Il faut tout d’abord comprendre que la prose juridique est assez peu prolixe sur la saisie immobilière. Certainement que cette procédure, lourde et complexe dans sa mise en œuvre, n’attire pas les choux gras de la presse judiciaire. On peut toutefois s’étonner que même le Code des procédures civile d’exécution, qui en est pourtant la consécration, ne se targue que de quelques textes de Loi confinés au Troisième Livre, entre l’article L311-1 et l’article L334-1. Il faut en réalité y voir l’essence même de l’adjudication.
Son principe est simple : la vente d’un bien immobilier à la barre du Tribunal.
De ce fait, pas besoin de moultes principes légaux. En revanche, c’est bien sa pratique qui s’avère être un jeu délicat. Les textes règlementaires du Code des procédures civiles d’exécution en charge de sa mise en application sont quant à eux bien plus nombreux et plus précis. Le parcours pour provoquer la vente d’un bien aux enchères judiciaires s’avère alors tortueux et risqué. Une simple erreur de délais peut alors entraîner un incident de procédure et conduire à l’annulation de l’adjudication. Le créancier poursuivant se trouvera alors démuni et devra assumer les frais de procédure engagés inutilement. Alors, quand s’ajoute au droit de la vente forcée celui du droit de la copropriété…
Récemment, la Cour d’appel de Bordeaux est intervenue dans le droit de la saisie immobilière pour en rappeler un principe. Les conseillers étaient saisis en appel d’un litige sur l’opposabilité d’un bail civil consenti avant l’adjudication du bien. Il convient de rappeler que si les contrats de location sont opposables par principe à l’adjudicataire, l’exception veut, certainement pour éviter les manœuvres frauduleuses du débiteur saisi, que les baux concédés après le premier acte de saisie, à avoir le commandement de payer, sont inopposables au créancier poursuivant mais également au futur acquéreur qui pourra dès lors solliciter l’expulsion des occupants considérés comme sans droit, ni titre.
En dépit de cette règle, les conseillers de la Cour d’appel ont considéré qu’il était possible de déduire de l’attitude de l’adjudicataire une renonciation tacite à se prévaloir de l’inopposabilité du bail. En fait, cela signifiait que l’acquéreur, qui avait notamment signé un avenant au bail et notifié aux locataires un congé, ne pouvait par la suite prétendre ne pas être tenu par ce contrat dont il avait implicitement accepté les termes et sa reprise. Cette solution est évidemment liée aux circonstances de l’espèce et ne peut valoir principe général tant il est équivoque de déduire de l’attitude d’un futur acquéreur son acceptation [1].
Ceci étant dit, la Cour d’appel de Bordeaux a surtout excipé les subtilité de cette procédure qui doit notamment prendre en considération les contraintes d’autres régimes juridiques spécifiques dont le droit locatif mais également celui de la copropriété.
Alors, justement, comment doit-on appréhender la saisie immobilière d’un lot en copropriété ?
I. La saisie immobilière du point de vue du créancier poursuivant : le Syndicat des copropriétaires.
Il convient de toute évidence de débuter par lui. Effectivement, l’acte de saisie immobilière est extrêmement engageant pour celui qui le met en œuvre et le bon accomplissement de cette procédure pèse entièrement sur celui qui l’initie. Ainsi, le créancier poursuivant est l’unique responsable de la mise aux enchères du bien, peu importe que d’autres créanciers viennent se greffer à la procédure. Plus concrètement, il arrive parfois que le Syndicat des copropriétaires actionne une procédure de saisie immobilière et découvre, après le commandement de saisie, que d’autres créanciers, notamment bancaires ou fiscaux, vont bénéficier de cette procédure pour faire valoir leurs créances (cette situation existe aussi dans l’autre sens, par exemple quand la Banque est créancière poursuivant). Peu alors se poser la question de la poursuite de la procédure compte tenu des risques pour le Syndicat de ne pas récupérer l’intégralité de sa créance et des frais engagés, du fait de la concurrence avec d’autres créancier inscrits. Si toutefois le Syndicat des copropriétaires poursuit.
Le Syndicat des copropriétaires doit accomplir des préalables à la saisie immobilière : ces conditions sont à la fois propres à la mesure d’exécution forcée qu’est la saisie immobilière mais également particulières au droit de la copropriété.
