I - Lorsque les objectifs et les conditions de calcul de la prime d’objectifs n’ont pas été précisées par l’employeur la sanction pour l’employeur est radicale : le paiement du montant maximum de la prime au salarié (Cour de Cassation chambre sociale arrêt du 10 juillet 2013 n°12– 17 921).
Un salarié Directeur administratif et comptable sollicite judiciairement un rappel de salaire sur sa rémunération variable. L’employeur ayant mis fin à sa période d’essai de 3 mois, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de diverses demandes salariales dont le paiement d’un rappel de salaire sur rémunération variable.
L’employeur est condamné par la cour d’appel au paiement du montant maximal de la prime.
La Cour de cassation saisie du litige confirme l’arrêt d’appel au motif qu’ayant :« constaté que la part variable de la rémunération d’un montant maximum de 10 000 euros dépendait de la réalisation d’objectifs fixé unilatéralement par l’employeur, la cour d’appel en a exactement déduit que faute pour l’employeur d’avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables et en l’absence de période de référence dans le contrat de travail, que cette rémunération devait être payée intégralement ».
La jurisprudence clarifie les conditions de fixation judiciaire de la prime d’objectifs lorsqu’elle n’est pas fixée par l’employeur qui ne précise ni au salarié durant la relation de travail ni au juge en cours de procédure les conditions de calcul de cette prime : le paiement de la somme maximale prévue par le contrat est fixée à titre de rémunération annuelle variable.
La Cour de cassation s’est déjà prononcée sévèrement à l’égard des employeurs qui ne permettent pas au salarié de vérifier le mode de calcul de leur prime [1].
II - Confirmation et précision de la jurisprudence relative au droit au paiement de la prime d’objectifs du salarié quittant l’entreprise avant le terme de l’exercice (Cour de Cassation Chambre sociale arrêt du 13 février 2013 n°11 – 21 073 et 24 avril 2013 n° 11 – 22 151).
La question concerne la situation de nombreux salariés qui quittent l’entreprise avant la fin de l’année et s’interrogent sur l’obligation de l’employeur de leur verser ou non "prorata temporis" leur prime d’objectifs.
Dans la droite ligne du bon sens commun « tout travail mérite salaire » les juges ont déjà eu l’occasion de confirmer le droit du salarié à sa prime d’objectifs même si le contrat est rompu avant la fin de l’exercice, le juge étant compétent pour en fixer le montant "en fonction des critères visés au contrat et des accords des années précédentes » [2].
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation ajoute que c’est à l’employeur d’apporter la preuve que le contrat de travail stipule une clause imposant la présence du salarié dans l’entreprise au terme de l’exercice pour percevoir sa prime d’objectifs (la cour d’appel avait à tort renversé la charge de la preuve qu’elle estimait incomber au salarié) (arrêt précité du 24 avril 2013).
Dès lors et à défaut pour le contrat de travail de prévoir une clause de versement de la prime d’objectif subordonnée à la présence du salarié au terme de l’exercice le salarié a droit au paiement "prorata temporis" de sa prime d’objectifs :
« Mais attendu que la cour d’appel a relevé que le contrat de travail prévoyait le versement au titre de chaque exercice d’une prime annuelle en fonction de la réalisation d’objectifs et qu’il ne résultait d’aucune de ses constatations que le contrat subordonnait son paiement à la présence du salarié au terme de l’exercice [3].
« Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de sa prime sur objectifs pour l’année 2008 la cour d’appel énonce que le droit au paiement "prorata temporis" d’une prime dite d’objectifs à un salarié ayant quitté l’entreprise quelque en soit le motif avant la date de son versement ne peut résulter que d’une convention ou d’un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve ;
Qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants sans qu’il résulte de ses constatations que le contrat subordonnait le paiement de la prime dépendant de la réalisation d’objectifs à la présence du salarié dans l’entreprise au terme de l’exercice, la cour d’appel a violé les textes susvisés »,- [4].
III - Le calcul par les juges de la prime d’objectifs non fixée par l’employeur (arrêt précité du 13 février 2013).
