Cet objectif se décline principalement sur trois mesures : la baisse du taux de taxation des plus-values sur les cessions d’actions, le recentrage de l’ISF sur les actifs immobiliers réputés improductifs, et la diminution programmée du taux de l’impôt sur les sociétés, entre 2020 et 2023, pour le ramener in fine à 25%.
A supposer légitimes les objectifs de compétitivité fixés par l’exécutif, ces trois mesures sont-elles propres à en permettre la réalisation ? Il est raisonnable d’en douter.
En quoi la réduction au taux uniforme de 30% (« flat tax ») de la taxation des plus-values sur cession de titres de sociétés pourrait-elle profiter aux entreprises ? On ne voit pas très bien, sauf à confondre l’épargnant et l’entreprise, et à privilégier l’intérêt du premier sur celui de la seconde, ce qui est exactement le contraire du but affiché.
Si un épargnant achète des actions d’une société, cotée ou non, son investissement ira bénéficier non pas à l’émetteur des titres, mais bien à l’actionnaire vendeur de ces titres. La société elle-même ne bénéficie d’aucun avantage lié à la transaction ; elle change simplement d’actionnaire.
Ainsi, le fait de favoriser l’investissement dans les titres de sociétés n’améliore en rien la situation des entreprises, mais a pour conséquence principale de faire monter mécaniquement le prix des actions en augmentant les nombres des acheteurs, avec les effets pervers que l’on a vu se manifester à l’occasion de précédentes crises : apparition de bulles sur les marchés boursiers et augmentation artificielle des prix des sociétés non-cotées. Sur ce dernier marché (« private equity ») le niveau des transactions les plus récentes est déjà redevenu très élevé en termes de multiples de résultats, et le risque lié à l’augmentation des prix est aggravé par le mode de financement des acquisitions, puisque nombre de transactions sur le capital des sociétés non cotées sont réalisées avec recours à l’emprunt, parfois dans des proportions tout à fait excessives, que la crise du LBO a mises en évidence.
Si l’on veut vraiment favoriser l’investissement dans les entreprises, ne serait-il pas beaucoup plus logique et efficace de détaxer les plus-values de cession de titres souscrits par voir d’augmentation de capital ? En effet, seules ces souscriptions apportent des fonds propres supplémentaires aux entreprises, contrairement aux achats d’actions existantes.
On pourrait ainsi différencier le traitement fiscal du marché des titres neufs (augmentations de capital, émissions obligataires, …) de celui des titres existants. La revente de titres acquis lors d’une opération d’émission serait ainsi détaxée, les cessions de titres acquis « d’occasion » restant plus fortement imposées.
Une mesure d’inspiration similaire a d’ailleurs déjà été testée avec succès, mais sur une assiette trop étroite et dans un cadre juridique inadapté, avec la réduction d’impôt dénommée « ISF-PME ».
Le même critère pourrait d’ailleurs être retenu pour déterminer l’assiette de l’ISF : seraient exonérés les titres acquis sur le marché primaire, à l’occasion d’une levée de fonds réalisée par une entreprise, mais entreraient dans la base de taxation ceux acquis sur le marché secondaire.
Cette distinction selon le mode d’acquisition des actifs semble plus pertinente au regard de l’objectif recherché que celle qui consisterait, si l’on en croit les rumeurs quant aux amendements à venir, à taxer certains biens au motif qu’ils signeraient la richesse de leurs détenteurs et seraient improductifs. Car si c’est bien la compétitivité des entreprises qui est recherchée, pourquoi pénaliser celles qui fabriquent des bateaux de plaisance plutôt que des navires marchands, ou des automobiles de luxe plutôt que des véhicules d’entrée de gamme, et qui créent souvent une valeur ajoutée importante ?
La mesure produirait en outre l’effet secondaire d’unifier les régimes de taxation à l’impôt sur le revenu et à l’ISF, et donc de simplifier et rendre plus intelligible l’appareil fiscal, qui en a un certain besoin. On pourrait même imaginer d’aller au bout de la logique, en réservant l’impôt sur la fortune immobilière aux immeubles anciens, et en détaxant les investissements dans le neuf, ce qui contribuerait à la fois à l’activité du bâtiment et à la solution de la crise du logement.
Un tel dispositif procurerait certainement de réelles ressources supplémentaires pour les entreprises, dans des proportions significatives, et ces dernières disposeraient ainsi d’une vraie capacité d’investissement… ce qui ouvre le sujet de la fiscalité de ces investissements nouveaux.
Pour rappel, lorsqu’une entreprise investit, elle amortit les biens acquis en fonction de leur durée d’utilisation prévue. L’entreprise va ainsi décaisser immédiatement la totalité du montant de son investissement, mais ne pourra fiscalement déduire la dépense que sur une durée souvent longue, 7 à 10 ans pour l’outillage par exemple, 10 ans pour les agencements, etc…
Favoriser l’investissement pourrait passer par une mesure fiscale simple et compréhensible par tous : toute augmentation des investissements des entreprises constituerait une dépense immédiatement déductible sur le plan fiscal.
Toujours par référence à l’objectif de compétitivité recherché, ce dispositif semble au moins aussi intéressant que la baisse annoncée du taux de l’impôt sur les sociétés, destinée à aligner la fiscalité française sur celle des pays les mieux disant en Europe. Car en effet, au-delà même du fait que le simple alignement constitue un fondement plutôt faible pour définir une politique fiscale, la comparaison des taux d’impôt sur les sociétés entre différents pays est faussée par des différences énormes dans les règles de détermination de l’assiette de l’impôt, les mêmes charges étant fiscalement déductibles dans certains pays et non dans d’autres.
En revanche, la déduction immédiate des dépenses d’acquisition d’immobilisations supplémentaires permettrait une diminution de l’impôt sur les sociétés ciblée sur les entreprises qui investissent.
Il y aurait dans le même esprit nombre de mesure fiscales simples et cohérentes à promouvoir pour contribuer à remettre l’économie française en marche.
Peut-être, un jour, une nouvelle fiscalité viendra-t-elle soutenir la nouvelle économie.