Le 30 août 2017, lors de l’université d’été du Medef, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a confirmé la trajectoire fiscale déjà projetée par le gouvernement d’Édouard Philippe. Ainsi, l’impôt sur les sociétés sera diminué pour toutes les entreprises de manière uniforme, à partir de 2019. L’objectif est d’atteindre un taux d’IS standard de 25% en 2022. Cette mesure figurera dans le projet de Budget pour 2018.
Jusqu’ici, le précédent gouvernement avait prévu, dans la loi de finances pour 2017, une réduction par paliers du taux normal de l’impôt sur les sociétés, soit 33,33% (hors taux réduit).
Un calendrier en quatre étapes prévoyait notamment, pour la seule année 2017, une diminution du taux de l’IS jusqu’au seuil de 28% pour les TPE et PME au sens communautaire, dont les bénéfices n’excèdent pas 75 000 euros.
Pour 2018, ce taux réduit de 28% devait par la suite venir s’appliquer aux entreprises ne dépassant pas 500 000 euros de bénéfices, avant de se voir appliquer en 2019 aux sociétés dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1 milliard d’euros.
En 2020, le taux de 28% serait enfin devenu standard et aurait concerné l’ensemble des sociétés. Le ministre de l’Économie et des Finances, ayant établi un nouveau calendrier pour la réforme de l’impôt sur les sociétés, a néanmoins précisé que la mesure de réduction du taux de l’IS à 28% pour les entreprises aux bénéfices inférieurs à 500 000 euros serait conservée.
I) Une mesure destinée à relancer l’investissement
Un simple constat est à l’origine de cette réforme de l’impôt sur les sociétés : le taux standard français de l’IS est un des plus élevés de l’Union européenne.
Or, dans une économie mondialisée où les grands marchés boursiers et les pays émergents rivalisent d’avantages fiscaux et d’innovations logistiques afin d’attirer grandes firmes et start-up, la concurrence est rude. L’influence du taux de taxation sur les bénéfices est donc déterminante non seulement dans le choix d’implantation des entreprises, mais également dans le choix de domiciliation des profits des sociétés.
Il apparaît que le taux français de 33,33% dissuade entrepreneurs et investisseurs, français ou étrangers, de s’installer en France. Cet impact est nettement perceptible pour les grands groupes du CAC 40, un nombre croissant de sociétés préférant conserver une partie de leurs profits à l’étranger. Les cas de Sanofi, Danone, Total, L’Oréal, Schneider Electric, Essilor, LVMH, Air Liquide et Kering sont parlants.
Ainsi, la France représente une part de plus en plus faible dans le chiffre d’affaires des entreprises du CAC 40, puisque 30% seulement du chiffre d’affaires de l’ensemble des actions du CAC 40 est réalisé sur le territoire français.
Une importante part de marché à conquérir, conjuguée à un meilleur environnement fiscal, conduit les grands groupes à investir non seulement en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et aux États-Unis, mais également au Brésil, en Russie, en Inde, en Chine, et autres pays émergents.
L’incitation à l’internationalisation du marché, via le développement des exportations et la création de filiales et succursales à l’étranger, achève de décourager les investissements sur le territoire français.
Il convient cependant de rappeler que le taux standard de 33,33% d’impôt sur les sociétés n’est pas systématiquement payé par toutes les entreprises, le taux de l’impôt dû étant directement lié à la taille de l’entreprise. Ainsi, les TPE et PME disposant d’un chiffre d’affaires inférieur à 7 630 000 euros bénéficient d’un taux réduit d’IS à 15%, sur la tranche de leurs bénéfices n’excédant pas 38 120 euros. La fraction excédentaire du bénéfice reste quant à elle soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal.
Toutefois, le ministre de l’Économie a annoncé que ce taux réduit de 15% ne s’appliquera pas aux PME plus importantes, même si les sociétés bénéficiant actuellement de ce taux le conserveront.
