Recevabilité des conclusions de l’appelant.

Par Romain Laffly, Avocat.

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Explorer : # appel incident # recevabilité des conclusions # délai de procédure # cour de cassation

Une cour d’appel ne peut déclarer des conclusions de l’appelant irrecevables comme non notifiées dans le délai de l’article 910 du Code de procédure civile sans rechercher au préalable si ces conclusions répondent à l’appel incident de l’intimé ou si elles ne sont pas destinées au moins en partie à développer l’appel principal.

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Le 23 mai 2012, un appel est interjeté et l’appelant notifie ses conclusions le 3 août 2012, soit dans le délai de l’article 908 du Code de procédure civile. L’intimé conclu le 24 septembre 2012 en formant appel incident, soit dans le délai imposé par l’article 909 du Code de procédure civile. Le 5 décembre 2012 puis le 29 novembre 2012, soit bien après le délai de deux mois imposé par l’article 910 du Code de procédure civile pour répondre à l’appel incident de l’intimé mais avant la clôture prévue en janvier 2013, l’appelant notifie de nouvelles conclusions.

Sans égard au contenu des conclusions de l’appelant, la cour d’appel, sur déféré, déclare irrecevables les écritures de l’appelant qui ont été notifiées les 5 décembre et 29 novembre 2012 pour avoir été déposées postérieurement au délai de deux mois de l’article 910 du Code de procédure civile et ce alors même que l’intimé avait formé un appel incident.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel pour n’avoir pas recherché si les conclusions de l’appelant répondaient ou non à l’appel incident de l’intimé ou si elles n’étaient pas destinées au moins en partie à développer l’appel principal.
Peu d’arrêts de la Cour de cassation sont intervenus sur la question de l’appel incident et celui-ci vient pour la première fois clarifier une situation appréhendée de manière différente par les cours d’appel.

D’une part, cet arrêt permet de revenir sur la notion d’appel incident, source souvent de confusion. L’appel incident, qui doit être formé dans le délai de deux mois de l’article 909 du Code de procédure civile, est celui présenté par l’intimé, par voie de conclusions, lorsqu’il entend demander la réformation de la décision qui l’a déboutée d’une demande déjà présentée en première instance. Ce n’est donc pas une demande additionnelle en cause d’appel ou une prétention définie aux articles 565 et 566 du Code de procédure civile, laquelle est recevable même lorsqu’elle est formulée après le délai imparti par l’article 909 du Code de procédure civile.
D’autre part, cet arrêt devrait mettre fin à certaines interprétations de cours d’appel visant à sanctionner, de facto, le défaut de réponse de l’appelant à l’appel incident de l’intimé dès lors que ses nouvelles conclusions sont notifiées après le délai de deux mois prévu à peine d’irrecevabilité par l’article 910 du Code de procédure civile et ce, sans savoir si l’intimé a formé un véritable appel incident ni si l’appelant, à cette condition, a bien apporté une réponse à cet appel incident.

Par cet arrêt du 2 juin 2016, la Cour de cassation vient heureusement rappeler qu’il convient avant tout de savoir si l’appelant a entendu répondre à cet appel incident pour déclarer irrecevables ses conclusions notifiées au-delà du délai de deux mois. Cela est logique : si l’appelant entend répondre à l’appel incident de l’intimé, l’article 910 du Code de procédure civile lui impose de le faire dans le délai de deux mois à peine d’irrecevabilité relevée d’office mais, s’il n’entend pas y répondre, il peut conclure tant que la clôture n’est pas intervenue, la Cour de cassation ayant d’ailleurs rappelé que « dans la procédure avec représentation obligatoire en appel, les parties peuvent, jusqu’à la clôture de l’instruction, invoquer des moyens nouveaux » (Cass, avis, 21 janv. 2013, n° 12-00.018, Dalloz jurisprudence).

Cette position est d’autant plus logique que l’appelant ne voit pas toujours un intérêt à répondre à l’appel incident de son adversaire si, par exemple, la prétention adverse est plutôt formelle (demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dont l’intimé aurait été débouté par exemple) ou, comme souvent, s’il a anticipé, dans ses premières conclusions notifiées dans le délai de l’article 908 du Code de procédure civile, l’appel incident de l’intimé en revenant sur la demande dont l’intimé a été débouté.

Reste le point de savoir, face à une véritable réponse à l’appel incident hors délai de la part de l’appelant, quelle doit être l’attitude du conseiller de la mise en état : doit-il déclarer l’ensemble des dernières conclusions de l’appelant irrecevables ou seulement la partie de ses conclusions qui répond, hors délai, à l’appel incident ?
Bien que la réponse ne soit pas tranchée avec une certitude absolue par l’arrêt commenté, la seconde proposition de l’arrêt de cassation selon laquelle « ou si elles n’étaient pas destinées au moins en partie à développer l’appel principal » semble toutefois militer pour une possibilité de scinder les conclusions de l’appelant selon qu’elles répondent, en partie donc, à cet appel incident.

Ainsi, seuls les développements en réponse à l’appel incident devraient être écartés comme irrecevables s’ils n’ont pas été présentés dans le délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’intimé. Et l’argumentation, notamment celle relative à l’appel principal et donc à la réformation de la décision, resterait recevable et devrait donc être prise en considération par la cour statuant au fond.

Romain Laffly associé chez Lexavoue Lyon

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