L’acheteur public dans le radar (hyper sensible) du délit de favoritisme.

Par François de La Michellerie, Juriste.

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Explorer : # délit de favoritisme # commande publique # transparence # Égalité de traitement

Du code pénal de 1791 de la période révolutionnaire au Nouveau code pénal actuel adopté en 1994, ce dernier se substituant lui-même au code pénal napoléonien de 1810 [1], toute la matière pénale qui en résulte se manifeste par son caractère d’ordre public.
Au contraire de la loi civile en partie supplétive, la loi pénale est donc impérative dans son ensemble. Et si certaines infractions ont traversé les âges ou voyagé dans le temps, telles que le meurtre ou encore le vol, pour protéger notre ordre social contre les "faiblesses ou les mauvaises tentations éternelles" de la nature humaine, d’autres aux côtés de ces grands classiques du droit pénal sont venues enrichir la matière en raison des nouvelles exigences morales de notre société moderne.

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C’est ainsi que la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, en application de son article 07, vient créer le délit d’octroi d’avantage injustifié dans le but vertueux de prohiber, entre le secteur public et privé, les ententes potentielles à l’occasion de procédures publiques d’adjudication des conventions de marchés publics et de délégation de service public [2].

A cette incrimination codifiée à l’article 432-14 du Nouveau code pénal avec une rédaction lacunaire de la part du législateur, désigné par l’ensemble de la doctrine et des praticiens sous le vocable de délit de favoritisme [3], s’opère subrepticement une anxiété grandissante liée au risque pénal quasiment omnipotent dans la formation de ces contrats administratifs du droit public des affaires. Ce n’est pas la qualification juridique faite par les juges répressifs de l’infraction qui en résulte, qui viendrait limiter le risque d’une condamnation pénale, car la définition de ses éléments constitutifs par les tribunaux demeure d’une sévérité certaine sinon d’une certaine sévérité.

1. Les principes fondamentaux du droit de la commande publique dans la protection de l’incrimination du « délit de favoritisme ».

Pour toutes les procédures d’achat public, quel que soit le montant estimé des prestations objet de l’achat public et de sa nature conventionnelle en tant que marchés publics ou contrat de délégation de service public, les grands principes de la commande publique s’y appliquent dans le but d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.

Ces grands principes fondamentaux qui gouvernent la commande publique sont les suivants :

  • L’égalité de traitement des candidats,
  • La liberté d’accès à la commande publique,
  • La transparence des procédures.

De plus si par principe la Constitution ne s’intéresse pas de prime abord aux régimes juridiques des marchés publics et des concessions, on ne peut ignorer que ces derniers demeurent toutefois dans l’influence du droit constitutionnel en raison, d’une part des grands principes ou objectifs consacrés par le juge constitutionnel [4], et d’autre part de la compétence du juge administratif à contrôler la légalité d’un acte administratif au regard de la constitution ou de ces principes à valeurs constitutionnels [5].

Cela étant précisé, on notera que seul le principe de transparence des procédures n’est pas repris par le texte de l’incrimination de l’article 432-14 du code pénal dont la lettre est rédigée comme suit :

« Est puni de […] le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession ».

Ce délit, parallèlement au champ d’application de ses éléments constitutifs qui visent à réprimer les atteintes à la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ou délégations de service public, renvoie donc inexorablement aux contraintes juridiques des règles de publicité et de mise en concurrence spécifiques à la commande publique qui prisent isolément, aux côtés des autres règles de principes essentielles à la matière [6], constituent l’atome juridique pour l’intérêt du sujet objet de la présente rédaction.

A) L’achat public et les prescriptions du code de la commande publique pour les obligations de publicité et de mise en concurrence.

Les formalités de publicité et de mise en concurrence sont des règles procédurales exigibles ou pas selon que la procédure d’achat public relève d’une procédure formalisée ou sans formalités préalables, et cela en considération d’un seuil de référence pour le montant estimé de la dépense envisagée.

Les procédures formalisées.

Un des aspects fondamentaux de la procédure de passation des marchés publics et des contrats de concession, c’est qu’en principe ils sont conclus après mise en concurrence [7].

Ce principe de mise en concurrence, qui résulte de la rédaction de l’article L3 du code de la commande publique en appelle à un autre principe consubstantiel, à savoir celui de la publicité en application de l’article du même code : le premier serait privé de sa substance par défaut du second.
Ces principes de publicité et de mise en concurrence, qui sont donc essentiels au respect de la légalité administrative des contrats de la commande publique, sont des principes corollaires aux principes de « Liberté d’accès à la commande publique, de Transparence des procédures et d’Égalité de traitement des candidatures ».
Tous ces principes cumulés, clairement distingués, sont destinés à recouvrir une seule et même exigence, à savoir celle que la concurrence doit être égalitaire pour tout candidat potentiel à la passation des contrats associés à la commande publique : la concurrence doit être ouverte et égalitaire. Les candidats potentiels doivent pouvoir y accéder librement et sans qu’aucune discrimination ne puisse être opérée entre-eux [8] pendant la procédure de passation mise en œuvre par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice [9].