II) Un objectif d’ajustement à la moyenne européenne
La réforme de l’impôt sur les sociétés annoncée par Bercy répond à un impératif de relance de l’investissement en France. Cet enjeu implique la nécessité d’intéresser les investisseurs et entrepreneurs par un régime fiscal et social plus clément. La mesure de diminution de l’impôt sur les sociétés de 33,33% à 25% constitue un instrument d’amélioration de l’attractivité territoriale française, l’objectif final étant que ce regain de compétitivité redonne à la France une place centrale sur le marché mondial.
Au cours de la dernière décennie, la quasi-totalité des pays européens a fortement diminué son taux d’impôt sur les bénéfices. Cette baisse de l’impôt sur les sociétés permet non seulement de faire face à la crise financière, mais facilite également une insertion européenne globale dans un marché mondialisé.
Le taux moyen d’impôt sur les sociétés à l’échelle européenne est de 23%. Avec un taux standard de 33,33%, la France se situe largement au-delà de la moyenne.
Toutefois, dans le cas où la réforme fiscale relative à l’impôt sur les sociétés aboutit avec succès à un taux de 25% en 2022, la France demeurera fortement concurrencée par nombre de pays européens, et plus particulièrement par les pays d’Europe de l’Est.
Le taux de l’impôt sur les sociétés a diminué de manière spectaculaire en Hongrie, ayant chuté à 9% depuis 2017. La Bulgarie, la Roumanie, la Pologne, la Russie et la Slovaquie sont également à citer, avec des taux respectifs de 10%, 16%, 19%, 20% et 21%. De son côté, le Royaume-Uni a poursuivi de manière drastique une dynamique fiscale déjà efficace. Depuis le mois d’avril 2017, le taux de l’impôt sur les sociétés a été abaissé de 20 % à 19%, devenant le taux le plus bas au sein du G20.
En outre, dans un contexte d’insécurité financière lié au Brexit, le premier ministre britannique Theresa May a annoncé une nouvelle baisse de l’impôt sur les sociétés pour 2020, qui diminuera de nouveau pour atteindre le seuil compétitif de 17%. L’objectif final du Royaume-Uni semble être d’aligner son régime fiscal en matière d’IS sur celui de l’Irlande, qui attire un nombre toujours plus important de multinationales avec son taux de 12,5%.
D’autres pays voisins de la France possèdent également des taux d’IS attractifs, tels que le Portugal (21%), l’Italie (24 %), l’Autriche (25%), les Pays-Bas (25%), l’Espagne (25%), le Luxembourg (29,22%) et l’Allemagne (30%). Seule la Belgique demeure dans une situation comparable à la France, avec un taux d’impôt sur les sociétés variant de 24,25% à 34,50% en fonction des bénéfices imposables de la société concernée.
Le principal inconvénient des mesures fiscales annoncées par Bercy réside dans l’impact budgétaire que produirait une baisse progressive de l’impôt sur les sociétés étalée sur cinq ans. En effet, le coût global de la diminution du taux de l’IS de 33,33% à 25% serait estimé à onze milliards d’euros. Les finances publiques seraient donc durement touchées par les baisses successives du taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises. Néanmoins, cette perte financière pourrait être largement compensée par une reprise de l’activité économique et un accroissement des investissements sur le territoire français.
Alliée au projet de suppression de l’ISF et au remplacement du CICE par une baisse de charges sociales pérenne, la baisse de l’impôt sur les sociétés serait bien susceptible d’inciter grandes firmes transnationales et investisseurs étrangers à domicilier une partie de leurs profits en France.
Nombre de critiques fusent afin de reprocher le caractère incertain et complexe de la mise en œuvre de ces mesures, ainsi que leur manque de lisibilité et de clarté juridique. La baisse de l’impôt sur les sociétés initiée par le précédent gouvernement pâtissait déjà de ces remarques.
