1. Les principes applicables à la peine de confiscation et aux saisies conservatoires :
La peine de confiscation :
L’article 131-21 du Code pénal, issu de la loi du 27 mars 2012, pose le principe selon lequel la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi mais également de plein droit pour les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an.
Cet article précise :
« La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.
Elle porte également sur tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime…. »
Les mesures conservatoires en vue de garantir l’exécution de la peine de confiscation :
Le Code de procédure pénale prévoit, aux termes des articles 706-141 et suivants, la possibilité de mettre en œuvre une saisie conservatoire pour garantir l’exécution de la peine complémentaire de confiscation.
Des dispositions communes à toutes les saisies sont ainsi prévues, puis, les dispositions applicables à certaines saisies, notamment les saisies de patrimoine (chapitre II), les saisies immobilières (chapitre III), les saisies portant sur certains biens ou droits mobiliers incorporels (chapitre IV)…
En pratique :
(i) au cours d’une enquête préliminaire ou de flagrance, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention par requête aux fins d’obtenir l’autorisation de saisir un bien dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du CP ;
(ii) au cours d’une information judiciaire, le juge d’instruction peut lui-même ordonner la saisie par ordonnance motivée.
2. La possibilité de saisir à titre conservatoire les éléments d’actif d’une société civile dont les associés sont susceptibles d’être mis en examen : Cass. Crim. 23 mai 2013 (12-87473) :
Les faits :
Une information judiciaire a été ouverte le 5 juillet 2010 pour des faits notamment qualifiés de fraude fiscale et blanchiment. Les faits concernaient pour l’essentiel des indivisaires dans le cadre d’une succession, étant précisé que la succession comprenait une société civile immobilière dont les héritiers indivisaires détenaient 99,55% des parts.
Le 30 juin 2011, la SCI a cédé l’immeuble dont elle était propriétaire au prix de 4M€.
Le 17 janvier 2012, le juge d’instruction a ordonné la saisie entre les mains du notaire instrumentaire d’une partie du prix de vente à hauteur de 3.982.000 €, « en tant qu’élément du patrimoine des indivisaires, susceptibles d’être mis en examen du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale… ».
La Chambre de l’instruction a limité la saisie à la somme correspondant aux avances consenties en compte courant par l’un des associés et ordonné la restitution du surplus au motif que les indivisaires n’avaient pas la propriété du bien vendu, qui appartenait à la société.
Un pourvoi a été interjeté par le procureur général contre cette décision, qui contestait que la saisie ait été limitée aux seules avances en compte courant d’un associé et qu’elle devait concerner la totalité du prix de vente. Le procureur général faisait valoir qu’en leur qualité d’associés, les indivisaires avaient tout pouvoir quant à l’existence et au patrimoine de la société civile immobilière, notamment en ce qui concerne les opérations de répartition des bénéfices ou des dividendes, étant précisé que la mesure a un caractère conservatoire et non définitif.
La position de la Cour de cassation :
Aux termes de son arrêt du 23 mai 2013, et au visa des articles 131-21 du CP et 706-148 du CPP, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a accueilli le pourvoi en précisant :
« Mais attendu qu’en se prononçant ainsi, alors que les héritiers indivisaires susceptibles d’être mis en examen du chef de blanchiment, qui détiennent 99,5% des parts de la société civile immobilière, ont le pouvoir de décider de l’affectation de l’actif net social résultant de la vente de l’immeuble de cette société, de sorte qu’ils ont la libre disposition de cet élément d’actif, au sens des articles susvisés, dans leur rédaction, issue de la loi du 27 mars 2012, la Chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé »
La Chambre criminelle de la Cour de cassation privilégie ainsi une approche pragmatique, en ayant une interprétation extensive de la notion de libre disposition du bien dont doit avoir la personne visée, qui lui permet ainsi de passer outre l’écran juridique constitué par la personnalité morale de la société propriétaire de l’actif et des fonds.
Il est à cet égard intéressant de relever les termes du communiqué de la Cour de cassation relatif à cet arrêt : « (…) la chambre criminelle, selon l’intention du législateur de 2012, ne s’arrête pas à l’écran de la personnalité morale de la société afin d’appréhender les véritables intéressés à l’affaire. »
Cette interprétation, outre qu’elle est contestable sur le plan juridique, risque toutefois de poser certaines difficultés en pratique dès lors qu’elle aboutit à une immixtion dans la gestion de la société (le produit de la vente aurait pu être affecté autrement qu’à une distribution aux associés). En outre, quid lorsque le ou les associés ne sont pas majoritaires ou ne disposent pas de majorité qualifiée/unanimité nécessaire pour décider par exemple de la vente de l’actif ?...