L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 [10] et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 [11], qui ont portés une évolution notable de la réglementation de la commande publique à compter du 01 avril 2016 [12], transposent les directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014. Toutefois le droit de l’Union européenne ne s’impose qu’aux procédures de passation d’un montant supérieur aux seuils qu’il fixe [13].
Ce seuil, plancher pour la procédure formalisée mais plafond pour la procédure adaptée, est désormais codifié à l’article à l’article R.2124-1 du nouveau code la commande publique, entré en vigueur depuis le 01 avril 2019 [14].

Au-dessous des seuils susmentionnés, l’acheteur public est libre d’organiser sa procédure comme il l’entend mais toujours dans le respect des principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures [15].

Les procédures sans formalités préalables ou procédures adaptées.

A la lecture de ce qui vient d’être exposé, la logique en droit voudrait qu’on puisse alors affirmer qu’il n’existe pas de principe de mise en concurrence et de publicité applicable invariablement à toutes les procédures d’achat public et qui serait donc exigible à compter du 1er euro pour tout contrat de la commande publique.

Mais une telle analyse doit être nuancée et peut être critiquée à plusieurs titres.

D’abord il n’est pas perspicace d’apprécier la réalité d’une notion en considération du montant en jeu : une voiture reste une voiture qu’elle soit d’une faible valeur numéraire ou d’un prix onéreux à l’achat ! Et s’il n’y a que les marchés à procédure adaptée visées à l’article L2122-1 du code de la commande publique qui échappent formellement au principe de mise en concurrence et publicité, ces marchés relèvent cependant d’un contexte d’achat particulier où, soit la mise en concurrence s’est révélée infructueuse lors d’une précédente procédure d’achat, soit celle-ci paraît inutile en considération de l’objet et/ou de l’intérêt général ou encore en raison d’une situation d’urgence. A ces circonstances particulières d’achats, on pourrait dire que c’est l’exception qui confirme la règle.

Ensuite pour ce qui est des modalités de publicités en matière de procédures adaptées, non seulement toute publicité n’est pas forcément publication [16] mais en outre toute publication ne s’avère pas forcément pertinente en considération de l’objet de l’achat public [17].
Eu égard à la nature et à la consistance du mode de publicité retenue pour la procédure adaptée, le principe de mise en concurrence sera plus ou moins effectivement garanti ou pas. Or il ne peut y avoir de concurrence réelle lorsque celle-ci n’est pas d’abords ouverte à tout candidat potentiel, et en l’absence de publicité ou en présence d’une publicité réduite il y a forcément par ailleurs une restriction manifeste à la liberté d’accès de tout candidat potentiel à la commande publique.

Enfin et surtout s’il était admis avant l’entrée en vigueur du nouveau code de la commande publique que « il n’y a donc aucune obligation de mise en concurrence pour ces marchés, même si elle reste possible » [18], il n’en demeure pas moins que le principe de la transparence des procédures tout autant que celui de la bonne utilisation des deniers publics [19] militent à eux seuls pour une ouverture de toutes activités du marché concurrentielle à tous candidats potentiels.

Cela exposé il est indéniable que, pour la passation des contrats liés à la procédure adaptée, les principes de publicité et de mise en concurrence ne sont pas des règles de procédures opposables ou impératives, en application des articles L2122-1 & L2123-1 & R2123-1 du CCP. Mais si l’acheteur public se soumet volontairement à la procédure formalisée alors qu’il n’y soit légalement contraint, celui-ci doit absolument se conformer aux règles imposées par cette dernière. En pareil circonstances, un défaut ou un degré insuffisant de mie en concurrence et/ ou de publicité serait source d’illégalité dans la prévention du délit de favoritisme même pour un achat public d’une valeur estimé inférieur au seuil susmentionné [20].

En tout état de cause, l’absence de formalités substantielles et impératives de mise en concurrence par opposition à celles définies pour la procédure formalisée, n’exclut pas le respect de certaines règles aussi exigible à la procédure formalisé qui in fine participent de près comme de loin au respect des règles de liberté d’accès et d’égalités de traitement des candidats à la commande publique. Et c’est en particulier la méconnaissance des obligations relatives à la définition des besoins et aux choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, visés aux article L2111-1 & L2152-7 du NCCP, qui pourrait au demeurant constituer une transgression aux principes généraux de la liberté d’accès et l’égalité des candidats et, par voie de conséquence motiver la mise en œuvre de l’action publique.
En conséquence de quoi, nonobstant leurs sources formelles respectives et que l’achat public se rattache à une procédure formalisée ou sans formalités préalables, la nécessité de respecter les normes impératives relatives aux principes « de la liberté d’accès et de l’égalité » des candidats - dans les marchés publics et les contrats de concession - est une réalité juridique commune au code de la commande publique et au code pénal, même si le non-respect de ceux-ci entraîne des sanctions d’une nature juridique différente d’un code à l’autre. Ces règles du droit positif, faut-il le rappeler qualifiées de principes à valeurs constitutionnelles [21], s’appliquent donc à tout contrat de la commande publique qui ne saurait en déroger [22] au risque d’une condamnation pénale pour délit de favoritisme.

B) L’achat public irrégulier et la répression du délit de favoritisme.

