médiatique des Avocats. Nous sommes là avant tout pour parler à la place du client, uniquement.
Encore merci.