Administration et Collectivités Territoriales : quid de la médiation obligatoire (MPO) ? Par Jean-Louis Lascoux.

Administration et Collectivités Territoriales : quid de la médiation obligatoire (MPO) ?

Par Jean-Louis Lascoux.

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Explorer : # médiation obligatoire # administration publique # fonction publique # conflits administratifs

Pour des différends avec les administrations, sur l’ensemble du territoire, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a institué le recours à la médiation préalablement à la saisine du juge administratif dans certains litiges de la fonction publique et litiges sociaux.

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Publics concernés.

- Pôle Emploi et demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi ;
- Etablissements publics de coopération intercommunale ;
- Collectivités territoriales ;
- Agents de la fonction publique d’Etat et de la fonction publique territoriale ;
- Avocats ;
- Administrations ;
- Membres du Conseil d’Etat, magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, agents de greffe du Conseil d’Etat et des juridictions administratives.

La médiation obligatoire, une incitation à la liberté de décider.

Rien d’illogique. La médiation obligatoire est une incitation à l’exercice de la liberté de s’accorder, de s’entendre et de décider. Ainsi, ce n’est pas un contresens philosophique, comme le pensent et l’affirment de nombreux opposants, c’est surtout un contresens idéologique. En effet, à l’issue d’une médiation conduite de manière professionnelle, les parties trouvent une entente pérenne ; tandis que si elles s’engagent dans une procédure judiciaire, leurs pensées sont remodelées, leur expression est bridée et les parties sont placées sous la tutelle d’une décision tierce. Ainsi en va-t-il de l’illusion de la liberté d’ester en justice. Il est donc logique que le développement de la médiation ait ouvert la voie à sa mise en œuvre obligatoire.

La médiation est appelée à être généralisée.

D’abord considérée comme une hérésie, ensuite expérimentée, la médiation est désormais un recours obligatoire dans plusieurs contextes. Elle est appelée à encore plus être généralisée. Ici, pour les litiges avec les administrations, la médiation est devenue un recours préalable obligatoire (on parle de MPO), avant de saisir le tribunal administratif.

Une défiance concernant la médiation en raison de l’influence juridique.

Un article de la Gazette des communes du 18 février 2022 a livré des témoignages pourtant peu favorables. Les données officielles ne paraissent guère encourageantes et des représentants syndicaux sont défiants. Pendant la période expérimentale dans la fonction publique territoriale, sur 832 demandes de MPO, la moitié a été déclarée irrecevable ; 162 ont abouti à un accord.

« L’expérimentation a montré qu’à l’Éducation nationale les médiateurs ont cherché à dissuader les agents d’engager un recours devant le tribunal ».

Une expérimentation limitée par le juridisme.

Pourquoi donc ces médiations sont-elles considérées comme ayant été réalisées dans des « conditions opaques » ? De quel type de médiation s’agit-il ? D’évidence, la médiation pratiquée a eu une très forte dominante juridique. Les témoignages vont dans ce sens :

« Le droit de la fonction publique est complexe, explique Pierre-Yves Letheuil, suppléant Unsa au CCFP. Pour que la médiation puisse s’exercer convenablement, il est indispensable que le principe de « l’égalité des armes » inhérent à la notion de droit à un procès équitable soit respecté ».

Par ailleurs, l’insistance du rédacteur, pour le décret d’application, témoigne encore de la difficulté pour les promoteurs officiels de la médiation à s’approprier ce qui se pratique sur le terrain de manière opérationnelle. Il est question d’une sectorisation de la médiation vue comme une instrumentation par domaine de compétence, parfois encore plus sectorisé que le droit lui-même (éducation, pôle emploi…). Tandis que (insistons ici encore) la médiation professionnelle pose les choses en termes de relation, non pas prioritairement en termes de contexte contractuel, d’enjeux et d’intérêt.

Une mesure transitoire : l’assistance en médiation.

Pour accompagner cette forme juridique de la médiation, le dispositif a été aménagé, permettant aux agents de se faire accompagner (Art. R213-3-1). Il faut bien constater que c’est de la surenchère méthodologique. Et sous cette forme, on peut comprendre d’où proviennent les résultats mitigés vus plus haut.

Une confiance à créer pour la médiation professionnelle.

Il est clair que la confiance est à construire, voire à inventer. C’est ce à quoi les médiateurs professionnels, membres de la CPMN, s’emploient. Ils sont engagés par le respect du Code d’Ethique et de Déontologie des Médiateurs, le CODEOME. Avec leur technicité spécifique en ingénierie relationnelle, ils peuvent intervenir sur sollicitation des parties. Et si l’adhésion n’est pas acquise d’emblée, ils savent favoriser la création d’un contexte favorable à des discussions souvent considérées comme inimaginables. Ils proposent un processus structuré centré sur la relation, plus que sur des négociations inspirées de la conflictualité.

Les médiateurs professionnels pour la performance en médiation.

Le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 surfe sur une vague un peu curieuse où les médiateurs pourraient n’être que ceux considérés par l’Etat comme compétents, ce qui fait que l’Etat est juge quant au choix du médiateur, tandis qu’il est partie prenante. Cependant, cette limite ne vaut de manière très claire que pour l’éducation nationale et Pôle Emploi, deux institutions qui ont déjà des dispositifs de médiation interne. Les échanges arbitrés par ces médiateurs se limitent à des discussions sur l’application des règles et de la négociation.

Le droit n’apporte pas les repères adaptés à une entente renouvelée. Il consiste dans un procédé de gestion de l’affrontement, avec les échanges d’interprétation polémiques. Ce n’est pas la voie que l’on choisit pour initier, bâtir, développer une entente, surtout pour sortir d’un différend. Ainsi, avec ce référentiel, ce qui échappe à la discussion entre les parties relève de ce qui fait la réalité d’un différend entre des personnes : la relation, laquelle peut être reprise, rompue dans le consensus, ou aménagée de bien des manières.

C’est là la ressource créative que la médiation professionnelle offre de prospecter.

Où s’adresser et ressources.

- AlloMediateur.com (Administration) [1],
- Service Public [2],
- Démarches Ministère de l’Intérieur [3],
- Legifrance.

Jean-Louis Lascoux, auteur du Dictionnaire de la Médiation (ESF) ; Pratique de la Médiation Professionnelle (ESF) ; Médiation en milieux hostiles (ESF). Président du centre de recherche en entente interpersonnelle et sociale et ingénierie relationnelle - www.creisir.fr

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