La possibilité pour le juge administratif d’apprécier la légalité de l’acte administratif au regard de la loi pénal [23] n’est pas d’un grand d’intérêts puisque l’acte litigieux (le contrat ou l’acte détachable) pouvant être annulé par lui-même pour violation du droit de la commande publique, indépendamment de la (question) de la responsabilité pénale à la charge du juge répressif. Mais la condamnation pour délit de favoritisme est en partie sans influence sur la destinée de la procédure administrative de passation du marché public ou du contrat de concession.

Des faits litigieux communs pour des sanctions de natures différentes.

L’opération de qualification juridique de l’infraction tient uniquement du seul constat d’un manquement à une obligation légale ou réglementaire ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la liberté d’accès à la commande publique et au principe d’égalité entre les candidats, indépendamment de la nature de la procédure. Au juge administratif le pouvoir de sanction à l’égard des contrats administratifs lorsque la réglementation n’a pas été respectée, et le juge pénal ne saurait en prononcer l’annulation du contrat entaché d’illégalité par ces mêmes manquements, puisque cela serait contraire au principe de la légalité des peines [24]. Pour autant, depuis l’Arrêt Manoukian du Conseil d’Etat en date du 12 janvier 2011 [25], la jurisprudence administrative s’oppose en principe à l’annulation du contrat aux moyens des manquements aux règles de passation invoqués par les parties ou soulevés d’office par le juge [26], exception faite les cas où « eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise », commande l’annulation de celui-ci.

Incidemment à la violation des principes fondamentaux de la commande publique, au juge administratif l’annulation exceptionnel du contrat irrégulier pour sanction administrative, et au juge pénal la sanction pénale au travers de la condamnation pour délit de favoritisme après établissement de la culpabilité du prévenu.
Cette répartition de compétence exclusive, inhérente au dualisme de notre ordre juridictionnel, peut alors conduire à des situations cocasse où, une condamnation pénale au nom de la défense des intérêts de la société serait prononcée contre l’acheteur public mise en cause, avec cependant le maintien au nom de l’intérêt général du service public d’un contrat irrégulier [27].

Des interactions entre la sanction administrative et la sanction pénale.

Pour le raisonnement juridique la question essentielle est donc de savoir pourquoi, à partir d’une réalité juridique commune, constitutive de faits fautifs à double face pour le droit, à savoir la violation des principes fondamentaux de la commande publique, la reconnaissance d’une culpabilité en droit pénal peut coexister avec la perspective d’une purge apparente ou forcée par le juge administratif du titre juridique ayant servi de base à la condamnation du juge pénal ?
En théorie du droit déjà, la réponse est dans la raison qu’en droit pénal le délit de favoritisme est une infraction instantanée ou non continue et que la régularisation éventuelle du titre litigieux par le juge administratif n’efface pas le caractère délictueux des faits incriminés.
En outre pour la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, l’attribution du marché public ne constituant pas un élément constitutif du délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, qui est établi par la seule violation de la norme légale ou réglementaire fondamentale gouvernant la commande publique [28].
En toute logique juridique si "le marché proprement dit ne peut être considéré comme l’objet de cette infraction" et échappe donc à toute coloration pénale bien que n’étant pas blanc comme neige dans ses couleurs d’origines [29], une sanction administrative n’implique pas forcément la commission de l’infraction [30]. Néanmoins le délit de favoritisme pourrait constituer ou plus exactement conduire à une faute personnelle détachable du service [31].

2. Les éléments constitutifs de l’incrimination du « délit de favoritisme » et les grands principes généraux de la matière pénale.

Selon les prévisions de l’article 121-3 (alinéa 1er) du code pénal :

« il n’y a point de crime ou délit sans intention de le commettre ».

Si on fait abstraction des infractions matérielles relevant exclusivement de la matière contraventionnelle et dont l’imputabilité de la responsabilité pénale est pour ainsi dire quasiment automatique en l’absence de tout débat sur l’intention coupable, il en est autrement pour les crimes et les délits où le degré de la faute est évidemment plus élevé.

En conséquence de quoi pour les infractions d’une gravité certaine, délit ou crime, la question de la culpabilité et la démonstration de celle-ci sont de la plus grande importance pour les besoins de la répression en raison du principe à valeur constitutionnelle de la présomption d’innocence. Et l’intention coupable, devant être relevée pour les besoins de la répression, est pour l’analyse classique soit un dol général soit un dol spécial selon la nature du texte d’incrimination. Pour le délit de favoritisme la faute pénale requise est celle du dol général. Mais la jurisprudence criminelle qui en résulte, appelle quelques observations critiques, tant celle-ci laisse presque place à une sorte de présomption de culpabilité sinon d’intention pour la qualification juridique de ce délit dans son élément matériel et son élément moral surtout.

A) L’élément matériel de l’incrimination.

Selon l’article 111-4 du nouveau code pénal :

« la loi pénale est d’interprétation stricte » [32].

Il faut donc nécessairement s’interroger sur la nature des normes devant être qualifiées de celles qui ont ainsi pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession.

La violation nécessaire de toute règle relative aux contrats de la commande publique ayant pour objet les garanties « de libertés d’accès et d’égalité des candidats ».