De manière générale, pour pratiquer une saisie immobilière, le créancier poursuivant doit se prévaloir d’un « titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible » [2]. En d’autres termes, pas de saisie sans jugement. En copropriété, il s’agira la majeur partie du temps d’une condamnation judiciaire au titre des charges de copropriétés impayées.
En outre, il faut savoir qu’en matière d’exécution forcée le choix de la mesure par le créancier est en principe libre mais ne doit toutefois pas « excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement d’une obligation » [3]. Cela à son importance car en copropriété, contrairement au droit bancaire, les condamnations dépassent rarement les 15 000 euros et le Syndicat des copropriétaires aura tout intérêt à démontrer avoir épuisé d’autres voies de saisies, telle que la saisie-attribution sur les comptes bancaires ou la saisie des loyers et/ou rémunérations, avant recourir à la mise en adjudication, au risque de voir sa procédure invalidée par le Juge de l’exécution.
De manière particulière, pour pratiquer une saisie immobilière en copropriété, il faut d’abord être un Syndicat des copropriétaires représenté légalement par un syndic, professionnel ou bénévole. Autre particularisme du droit de la copropriété, la saisie immobilière, contrairement aux autres mesures d’exécution forcée, nécessite l’engagement d’une procédure judiciaire et donc une habilitation spécifique du syndic par l’assemblée générale des copropriétaires (Article 55 – Décret du 17 mars 1967).
Cette autorisation, loin d’être aussi simple que pour une procédure classique, doit porter sur : 1°) l’agrément de poursuivre une saisie immobilière sur un ou plusieurs lot(s) précisément désigné(s) ; 2°) la fixation du montant de mise à prix (correspondant généralement à la dette du débiteur saisi arrondie à 1 000 euros) ; 3°) la fixation de la dotation aux dépréciations pour créances douteuses, correspondant au montant de la créance estimée définitivement irrécouvrable ; 4°) le budget de la procédure de saisie (avocat, Commissaire de justice, frais de justice…).
Le Syndicat des copropriétaires doit respecter une procédure rigoureuse : au risque de répéter, la mise en œuvre de la procédure de saisie immobilière est particulièrement stricte. A ce titre, le Syndicat ne peut pas la poursuivre seul ou avec la simple assistance d’un Commissaire de justice. La saisie immobilière ne peut être conduite que par la postulation d’un avocat compétent dans le ressort du barreau de l’immeuble saisi (pas de multipostulation en la matière). En d’autres termes, une saisie judiciaire pratiquée à Bobigny ne pourra être exercée que par un avocat de Bobigny, quand bien même le jugement de condamnation à la créance du débiteur aurait été obtenu par un avocat parisien.
De même, les délais sont précis en matière de saisie immobilière. Ils circonscrivent chaque étape de la procédure et peuvent la frapper de nullité en cas de non respect. Par exemple, le commandement de saisie, qui constitue le premier acte, doit être assorti d’un délai de 8 jours, être publié au Service de publicité foncière dans un délai de 2 mois, au risque d’être frappé de péremption, et ne sera valable que 5 ans après sa publication. Pareillement, le Syndicat des copropriétaires doit procédé à la publicité de la vente dans un délai de 2 à 1 mois avant l’audience d’adjudication, dans les journaux d’annonces légales [4]. Aussi, pratiquer une saisie immobilière nécessite de suivre le rythme des délais afin de mener à bien à la procédure.
Une procédure qui est égrainée d’actes. Effectivement, de manière protectrice, l’accomplissement de la saisie immobilière impose au créancier poursuivant à accomplir de nombreuses démarches. A ce titre, après un commandement valant saisie immobilière, le Syndicat des copropriétaires devra dénoncer la saisie aux éventuels créanciers poursuivants, puis, à défaut de paiement du débiteur saisi, l’assigner à une audience d’orientation qui déterminera si le bien est en état d’être vendu et fixera la date d’adjudication. En parallèle, le créancier poursuivant devra réunir l’ensemble des diagnostics et documents d’urbanismes, le procès-verbal descriptif du Commissaire de justice, mais également, en copropriété, l’état des impayés, les trois derniers procès-verbaux d’assemblées générales…Tous ces documents devront êtres visés par le greffe du Tribunal (le Service des ventes et des sûretés judiciaires) et réunis avec un Cahier des conditions de ventes, publiés par la suite et à disposition des futurs acquéreurs potentiels.