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence de 2012 selon laquelle en l’absence de fixation par l’employeur de l’objectif pour l’exercice considéré, « il appartient au juge de déterminer le montant de celle-ci en fonction des critères visés aux contrats et des accords des années précédentes », à la condition toujours de principe que ces objectifs soient réalistes [5]
IV - L’employeur peut modifier unilatéralement l’objectif à atteindre par le salarié à la double condition suivante : que les objectifs fixés soient réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cour de Cassation chambre sociale arrêt du 2 avril 2014 n° 12 – 29 381).
« Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser certaines sommes à la salariée à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif et au titre de la prime d’objectifs pour les années 2008 et 2009, ...
Mais attendu que les objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ;
Et attendu qu’ayant relevé qu’il n’était pas établi que la salariée avait eu connaissance des objectifs fixés par son employeur ..., la cour a la cour d’appel a ...exactement déduit que la rémunération variable devait être payée intégralement ... ».
Cet arrêt confirme la précédente jurisprudence de 2012 [6].
A suivre...
Remerciement à Lucile Douchet.
Discussions en cours :
Bonjour Maître,
Est-ce qu’un mail de l’employeur précisant les objectifs, les primes associées sur la période concernée est suffisant pour valider juridiquement le droit à ces primes (aucune mention dans le contrat de travail) ?
Et si oui, un salarié peut-il demander le paiement intégrale des primes même si les objectifs associés ne sont pas atteints en raison de la suspension par l’employeur des objectifs pour raison économique ?
Bien cordialement,
Bonjour,
Suivant vos informations, votre prime résulte d’un engagement unilatéral de l’employeur qui peut y renoncer après avoir informé les représentants du personnel, informé individuellement chaque salarié (il s’agit d’une simple information n’exigeant pas d’accord du salarié en retour), le tout en respectant un délai de prévenance suffisant pour permettre d’éventuelles négociations.
Si l’employeur respecte cette procédure vous ne pourrez pas solliciter le maintien de votre prime d’objectif et encore moins son paiement à objectif non atteint. A défaut de respect de cette procédure, vous pourrez évoquer l’inopposabilité de la remise en cause de votre prime et en solliciter le règlement dans les conditions fixées par l’employeur.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
Bonjour,
Merci de votre retour.
Pour être plus précis, il s’agit d’un accord individuel entre un salarié et son employeur, qui est confirmé par mail au salarié, mais non intégré au contrat de travail.
D’où ma question sur la forme : un mail a-il une valeur contractuelle ?
L’autre question portait d’avantage sur le fond : quid du paiement d’une prime dans le cas où un employeur ne permet pas au salarié d’atteindre l’intégralité de ses objectif ? L’employeur est -il tout de même redevable de cette prime ?
Bien cordialement,
Bonjour Maître,
Avec grand intérêt j’ai lu vos commentaires.
Dans mon cas il s’agit d’une promesse d’embauche par email (que j’ai accepté par retour de l’email avec la mention "Bon pour accord") précisant entre autre le salaire, la date d’entrée et certaines conditions pour la partie variable (sans préciser les modalités de versement). En revanche, le contrat de travail que j’ai signé n’en comporte aucune mention.
En plus, pendant l’entretien annuel il m’a été confirmé oralement que la décision sur le versement et l’appréciation de la partie variable sera prise fin juin 2016.
Je n’ai reçu aucun compte-rendu de cet entretien, ni je n’ai signé aucun document lié à l’appréciation de l’atteinte de mes objectifs qui, d’ailleurs, n’ont jamais été formalisés.
Suis-je alors dans le droit de réclamer le paiement intégral de la partie intégrale ?
La partie variable, rentre-t-elle dans le cadre d’un mode de rémunération contractuel dès lors qu’elle a été précisé dans la promesse d’embauche mais pas dans le contrat de travail ?
Par exemple dans l’hypothèse, dès lors que les objectifs ont été fixés unilatéralement par l’employeur, ceux conditionnant le versement d’une rémunération variable ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié dès lors qu’ils n’ont pas été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cass. soc. 2 mars 2011, pourvoi n°08-44977) ?