Le champ d’application matériel du délit de favoritisme doit être distingué de l’élément matériel de l’infraction. C’est de la violation des normes du premier que sera ainsi constatée la matérialité du second, caractérisant l’acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession.
Avec l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 [33] et de son décret d’application n° 2016-360 du 25 mars 2016, le délit s’appliquait à tous les marchés publics ainsi qu’aux marchés de partenariat, et par la suite c’est la loi « Sapin 2 » [34] qui est venu intégrer les contrats de concession dans le champ de la prévention pénal dudit délit [35].
Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de la commande publique abrogeant subsidiairement les textes normatifs précités, le délit de favoritisme est donc à ce jour susceptible d’être qualifié pour l’ensemble des contrats de la commande publique et y compris les contrats de quasi-régie ou les contrats de coopération public-public [36].
Il va sans dire que les agissements susceptibles d’être qualifiés pénalement au visa de l’incrimination de l’article 432-14 du code pénal, sont alors d’une extrême variété. Le délit de favoritisme peut donc sanctionner tout manquement à toutes règles du droit formel et matériel garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats et ce, depuis la mise en œuvre de la procédure de passation à l’attribution du contrat [37], sans exclure les actes additionnels survenus pendant l’exécution de ce dernier [38].
Parmi une jurisprudence bien prolifique, où le risque pénal s’est traduit effectivement par une faute pénale caractérisée, il faut surtout retenir que l’infraction est consommée dès lors que c’est en connaissance de cause que l’auteur « des faits litigieux » ait contrevenu aux obligations législatives et réglementaires visées [39] et cela quand bien même l’’incriminé n’aurait pas eu l’intention de favoriser un candidat quelconque [40].

La cristallisation de la notion imparfaite de « l’avantage injustifié ».

Outre la violation des normes susmentionnées, la caractérisation du délit de favoritisme, au titre de son élément matériel, implique la réalisation d’une autre condition tenant au fait pour son auteur « de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage justifié ». Mais cette condition « d’octroi d’avantage injustifié » reste une notion quasiment abstraite sans autres précisions par la loi pénale de sa contenance.
Cette absence de définition d’un élément essentiel de l’infraction a révélé pour le juge répressif, dans son devoir de dire le droit, la nécessité de combler la rédaction résiduelle du législateur par une interprétation extensive de ladite notion. Et sous l’autorité de la Chambre criminel de la Cour de cassation, pour les juges du fond la notion d’avantage injustifié résulte nécessairement de la seule méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires gouvernants la passation des contrats de la commande publique, sans qu’il soit besoin et utile au fondement légal de leurs décisions de vérifier la réalité d’un tel avantage [41].
S’il est sûr qu’ils ne pouvaient en faire autrement au risque d’un déni de justice, il est tout aussi vrai qu’une telle solution n’est pas sans critique eu égard, d’une part à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi d’une manière général [42] comme du principe à valeur constitutionnelle de clarté de la loi pénale en particulier [43], et d’autre part en raison du risque d’arbitraire contre la personne incriminée. A ce propos gardons à l’esprit cette pensée de Benjamin Constant insistant avec raison sur l’idée que « L’arbitraire est donc le grand ennemi de toute liberté, le vice corrupteur de toute institution, le germe de mort qu’on ne peut ni modifier, ni mitiger mais qu’il faut détruire » [44].
Au paroxysme de cette extension du droit répressif, on citera pour exemple un arrêt pas très ancien de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 04 mars 2020 [45], venant à confirmer la condamnation d’un acheteur public en raison du non-respect ses « documents interne » valant « Guide pratique de passation des marchés » pour son propre ordre juridique interne [46].

B) L’élément moral de l’incrimination.

Pour le délit de favoritisme, comme déjà souligné, la faute pénale requise est celle du dol général. Toutefois la jurisprudence dominante en la matière semble particulièrement adoucir l’élément intentionnel de cette infraction en dépit des exigences de l’article 121-3 du nouveau code pénal, en vertu duquel :

« Il n’y point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

De l’existence d’un dol général (d’apparence suffisant).

La doctrine classique considère le dol général comme le noyau dur commun à toute infraction de type criminel ou délictuelle.
Quintessence de l’intention de nuire à la valeur sociale protégé par la loi, il peut alors se définir comme « la volonté en connaissance de cause de commettre un acte interdit par la Loi ».
La jurisprudence se contente pour le délit de favoritisme de la seule constatation d’un dol général, « c’est-à-dire le simple fait d’accomplir, en connaissance de cause, un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession » [47].
L’exclusion manifeste de la démonstration d’un dol spécial par le Cour de cassation, pour cette infraction intentionnelle, semble traduire une politique pénale de responsabilisation renforcée de tout acteur de la commande publique (élu national ou local et agent public des administrations publiques centrales ou déconcentrées) dans la charge des missions de service public qui leur incombe. Mais s’il est bien admis, au visa de l’article 06 de la déclaration de 1789, que la Loi doit être "la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse", il y a toutefois derrière cette matière du droit de la commande publique - où le risque pénal est accru - une multitude de personnes aux profils fort différents.
De l’agent public stagiaire à l’élu confirmé ou de l’agent d’une expérience significative à l’élu récemment investi de l’autorité du suffrage universel, la connaissance ou l’appréhension des textes normatifs n’est pas du même degré de perception selon les uns et les autres. De la sorte la consommation quasi-automatique du délit en cas de manquements prohibés interpelle au regard des principes à valeur constitutionnelle de la nécessité du délit et des peines [48], quand bien même la Cour de cassation invite les juges du fond à une motivation de la peine en considération de la personnalité du mis en cause [49].