Le Syndicat des copropriétaires devra distribuer le prix de vente : une fois l’adjudication accomplie, le Syndicat des copropriétaires aura en principe la charge de procéder à la distribution du prix de vente [5]. S’il est créancier unique, cela ne posera pas de problème. En revanche, en cas de pluralité de créancier, il devra respecter l’ordre des créancier et leur hiérarchie. A défaut d’accord amiable sur le projet de distribution, l’homologation devra se faire judiciairement.
A savoir qu’au-delà des créances hypothécaires (qui ont fait l’objet d’une hypothèque légale), lesquelles primes sur les créances de toute nature, le Syndicat des copropriétaires bénéficie d’un privilège spécial, autrefois appelé « super-privilège », qui lui permet de primer sur tous les autres créanciers, même bancaire ou de l’administration fiscale, pour les charges impayées de l’année en cours et des deux années antérieures [6]. Ceci est évidemment un instrument primordial pour un Syndicat des copropriétaires.
Les risques encourus par le Syndicat des copropriétaires : ce sont ceux d’abord de tout créancier poursuivant. A savoir un incident de procédure ou, même, un abandon de la procédure avant son terme avec le risque pour la copropriété d’assumer les frais d’une procédure inachevée. Il faut noter que ces frais sont souvent importants car ils impliquent l’intervention de nombreux prestataires (avocat, Commissaire de justice, publiciste, urbaniste…) mais également des frais fiscaux de publication.
Un dernier risque qui est assez méconnu est l’absence d’enchérisseur. Effectivement, à défaut d’acquéreur, le créancier poursuivant devient de droit adjudicataire. Ainsi, le Syndicat des copropriétaires devra s’acquitter du montant de la mise à prix (d’où l’intérêt de ne pas la fixer trop haute), mais également des droits de mutation et des émoluments de la vente.
II. La saisie immobilière du point de vue du débiteur saisi : le copropriétaire débiteur.
Considérant ce qui a été dit, il faut déduire que la complexité de la mise en œuvre de la saisie immobilière vise avant tout à garantir les droits du propriétaire saisi. Cette protection légitime a un revers : le débiteur saisi ne dispose pas d’une pléthore d’arguments de défense. En effet, le fond de sa créance a d’ores et déjà fait l’objet d’un jugement qui a revêtu l’autorité de la chose jugée, la légitimité de la saisie immobilière est en principe démontré par l’épuisement des autres voies d’exécution forcée, le montant de la dette justifie le recours à cette procédure. Toutefois, tout n’est pas perdu pour le débiteur saisi.
Le copropriétaire saisi peut se prémunir en amont de la saisie immobilière : et en réalité de toute exécution forcée. Si ce dernier fait face à une accumulation de dette importante, il est en droit de déposer un dossier de surendettement à la Banque de France. Ce dossier fera l’objet d’un examen approfondi et un plan de surendettement sera proposé au débiteur mais également aux créanciers, tel que le Syndicat, qui auront la possibilité de le contester lors d’une audience. Si le plan de surendettement est approuvé par la Commission avant la mise en œuvre de la saisie, toute mesure d’exécution forcée sera proscrite pendant deux ans. Toutefois, la mise en place d’un plan de surendettement a pour conséquence de priver le débiteur de ses moyens de paiement et de contracter un autre prêt. En outre, le non-respect de ce plan entraînera une déchéance du terme et le Syndicat des copropriétaires sera en mesure de reprendre son exécution forcée et donc une saisie immobilière.
Le copropriétaire saisi peut agir au moment de l’audience d’orientation : qui, pour rappel, est l’audience qui détermine si les conditions de la vente du bien sont réunies et détermine la date d’adjudication. A cet instant, le débiteur saisi peut demander la conversion de la saisie judiciaire en vente amiable. Il aura dès lors 4 mois pour justifier de la vente de son bien. Le Juge de l’exécution pourra lui accorder un délai de 3 mois supplémentaire seulement si cela pour « permettre la rédaction et la conclusion de l’acte authentique de vente » [7].