Par avance merci de votre réponse.
Bien cordialement
Bonjour,
Un mail de l’employeur reconnaissant votre droit à une prime d’objectif constitue un engagement unilatéral de l’employeur ce qui rejoint les précisions apportées dans ma précédente réponse. La Cour de cassation a confirmé un arrêt d’appel qui avait jugé qu’un employeur pouvait évoquer des raisons économiques, à la condition bien entendu qu’ils soient jugés réels et sérieux, pour ne pas verser à un salarié la prime d’objectif qui lui est due. Ce n’est pas une jurisprudence constante mais sachez qu’elle existe néanmoins.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
Bonjour,
Dans le cas où coexistent une lettre d’embauche puis un contrat de travail postérieur, les clauses du contrat de travail prévalent. Dès lors si votre contrat de travail ne fixe pas de prime d’objectif, celle-ci ne peut pas être considérée comme contractualisée. La jurisprudence que vous citez n’est donc pas applicable à votre cas.
Judith Bouhana
Avocat à la cour
Spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
Bonjour maître
Je suis gestionnaire commerciale pour un laboratoire pharmaceutique depuis le 1er mars 2016 mon manager ma informé oralement sur les paliers de primes et sur les objectifs a atteindre mais en aucun cas sur la proratisation de primes. Par exemple je devais atteindre un tel objectif jusqu’au 13 avril e qui représentait 100% du chiffre donc le 2eme palier de prime et j’ai dépassé ce chiffre en atteignant le palier maximum de prime (650 pour 120% obj au lieu de 450€ pour 100% obj) et mon manager me dit que ces 650 euros sont divisés par 2 car l’objectif n’étais pas calculé sur 1 mois complet , que sur la moitié du mois donc c’est normal de la proratiser. Est ce exact maître ? Je vous remercie d’avance pour votre reponse
Bonjour,
Vous évoquez une prime fixée verbalement par l’employeur. Je vous suggère d’ores et déjà d’exiger un écrit et à défaut d’évoquer explicitement dans une lettre recommandée avec AR, à défaut un courriel toutes les conditions de la prime évoquée verbalement par votre employeur. A partir de là vous pourrez amorcer une discussion sur les conditions de fixation de votre prime et son paiement.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
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Bonjour maitre, je suis actuellement en cdi depuis bientôt 9 ans. Suite à la relecture de mes papiers je viens de m’apercevoir que dans mon contrat est stipuler que j’ai droit à une prime trimestrielle sur objectif, je n’ai perçu que deux fois cette prime( je m’en suis aperçu en regardant mes fiches de paye) et je n’ai jamais été convoqué ni informe de ces objectif, même si j’en ai perçu deux je ne c pas à quoi cela correspond car ce ne sont pas les meme montant. De plus un an après mon entrée dans l’entreprise j’ai eu une note remise en main propre stipulant qu’après 2 ans d’ancienneté je pourrais prétendre à diverse prime, prime sur le chiffre d’affaire global, prime de productivité et prime de non absentéisme. Je n’ai jamais perçu aucune de ces primes. Quel est la marche à suivre pour réclamer ces primes ? La note est elle valable ? Comment calculer le montant de toutes ces primes afin de les réclamer à mon patron ? Merci par avance de votre aide. Cordialement
Bonjour,
Vous bénéficiez d’une prime d’objectif dont le principe est fixé dans votre contrat de travail. Les conditions doivent être fixées en début de chaque exercice par votre employeur. Ces conditions doivent êtres claires, précises et rédigées en français, les objectifs doivent être réalistes. A défaut de respecter l’ensemble de ces conditions, les primes d’objectifs fixées peuvent être jugées inopposables au salarié et/ou celui-ci peut en solliciter le règlement auprès du conseil de prud’hommes.
La note que vous avez reçue fixant le principe d’autres primes conventionnelles est tout à fait valable et vous pouvez là encore revendiquer le paiement de ces primes auprès de la juridiction prud’homale qu’il vous appartient de saisir pour faire juger votre différend.