De la nécessité d’un dol spécial (d’inspiration constitutionnelle).

L’établissement du dol spécial en comparaison du dol général, outre la dimension relative à la connaissance et à la volonté d’enfreindre à la loi, requiert la démonstration supplémentaire d’une intention spécifique d’atteindre l’intérêt protégé par la loi avec la recherche d’un résultat précis ou déterminé par l’auteur de l’acte. Ce dol spécial appliqué notamment aux infractions comme le meurtre ou le vol, présente comme avantage la perspective d’une répression adaptée à l’ensembles des circonstances qui puissent être rattachés au cas d’espèce de tout affaire criminelle ou délictuelle. Mais au cas particulier d’un procès pénal pour délit de favoritisme, si le juge répressif tranche ordinairement le litige conformément aux règles du droit qui lui sont applicables, les faits nécessaires à la qualification juridique de l’infraction dans son élément matériel sont en partie les mêmes que ceux retenus pour la qualification juridique de l’infraction dans son élément moral.

Dès lors pour les besoins de la qualification juridique des faits au regard de l’incrimination, s’opère alors comme une confusion ou un mélange des faits générateurs du droit entre l’élément matériel et l’élément moral de cette infraction : le constat de l’un au titre de l’élément matériel, à savoir l’octroi de l’avantage injustifié par la violation des normes visées, emporte presque ipso facto la démonstration de l’autre au titre de l’élément moral, à savoir l’intention coupable.
Cette réalité juridique de notre droit pénal est donc une bizarrerie juridique bien regrettable si l’on songe à l’exigence de précisions des infractions, et ce conformément aux principes de la légalité criminel et d’interprétation stricte de la loi pénale. Autrement dit si d’une manière générale la qualification juridique des faits par le juge est classée, selon une jurisprudence de la Cour de cassation, dans la catégorie des questions de droit, cette question de droit au cas précis du délit de favoritisme devrait alors - en cohérence avec le bloc de constitutionnalité - s’exposer plus sérieusement dans les termes suivants : le prévenu a-t-il sciemment méconnu les dispositions mentionnées à dessein de favoriser précisément un candidat déterminé ?

Avant de conclure, pour prohiber tous actes ou comportements contraires aux objectifs d’intérêt général de la liberté d’accès et d’égalité des candidats dans les contrats relevant du droit de la commande publique que sont les marchés publics et les contrats de concession [50], force est de constater que la loi pénale se préoccupe peu ou prou des certaines normes constitutionnelles propres à la matière pénale pour l’incrimination du délit de favoritisme [51].

Derrière cette incomplétude du législateur, aux préjudices potentiels des droits et libertés individuelles garanties par la constitution, se dresse en perspective une inconstitutionnalité possible de cette infraction délictuelle.
Dans la droite ligne de pensée de certains auteurs, il ne serait pas incongru de souligner qu’il y a alors un doute sérieux sur la constitutionnalité du délit de favoritisme [52].
Au-delà de l’intérêt du débat pour le monde politique et la science juridique, en cohérence avec la titraison de la présente note, on peut ainsi affirmer que l’acheteur public est assurément exposé au radar trop sensible du délit de favoritisme au carrefour du droit pénal des contrats administratifs.
Ce radar, à la croisée des branches du droit de la commande publique et du droit pénal, le flashant toujours à chaque inconduite et que celle-ci soit d’une légèreté factuelle ou témoigne d’une véritable volonté de nuire…

Pour conclure, en matière de condamnation du chef d’accusation du délit de favoritisme, le positivisme juridique de la Cour de cassation, mettant au centre de l’ordonnancement juridique la norme pénale du législateur codifiée à l’article 432-14 du code pénal, est d’une rigoureuse sévérité eu égards aux grands principes juridiques de notre état de droit.
Ce dernier devant être au service du citoyen dans le respect de ses libertés individuelles et dont la privation ne peut résulter que d’une faute pénale aux contours clairement définis pour les besoins de la répression. Une réforme plus que souhaitable en conséquence appelle à une modification des éléments constitutifs de l’infraction réprimée par l’article 432-14 du code pénal, pour lui en substituer une définition nouvelle, car ce délit est comme « une épée Damoclès » pour tout praticien du droit de la commande publique [53].

Si pour la prévention pénale cette mutation du droit en vigueur pourrait paraître comme un appel sinon un encouragement à une simple déresponsabilisation des acheteurs publics dans la chaîne complexe de l’achat public, la répression pénale qui en résulterait porterait néanmoins vers une politique pénale à la fois plus efficiente et plus juste incriminant surtout tout acheteur public qui se rendrait alors coupable de comportement d’une gravité certaine ou notoire aux regards des valeurs de la probité [54].
En échos à la maxime « Qui vole un œuf vole un bœuf » emprunté au fabuliste et poète français Jean de La Fontaine, illustrant son esprit des lois criminelles condamnant le vol, on pourrait ainsi avec anachronisme et non sans ironie se précipiter à répliquer la maxime suivante « Qui manque un œuf ne manque pas un bœuf » pour la répression du favoritisme dans la passation des contrats de la commande publique.