Il est en outre possible d’interjeté appel du jugement d’orientation [8]. Cette tâche est néanmoins ardue car la procédure d’appel est ici très spécifique : réduite à un délai de 15 jours, sans effet dévolutif et sous la forme d’une procédure à jour fixe. La Cour d’appel statue dans un délai d’un mois sans que cet appel ait un effet suspensif sur la vente forcée.
Le créancier peut interrompre la vente forcée à tout moment en soldant sa dette : c’est en réalité le meilleur moyen de défense. Jusqu’au jour même de l’audience d’adjudication, le bien n’est pas vendu. Il m’est arrivé même d’avoir un chèque de banque, remis à l’audience de vente aux enchères, réglant l’intégralité de la dette et les frais. Un désistement du Syndicat des copropriétaires poursuivant est totalement possible à ce moment. Ainsi, le débiteur saisi peut, s’il en a la possibilité, contracter un prêt ou solliciter une aide financière extérieure pour solder sa dette avant la vente de son bien. Il aura donc évité la saisie immobilière.
III. La saisie immobilière du point de vue de l’enchérisseur : le futur copropriétaire.
La saisie immobilière est évidement un triptyque mettant en scène le créancier poursuivant, le débiteur saisie et l’enchérisseur. Si ce dernier n’est pas a proprement parlé concerné par la procédure de saisie immobilière, son intervention doit être toutefois notée en ce qu’il conclut la vente aux enchères du bien. Un bref mot à son sujet n’est pas inutile.
Tout d’abord, toute personne majeur capable, sans antécédent judiciaire, en capacité d’acquérir, peut porter enchère. Il faut savoir que les annonces de ventes aux enchères se trouvent dans les journaux d’annonce légale mais également sur des sites internet spécialisés et auprès des avocats intervenant pour le créancier poursuivant. Justement, comme pour le créancier poursuivant, la personne qui souhaite intervenir à une audience d’adjudication doit se faire représenter par un avocat de barreau de lieux de vente (pas de multipostulation).
Lors de l’audience, l’enchérisseur doit se présenter avec un chèque de banque d’un montant correspondant à 10% de la mise à prix et supérieur à 3 000 euros, libellé à l’ordre du Bâtonnier séquestre, ainsi que d’un autre chèque de banque correspond aux frais de la vente communiqués avant l’audience, libellé à l’ordre de la CARPA. L’enchère est publique et devient définitive après l’écoulement d’un délai de 90 secondes après la dernière enchère. Une fois la vente définitive, dans les 10 jours qui la suivent, toute personne peut présenter une nouvelle offre supérieure d’au moins 10% et provoquer sur cette base une nouvelle enchère, dite « enchère au dixième ».
Une fois la vente finalisée, le dernier enchérisseur devient adjudicataire pur et simple du bien. Cela signifie qu’il ne bénéficie d’aucune condition suspensive et ne pourra pas se désister de la vente au motif de l’absence d’octroi d’un prêt. L’adjudicataire a dès lors 2 mois pour consigner le restant du prix de vente et les frais (environs 15% du prix de vente). S’il est défaillant, il devra payer des intérêts de retard au taux légal après les deux mois et si finalement il ne peut pas s’acquitter du prix, le bien sera remis aux enchères dans les 4 mois (dit « Folle enchère »). L’enchérisseur défaillant perdra donc la vente et devra s’acquitter des frais de la première vente, des intérêts de retard mais également de la différence entre le prix de la première vente et de la seconde, si le prix de la seconde est inférieure.
Une fois le prix consigné, le jugement d’adjudication et le cahier de condition de vente sont remis à l’avocat de l’adjudicataire qui procédera à sa publication et vaudra titre de propriété. Les clefs seront également remises à cette occasion. Il convient de préciser, afin de boucler la boucle, que la présence de locataires n’est opposable à l’adjudicataire que si le contrat de bail a été signé avant la saisie immobilière. Pour le reste et, notamment si le propriétaire saisi se maintient dans les lieux, une procédure d’expulsion devra être envisagée.