La prescription en matière de salaire est de trois ans à compter de la saisine du conseil.
Je vous suggère donc de prendre conseil auprès d’un avocat pour formaliser vos demandes.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
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Bonjour Maitre,
Je suis commerciale dans une entreprise et j’ai par conséquent une prime sur objectif avec un montant de chiffre d’affaires à réaliser. Cette année cet objectif a été augmenté de 65% et je n’ai a ce jour qu’une information orale du montant que je dois réaliser. Cette information m’a été donnée 5 mois après le début de l’exercice.
1) est ce bien ce montant qui est pris en compte dans le calcul de ma prime ou celui de l’année passée vu le délai ?
2) peut on estimer qu’ils doivent me verser l’intégralité de cette prime ?
Je vous remercie par avance pour vos éclairages.
Bien cordialement,
Bonjour,
L’employeur doit justifier d’une information exprès du salarié des conditions de fixation de sa prime d’objectif en début d’exercice. Informée oralement 5 mois après le début d’exercice ces deux conditions ne sont pas remplies. Il vous appartient de saisir le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître cette carence et solliciter la fixation maximale de votre prime d’objectif au regard de la jurisprudence précitée.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
bonjour,
Je suis monteur dépanneur poids lourd en pneumatique.
Comme le stipule mon contrat d embauche j’ ai droit à une prime sur objectif trimestriel collective en sus de la prime d’objectif minimum mensuel ( qui, celle ci est versé pour un montant de 30.49€).
Hors voilà bientôt 5 ans que je travail pour cette société et n’ai jamais perçu le moindre centimes comme d’autres ouvriers qui puis est !!
D’autre part on n as pas connaissance de l objectif a atteindre et si on l’as atteint ??? comment puis-je faire ?
Aussi j ai une 60ene d’heures supplémentaire non payé et non repris pour l instant, et sur ma dernière fiche de paie j ai une prime exceptionnel de 200€ que je ne sais pas a quoi elle correspond, un des chefs me dis que c est des heures supplémentaire payé ( parmi les 60) soit 20h mais quand on calcul sa ferait une rémunération de 10€ brut/heure ( je suis a 10,84 brut pour les heures dépassant 35h a 40h) c est pas marqué heures supplémentaires mais prime est ce normal ??
Puis-je aussi demander une prime supplémentaire liée aux conditions météorologique pour la période été et hiver ? car je suis toujours à travailler dehors qu’il fasse 40° et plus ou - 10° et plus d autant que l eau est pas fournie ni même une glacière et les tenues hiver ne sont pas approprié.
Demander une prime de risques également de manière mensuel ??? car nous sommes amener a travailler en bord de routes, 2x2 voies et autoroutes ce qui est très dangereux et aussi car on risque a tout moments de ce prendre une semi sur nous lié aux conditions de terrains ou du matériel défectueux signalé mais non remplacer. ( un collègue lui sait pris une moissonneuse sur le dos à cause du matériel et le terrain ).
Bonjour,
S’agissant de votre prime d’objectif contractuelle votre employeur doit vous informer chaque début d’exercice des objectifs annuels fixés qu’ils soient collectifs ou individuels, et des conditions de calculs de la prime qui doivent être réalistes. A défaut vous pouvez dans le respect de la prescription triennale saisir le conseil de prud’hommes qui jugera du montant dû par l’employeur pour rappel de primes d’objectif. S’agissant de votre prime qualifiée de prime exceptionnelle, l’employeur peut allouer au salarié des primes discrétionnaires dans le respect des principes de loyauté contractuelle, d’égalité salariale, non discrimination etc... Sauf à constituer un contournement frauduleux des règles applicables aux heures supplémentaires, la prime discrétionnaire qui vous a été accordée n’est pas en soit irrégulière. Pour toute vos autres questions je vous invite à consulter un avocat spécialiste en droit du travail qui procèdera notamment à l’analyse de votre contrat de travail, convention collective, accords d’entreprise.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
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