François de La Michellerie, Juriste.

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Notes de l'article:

[1Le premier code pénal français manifeste une rupture avec les institutions de l’Ancien Régime en reprenant tous les grands principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 issus de l’œuvre des révolutionnaires. Rejetant l’ordonnance criminelle de 1670 et l’absolutisme royal, la liberté individuelle devient le socle absolu du nouvel ordre juridique. Au nom de l’utilitarisme de la législation criminelle sont ainsi abandonnées la lettre de cachet (symbole de l’arrestation arbitraire) et les peines corporelles comme la marque ou la flétrissure. La procédure devient publique et contradictoire pour ce qui de la dimension du procès. Quant au code napoléonien, il manifeste un intérêt plus marqué pour la sûreté publique mais conserve les acquis révolutionnaires que sont les principes de la légalité des délits et des peines et de l’égalité de tous devant la loi ou encore celui de la non-rétroactivité des lois pénales.

[2Loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, parue au JO n° 4 du 5 janvier 1991.

[3C’est cette appellation du délit, incriminé à l’article 432-14 du code pénal, qui sera retenue le plus souvent pour les besoins du raisonnement objet de la présente note rédactionnelle.

[4Pour une approche complète en ce sens, voir Editions Dalloz/Constitution, contrats et commande publique, Laurent Richer, les Cahiers du Conseil constitutionnel 2012/4 (N° 37), pages 37 à 48. Dans le même ordre de sujet, voir aussi : Nouveaux cahiers du conseil constitutionnel n° 37 (dossier : le conseil constitutionnel et le droit administratif) - octobre 2012 ; Laurent Richer - Professeur de droit public, Avocat à la Cour.

[5Voir en ce sens : CE, Assemblée plénière - 26.638. Amicale des Annamites de Paris et sieur Nguyen-Duc-Frang.

[6Les autres règles de principe du droit de la commande publique dont le respect conditionne la légalité de la procédure sont les suivants : les obligations liés à la définition et à l’expression des besoins visés à l’article 2111-1 du NCCP ; la transparence des critères d’attribution avec pondération de principe ou exceptionnellement avec hiérarchisation visés aux articles L2152-8 & R2152-11/R2152-12 du NCCP ; le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse visé à l’article L2152-7 du NCCP et le rejet des offres anormalement base ou irrégulière prévues respectivement aux articles R2152-4 & L2152-1 du même code.

[7Parallèlement à ce principe du droit de la commande publique, la mise en concurrence s’impose aussi en vertu du principe de la liberté économique issue de l’ordonnance du 01 décembre 1986 à l’origine du droit de la concurrence. Ce droit de la concurrence qui prohibe d’une manière générale les pratiques anticoncurrentielles, trouve néanmoins à s’appliquer au droit de la commande publique aux cas particuliers des règles relatives aux rejets des offres dites « de couverture ou de complaisance « ne correspondant nullement à une véritable offre concurrentielle.

[8L’acheteur public reste néanmoins libre de fixer les critères et conditions destinées à la satisfaction de ses besoins (Fournitures-Services-Tavaux). Mais toute restriction ou spécification technique respectivement propres aux candidats ou au(x) marchés(s) doit être nécessairement liées à la bonne exécution du marché (en projet) pour être exclusive de toute discrimination.

[9Les pouvoirs adjudicateurs sont les personnes morales de droit public ou les personnes morales de droit privé poursuivant une mission d’intérêt général et financées principalement avec des fonds publics dans le but de réaliser des activités d’intérêt général. Les entités adjudicatrices sont les pouvoirs adjudicateurs ou les entreprises publiques ou les organismes de droit privé qui exercent une activité d’opérateur de réseaux dans les secteurs de l’énergie ou des transports. Toutefois pour le juge administratif dans sa formation suprême, « le contrat par lequel l’entité adjudicatrice confie à un tiers la gestion et l’exploitation du réseau, ne constitue pas une activité d’opérateur de réseau » ; (CE, 9 juillet 2007, Syndicat EGF-BTP, n° 297711). Dans un autre arrêt, le Conseil d’Etat estime aussi qu’un département qui souhaite confier à un tiers un service de transport scolaire ne peut se comporter comme une entité adjudicatrice (CE, 14 décembre 2009, Département du Cher, n° 33 052).

[10Cette ordonnance ouvrant la voie à l’élaboration de ce qui allait devenir l’actuel code de la commande publique avec pour effet immédiat l’abrogation de l’ancien code des marchés publics. La codification par ordonnance s’explique certainement par la nécessité de faciliter pour le gouvernement la possibilité de « légiférer » dans un domaine relevant, tant de la loi en application de l’article 34 de la constitution et notamment pour préserver le principe de la libre administration des collectivités locales, que du domaine réglementaire en application de l’article 38 de la constitution et ce pour les marchés ou concessions liés aux besoins de l’Etat ainsi que de ses divers établissements publics.