Une harmonisation rapide de ces réformes fiscales semble souhaitable non seulement d’un point de vue juridique, mais également sous un prisme économique et social.
III) Une baisse de l’IS échelonnée sur le quinquennat
Il convient de remarquer que la réforme fiscale annoncée par le gouvernement est, à terme, plus ambitieuse que les mesures prévues par leurs prédécesseurs (dont l’aboutissement visait un taux de 28% en 2020 pour l’ensemble des entreprises).
D’où l’annonce par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire d’un nouveau calendrier prévoyant la trajectoire fiscale de la diminution de l’impôt sur les sociétés. Cette trajectoire de baisse tend à s’échelonner sur la totalité du quinquennat, afin d’éviter un choc fiscal de plusieurs milliards d’euros en l’espace de quelques mois.
Pour l’année 2018, la conservation du taux réduit de 28% pour les sociétés aux bénéfices inférieurs à 500 000 euros a été confirmée par Bercy. En revanche, la mesure instaurée par l’ancien gouvernement de hausse du seuil du chiffre d’affaires (de 7 630 000 euros à 50 000 000 euros) permettant d’accéder au taux réduit de 15% sur la fraction des bénéfices n’excédant pas 38 120 euros ne serait pas reprise par le gouvernement d’Édouard Philippe.
En 2019, le taux serait abaissé à 31% pour l’ensemble des entreprises. Le taux réduit de 28% resterait applicable pour les bénéfices inférieurs à 500 000 euros.
À partir de 2020, le taux de l’impôt sur les sociétés atteindrait uniformément 28%, sans considération de chiffre d’affaires et de bénéfices.
Cet objectif de 28% serait conforme aux prévisions de la réforme de l’IS initiée sous le quinquennat de François Hollande.
Toutefois, la diminution de l’impôt sur les sociétés poursuivrait son cours afin d’atteindre le seuil de 26,5% en 2021, puis le taux définitif de 25% pour l’année 2022.
Dans un communiqué de presse du 30 août 2017, la Confédération des PME (CPME) salue l’annonce de cette réforme. Réclamant de longue date cet alignement sur la moyenne européenne, la CPME affirme qu’« une telle mesure dopera les investissements et favorisera l’attractivité économique de la France. Il conviendra toutefois de l’inscrire dans une cohérence globale en l’articulant avec la transformation du CICE en baisse de charges pérennes de manière à éviter que l’augmentation prévisible de l’assiette imposable à l’IS ne se traduise par une augmentation du coût du travail ».
Cette mesure sans précédent confirme une trajectoire fiscale tendant à revaloriser le territoire français en donnant davantage de visibilité fiscale aux entreprises hexagonales. Néanmoins, le caractère complexe et incertain de la mise en œuvre des étapes successives d’abaissement de l’impôt sur les sociétés amène la CPME à déclarer que « ces incessants allers et retours fiscaux, honnis des chefs d’entreprise, démontrent plus que jamais la nécessité d’une Loi-cadre TPE/PME qui permettrait une bonne fois pour toutes de graver dans le marbre de la législature les mesures prévues en faveur de ceux qui font la croissance et l’emploi ».
Pour conclure, le contexte de crise économique et financière globale impose un impératif de compétitivité et de relance de la croissance au niveau européen.
Le taux de l’impôt sur les sociétés influence directement les PME et les grands groupes dans le choix d’implantation de leurs entreprises et de domiciliation de leurs bénéfices.
Or, avec un taux d’impôt sur les sociétés standard de 33,33%, la France se situe bien au-delà de la moyenne européenne, qui est de 23%. Ce seuil élevé incite les entrepreneurs et les investisseurs à fuir le territoire français, à la recherche d’un environnement fiscal et social plus favorable. À côté de ses voisins européens rivalisant de taux concurrentiels (les pays d’Europe de l’Est, l’Irlande et le Royaume-Uni présentant les taux les plus bas), la France ne peut plus prétendre constituer un incontournable sur le marché mondial.