Introduction.
La loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a organisé le transfert aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) de la compétence relative à la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion des zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire, sans condition de reconnaissance d’un intérêt communautaire. Il s’ensuit que depuis le 1ᵉʳ janvier 2017, ces autorités locales ont vocation à créer de tels espaces et à prendre en charge ceux déjà existants sur leurs territoires. De surcroit, ils doivent en assurer l’inventaire [2].
Les enjeux attachés à l’identification de ces zones dites « d’activité économique » (ZAE) sont donc particulièrement importants, d’autant que dans l’hypothèse où une zone serait, à tort, restée dans le giron communal, l’ensemble des actes passés à son égard pourrait se voir annuler pour incompétence, dans l’éventualité d’un contentieux [3]. Cette opération peut néanmoins être source de difficultés, dès lors que la qualification définitive de ces zones ne se trouve fixée par aucun texte, législatif ou règlementaire [4]. Selon le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), le gouvernement avait alors estimé qu’il n’était pas judicieux de les définir formellement, au motif qu’il était préférable de faire confiance à chaque intercommunalité compétente pour opérer cet effort de conceptualisation [5].
Une instruction en date du 8 décembre 2016 avait néanmoins cherché à préciser, par le truchement de critères cumulatifs, la définition spécifique des zones d’activité portuaire [6]. Elle fut cependant annulée par le Conseil d’État, au motif que son auteur, le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, n’était pas habilité à prendre une mesure réglementaire d’application de la loi [7].
Dans ces conditions, seule est envisageable une définition au cas par cas [8], selon des indices pertinents dont la teneur est librement fixée et appréciée par l’entité compétente [9], qui dispose ainsi d’une marge de manœuvre conséquente en la matière [10]. Il s’agit alors de tenir compte de divers éléments tendant à démontrer une volonté publique, actuelle et future, de développement économique coordonné, à l’endroit d’un espace géographique donné [11].
A la lecture combinée de la jurisprudence, de la doctrine - ministérielle et universitaire - mais également de la pratique des autorités locales concernées, il est possible de dégager une série de trois indices, tenant à la référence faite à la vocation économique de la zone concernée dans des documents administratifs (1), à la circonstance qu’elle résulte d’une opération d’aménagement assurée ou assumée par la puissance publique (2) et à celle qu’un tel espace agglomère, sur un territoire clairement délimité, un ensemble cohérent de plusieurs entreprises (3).
1. La référence faite à la vocation économique de la zone dans des documents administratifs.
Une ZAE correspond d’abord à un périmètre délimité géographiquement dans les documents d’urbanisme - ou à défaut dans les délibérations et autres décisions relatives à sa création, son extension et/ou sa gestion - de la collectivité considérée, lesquels font explicitement référence à la vocation économique dudit périmètre [12].
Il en va ainsi d’un espace, déterminé dans le plan local d’urbanisme comme étant destiné à l’accueil d’activités artisanales et industrielles, afin de créer des emplois locaux, tout en favorisant une mixité des activités, dans une zone essentiellement résidentielle. Dans ce cas d’espèce, le juge notait en outre que ce projet participait à pallier une insuffisance des zones existantes dédiées aux activités économiques dans ce secteur, eu égard aux demandes d’installation reçue par l’intercommunalité compétente [13].
Inversement, la qualification de ZAE a pu être écartée à l’endroit d’une zone prioritairement destinée à la réalisation de logements [14]. Sur ce point, il est intéressant de souligner qu’en cas de zones à vocation mixte, où coexistent plusieurs types d’activités, l’Association des Maires de France (AMF) propose de se rattacher à l’activité majoritaire pour identifier la zone, dans le sens où la notion de vocation principale (économie ou habitat) devra être retenue pour statuer [15].
2. Une zone ayant fait l’objet d’un aménagement assuré ou assumé par la puissance publique.
Une ZAE résulte ensuite d’une opération aménagement directement conduite ou à défaut financée par la puissance publique, dans le but de viabiliser le foncier puis de le mettre à disposition ou de le revendre à des acteurs économiques. Cette circonstance se traduit d’abord par des dépenses en investissement et/ou en fonctionnement, retracées à un moment donné dans le budget de la collectivité considérée. Elle s’exprime ensuite par la présence d’équipements publics (voiries internes, éclairage public, station d’épuration…) spécifiquement destinés à l’implantation d’entreprises [16].
Dans un arrêt en date du 25 avril 2023, la CAA de Lyon a ainsi pu retenir la qualification de ZAE à l’endroit d’un espace identifié dans un projet d’aménagement et de développement durables d’une communauté d’agglomération comme un secteur d’activité commerciale structurant pour le territoire communal concerné [17].
En creux, il se comprend que cette exigence d’un aménagement initié par un maître d’ouvrage public permet d’écarter les zones établies de fait, à la suite d’initiatives privées, à l’exclusion de toute intervention publique [18].
3. Une zone formant un réseau cohérent et continu d’activités économiques.
A l’instar de toute « zone », celle qui donne lieu à la réalisation d’activités économiques doit présenter une continuité et une cohérence géographique certaines. Cette double exigence se trouve clairement avancée dans différentes réponses ministérielles se prononçant spécifiquement sur les modalités d’identification des zones d’activité touristique [19], ceci pour évoquer l’idée que l’homogénéité de tels espaces concourt directement à leur attractivité [20].
Cet indice dédoublé est implicitement admis par le juge lorsqu’il retient la conformité d’un permis de construire relatif à la réalisation d’un entrepôt logistique de stockage devant se situer « en continuité ou en extension » d’une ZAE existante, par rapport aux documents d’urbanisme d’un territoire donné et notamment au SCoT exposant, par le truchement de son document d’orientation générale, l’objectif d’affirmer l’excellence industrielle dudit territoire et identifiant à cette fin des espaces dédiées à son développement économique [21].
Ces éléments traduisent le fait qu’une ZAE s’étend sur un périmètre géographique constitué soit d’une seule grande parcelle à diviser, soit d’au moins deux parcelles contiguës, sur lequel plusieurs entreprises se sont regroupées afin d’y exercer concomitamment leurs activités économiques respectives [22]. Ceci implique, à l’inverse, que les implantations isolées d’opérateurs marchands, tout comme les espaces sur lesquels un seul acteur se trouve installé, ne sont pas constitutives de telles zones.
Conclusion.
En synthèse, il convient de retenir les éléments qui suivent :
1. La notion de zone d’activité économique ne fait l’objet d’aucune définition normative précise.
2. Un faisceau d’indices permet toutefois de dégager un consensus pour qualifier une ZAE comme désignant le regroupement d’activités économiques sur un périmètre identifié dans un document administratif officiel et correspondant à une opération d’aménagement initiée par la puissance publique, traduisant la volonté de cette dernière de développer une action économique de façon coordonnée et cohérente sur son territoire.
3. Dans cette perspective, sont exclus, d’une part, les zones constituées de fait, sur la base du droit des sols, à la suite d’initiative privée et sans intervention publique, d’autre part, les implantations d’entreprises isolées, tout comme les espaces sur lesquels un seul acteur se trouve installé. Enfin et plus généralement, ne sont pas concernés les espaces qui n’ont pas, ou qu’accessoirement, une vocation économique cohérente et continue.