[11A sa publication ce décret comportait trois grandes divisions et c’est dans la première que se trouvaient les règles générales relatives à la définition du besoin, aux choix des procédures et de leurs modalités de publicité, aux jugements des offres et à l’attribution du marché, ainsi qu’à la définition de certains marchés spécifiques (les marchés de maîtrise d’œuvre, les marchés publics globaux, la conception-réalisation ou encore les marchés de performance.

[12En permettant ainsi aux acheteurs publics, d’avoir au préalable avec les opérateurs économiques des échanges pour une meilleure compréhension de leurs besoin et une meilleure connaissance de l’état du marché, ou en imposant l’obligation de prendre en comptes des considérations « d’objectifs de développement durable » dans la définition du besoin avec la possibilité d’en faire un lien dans les critères de sélection des offres, ou encore en prévoyant la faculté d’intégrer des labels liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution

[13Tous les deux ans, les seuils des directives européennes, sur les marchés publics et les contrats de concession sont révisés par la Commission européenne de manière à respecter les engagements internationaux de l’Union pris en vertu de l’Accord plurilatéral sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce (décision 94/800/CE du 22 décembre 1994, JOCE n° L 336/1 du 23 décembre 1994).

[14Après publication au Journal officiel du 5 décembre 2018 de l’ordonnance n°2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique et du décret 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire dudit code.

[15Déjà sous l’empire de l’ancien code des marchés publics (issue du décret 07 mars 2001) ces marchés sans formalités préalables étaient soumis aux principes généraux de la commande publique (CE, avis, 29 juillet 2002, société MAJ Blanchisserie de Pantin, n° 246921).

[16CE, 10 février 2010, M. Perez, n°329100.

[17CE, 7 octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, n°278732.

[18DAJ du MINEFI. TMP, mars 2002, n° 238, p.2. ; Dans le même sens, Rép. min. Finances, 21 janv.2002, n°1644, JOAN CR, 23 janv. 2002, p. 743.

[19Principe notamment à valeur constitutionnelle issue des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789 (Décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat).

[20Cass.crim. 04 mars 2020, n° 19-83.446.

[21Cons. const. 26 juin 2003, n° 2003-473 DC.

[22Voir pour exemple CE, 02 février, Unions des transports urbains et régionaux, n° 34.027.

[23CE, 09 nov. 1984, n° 49.123, Mme Laborde casteix, Rec CE 1984, p. 356).

[24C. pén., art. 111-3, al. 2 : « Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit ».

[25CE, 12 janvier 2011, Manoukian, req. n° 338551.

[26Au nom du principe « de la loyauté contractuelle » ayant pour équivalent l’adage plus courant à la matière civile et selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

[27Laquelle projection n’est pas à exclure surtout pour les contrats de concession de services publics de longue durée et dont la nécessité d’une nouvelle mise en concurrence, après annulation de la procédure, se révélerait préjudiciable pour la continuité du service public dans l’attente de la désignation du nouveau délégataire attributaire.

[28Cass. crim. 22 juin 2022, FS-B, n° 21-85.671.

[29Ainsi avant la réforme de l’article 4 du code de procédure pénal par la loi n° 2007-291 du 5 Mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale et, publiée au JO n° 55 du 6 Mars 2007, il aurait eu déjà un principe spécifique au délit de favoritisme à formuler comme suit : "le criminel ne tient pas l’administratif en l’état". En l’absence de cette étanchéité du droit, il serait contreproductif ou absurde de permettre que la violation d’une règle de droit ayant pour objet la formation d’un contrat puisse avoir pour effet son annulation à titre de sanction. Autrement dit, le vol ne peut avoir pour sanction la destruction de la chose volée !

[30Cass. crim. 6 janvier 2021, n° 20-80.508.

[31Voir en ce sens, CE 23 décembre 2009, n° 308160.

[32Ce principe sacrosaint à la matière pénal n’est évidemment pas, en raison des circonstances de l’espèce, un obstacle à la répression d’autres infractions connexes comme la prise illégale d’intérêt visé à l’article 432-12 du code pénal. Voir en ce sens, Cour de cassation n° 18-83025 du 17 avril 2019, confirmant la condamnation « d’un élu chef de l’exécutif » pour délit de favoritisme et de prise illégale d’intérêt. Voir aussi, Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 novembre 2019, 17-87.150, Inédit.

[33Transposant notamment la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux.

[34Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 ».

[35Sont concernées les contrats de concession de service ou de travaux (visées à l’article L.1121-1 du code de la commande publique et à l’article L.1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales) ou encore les concessions d’aménagement (visés à l’article L300-4 du code l’urbanisme).

[36Voir CJCE 18 nov. 1999, aff. C-107/98, Arrêt Teckal pour les marchés publics de quasi régie ou CJCE, 28 mai 2020, aff. C-796/18 pour les contrats de coopération public. Ces contrats sont désormais codifiés au code de la commande publique aux articles L. 2511-2 & L. 2511-6 pour les marchés publics, et aux articles L3211-2 & L3211-6 pour les concessions.

