L’assiette du permis de construire et la division primaire.

Par Emmanuel Lavaud, Avocat.

4011 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # division primaire # permis de construire # urbanisme # conseil d'État

Dans l’hypothèse d’une division primaire, le respect des dispositions du règlement du plan local d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existante à la date à laquelle l’administration a statué.

-

Dans l’affaire ayant fait l’objet de l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 novembre 2020 (n°421590), une société a obtenu un permis de construire tacite pour la réhabilitation et le changement de destination d’un bâtiment et la construction de deux bâtiments à usage d’habitation.

Ce permis de construire a été délivré le 11 décembre 2015.

Il a fait l’objet d’un recours gracieux, puis contentieux devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, avant d’être présenté devant le Conseil d’Etat.

Dans son dossier de demande d’autorisation, le pétitionnaire a indiqué au service instructeur que la portion de terrain sur laquelle seront construits les bâtiments à usage d’habitation fera l’objet d’une division ultérieure. Le mécanisme choisi par le pétitionnaire est donc celui de la division primaire.

La requérante, une SCI que l’on imagine être voisine du projet, reproche donc au maire de la commune de Nanterre d’avoir accepté de délivrer cette autorisation d’urbanisme en appliquant les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme à la fraction de l’unité foncière dont le pétitionnaire doit devenir propriétaire après division, alors que, selon la requérante, le respect des dispositions du règlement du plan local d’urbanisme devait être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existante à la date à laquelle l’administration a statué.

Le Conseil d’Etat fait droit aux prétentions de la requérante.

Pour comprendre son raisonnement, il faut tout d’abord rappeler les dispositions suivantes.

Aux termes de l’article L442-1 du code de l’urbanisme :

« Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ».

Aux termes de l’article R442-1 du même code :

« Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d’aménager : a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L231-1 du code de la construction et de l’habitation ; (...) ».

Enfin, aux termes de l’article R123-10-1, devenu R151-21, du code de l’urbanisme :

« (...) Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose ».

Le Conseil d’Etat nous rappelle qu’il résulte de ces dispositions que, par exception à la procédure de lotissement, la division d’une unité foncière prévue au a) de l’article R442-1 précité du code de l’urbanisme, dite "division primaire", permet à un pétitionnaire de demander et d’obtenir un permis de construire sur une partie de l’unité foncière existante alors que la division du terrain n’est juridiquement pas réalisée, celle-ci étant destinée à être accomplie après l’obtention du permis de construire.

Le Conseil d’Etat poursuit ses pédagogiques explications en indiquant que

« Eu égard à l’objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle destinés à occuper une partie de l’unité foncière existante, l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. Dans l’hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis modificatif, il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue ».

Il en résulte qu’en l’espèce, dès lors que le projet du pétitionnaire consiste bien à devenir ultérieurement propriétaire de la fraction de l’unité foncière existante, il s’agit bien d’une division primaire et le respect des dispositions du règlement du plan local d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existante à la date à laquelle l’administration a statué, le tribunal a commis une erreur de droit.

Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, et le permis de construire litigieux, sont annulés.

Cette question du terrain d’assiette à prendre en considération dans le schéma de la division primaire est donc enfin tranchée par le Conseil d’Etat, dans un arrêt qui publié au recueil Lebon.

(Conseil d’Etat, 6ème - 5ème chambres réunies, 12/11/2020, 421590, Publié au recueil Lebon).

Emmanuel Lavaud,
Avocat au barreau de Bordeaux
legide-avocats.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

6 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27842 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs