Les juges considèrent généralement qu’un salarié peut utiliser l’ordinateur mis à sa disposition sur son lieu de travail pour se connecter sur internet à des fins non professionnelles, lorsque cela reste dans les limites du raisonnable.
Le prononcé d’une sanction ne peut être justifié que si l’usage privé est abusif :
par son ampleur ;
par son objet inapproprié ou offensant des sites consultés.
Ces concepts étant assez subjectifs, l’appréciation certaine de la faute du salarié risque d’être délicate pour l’employeur. Des circonstances aggravantes peuvent être recherchées afin de caractériser la faute grave, comme la mauvaise foi du salarié qui cherche à cacher les traces de sa navigation.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé le 8 décembre 2009 que la seule conservation sur son poste informatique de fichiers pornographiques sans caractère délictueux ne constituait pas, en l’absence d’un usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié à ses obligations contractuelles. Il est nécessaire pour l’employeur de prouver que le stockage et/ou l’utilisation de ces fichiers ont affecté le travail du salarié.
Néanmoins, cette même Cour a jugé, le 15 décembre 2010, que l’irrespect de la charte de l’entreprise peut justifier un licenciement pour faute grave du salarié détenteur de fichiers pornographiques sur son poste de travail. La Cour a en effet considéré que la charte d’utilisation des outils informatiques et télécom qui avait été mise en place au sein de la société ne peut être ignorée des salariés. Ainsi, l’utilisation par un salarié de la messagerie électronique de l’entreprise pour la réception et l’envoi d’un nombre conséquent de documents pornographiques et leur conservation sur son disque dur constituait un manquement répété à l’interdiction posée par celle-ci et donc une faute grave de nature à justifier son licenciement immédiat.
Dans deux arrêts rendus le 10 mai 2012, la Cour de cassation est d’abord venu rappeler, sans surprise, que la consultation de sites pornographiques au travail et sur l’ordinateur de l’entreprise peut constituer une faute grave, lorsque cela a été réalisé pendant les heures de service, de manière répétée et au vu de tout le monde.
Puis, la Cour de cassation a jugé que le salarié qui avait utilisé l’ordinateur professionnel, de manière personnelle et abusive, pour consulter sur internet des sites à caractère pornographiques et propagé par la même occasion un virus, n’était pas fautif et ne pouvait être licencié pour faute grave. En effet, l’utilisation du matériel informatique professionnel en infraction au règlement intérieur était une pratique dans l’entreprise, qui existait même en l’absence du salarié.
Ainsi, bien qu’interdit par le règlement intérieur, si ce type de pratique n’est pas relevée ni sanctionnée par l’employeur, cela pourrait signifier que c’est autorisé – toléré - de l’employeur. En somme, regarder des sites pornographiques sur son lieu de travail peut être interdit sur le papier (le règlement intérieur ou la charte informatique) mais autorisé en pratique (lorsque la plupart des salariés le font sans être sanctionnés) .
En conclusion, nous vous recommandons, pour lutter contre ce genre de pratiques, de :
Prévoir une charte informatique afin de limiter les abus et utilisations à des fins personnelles du matériel professionnel. Celle-ci permettra de justifier un licenciement pour faute.
Rester vigilent relativement à de telles pratiques et contrôler, dans le respect des droits des salariés, les connexions internet ;
Prévoir un filtrage des noms de domaines, un filtrage en fonction du contenu et des associations de mots clés, puis un filtrage de bas niveau qui bloque par exemple des adresses IP au niveau du pare-feu. Cette combinaison peut être élaborée selon la politique de sécurité et l’usage d’Internet dans l’entreprise ; leur intérêt est qu’ils manifestent la volonté de l’entreprise de ne pas accepter ces pratiques.
Et de ne pas tolérer ces pratiques si vous souhaitez que votre charte informatique garde toute sa force juridique !