[37Participation d’un candidat à la définition des besoins (Cass. crim., 20 avril 2005, n° 04-83017) ; Rédaction d’un cahier des charges orienté (Cass. crim., 30 juin 2004, n° 03-86287) ; Communication à certains candidats des informations relatives à l’estimation du marché (Cass. crim., 23 mai 2007, n° 06-87898) ; Attribution du marché en considération d’un lien d’amitié et non pas en fonction des critères objectifs de sélection des offres (Cass. crim. 14 février 2007, n° 06-81924, Bull.).

[38Cass. crim. 29 juin 2011, n° 10-87498, Bull.

[39Cass. crim. 29 juin 2005, n° 00-84602.

[40Cass. crim. 14 janvier 2004, n° 03-83396, Bull.

[41Voir Cour de cassation, Rapport annuel pour l’année 2008, p. 151 : [la Chambre criminelle] « tend à considérer que l’avantage injustifié s’induit nécessairement de la violation de la norme légale ou réglementaire gouvernant la commande publique ».

[42Découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

[43Garantis par les articles 34 de la Constitution et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

[44Benjamin Constant, De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier, 1796

[45Cass.crim. 04 mars 2020, n°19-83-446.

[46Cet état du droit en appelle sérieusement à la critique eu égard par ailleurs aux prévisions de l’article 07 de la convention européenne des droits de l’homme stipulant : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international »

[47Voir pour exemples décisions précitées : Cass. crim. 14 janvier 2004, n° 03-83396, Bull ; Cass. crim. 29 juin 2005, n° 00-84602.

[48Pour une approche plus complète en ce sens, voir : Le principe de nécessité en droit pénal, Actes de la journée d’études radicales, sous la dir. de O. Cahn et K. Parrot, LEJEP, 2013, p. 17.

[49Cass.crim.15 mars 2017, n°16-83-838.

[50C’est à partir de la décision n ° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit) qu’il a été fait usage pour la première fois - par le Conseil Constitutionnel – de la notion de « droit commun de la commande publique » en tant que vocabulaire juridique et dont l’autonomie allait s’affirmer par la suite, comme une branche nouvelle du droit, aux travers des diverses décisions juridictionnelles et réformes législatives. Soulignons accessoirement au passage que le premier code des marchés a été institué par le décret n°64-729 du 17 juillet 1964 portant codification de textes règlementaires aux marchés publics. Dans sa rédaction d’origine, ce code nouveau était déjà mixte avec une partie législative et une autre partie règlementaire par suite des décrets du 28 novembre 1966 (D. n°66-887, 28 nov. 1966, JO 2 déc.) et du 17 avril 1989 (D. n°89-236, JO 19 avril).

[51Le droit de la commande publique s’est affirmé avec, d’une part les apports de la jurisprudence administrative et d’autre part la publication continue de divers textes législatifs et réglementaires sous influence du droit communautaire. Or cette évolution à droit constant implique une interface avec une incrimination de notre droit pénal quasiment statique après plus de 30 ans d’existence normative. La distorsion qui en résulte crée en conséquence un risque augmenté d’une censure juridictionnelle par le juge répressif en cas d’entorse à la loi pénale au périmètre d’une discipline juridique nouvelle aux interactions multiples. La commande publique se présente alors comme un droit particulier du droit de la concurrence, où d’une manière générale les agissements contraires aux intérêts d’une concurrence réelle et vertueuse demeurent sous l’emprise d’un droit pénal rigoureux.

[52Dalloz Actualité, Éditions du 20 Mars 2023, le droit en débats : Des doutes légitimes sur la constitutionnalité du délit de favoritisme, par Christophe Ingrain et Rémi Lorrain

[53Voir en ce sens l’article de Maitres Jean-Marc Peyrical, Avocat associé au Cabinet Peyrical & Sabattier Associés, Président de l’APASP, Association Pour l’Achat dans les Services Publics, sur le site e-marchépublic à l’adresse suivante : https://www.e-marchespublics.com/actualites/view/216.

[54L’exigence du respect d’une certaine morale publique est si fondamentale à la commande publique pour le législateur que ce dernier, n’a pas chercher semble-t-il à inscrire le délit de favoritisme dans la liste exhaustive des infractions susceptibles de faire l’objet d’une convention d’intérêt judiciaire d’intérêt public (CJIP), prévue l’article 41-1-2 du code de procédure pénale. Néanmoins il est regrettable que le ministère public puisse neutraliser l’action publique avec par exemple la dépénalisation de faits de corruption et non des moindres, alors que pour des faits moins antisociaux pour l’ordre public protégé par la loi pénale, une condamnation demeure toujours possible et non négociable à l’occasion seulement d’un simple manquement à une norme juridique ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats à la passation des contrats de la commande publique.
Cette asymétrie du droit de punir au regard de la gravité plus ou moins avérées des faits objet de la prévention, s’illustre particulièrement dans un récent arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, confirmant la condamnation d’un acheteur public pour délit de favoritisme et qui « n’était intervenu, ni en fait, ni en droit » dans la procédure de la commande publique (Cass. Crim., 7 septembre 2022, n° 21-83.121). Faut-il alors conclure pour moralité que d’une manière générale mieux vaut être pleinement licencieux qu’un peu insouciant en droit public des affaires ?

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