- Thierry Wickers.
Thierry Wickers, Avocat au barreau de Bordeaux, Ancien Bâtonnier de Bordeaux, Ancien président de la Conférence des bâtonniers et du CNB, Responsable de la délégation française au Conseil Européen des Barreaux (CCBE) :
La profession d’avocat est une profession réglementée. Or depuis plusieurs années maintenant, cette réglementation est critiquée, car il lui est reproché de fausser la concurrence. De nombreuses dispositions, contenues dans la directive « services » sont applicables aux avocats. La directive prévoit aussi un processus d’évaluation des règles nationales, qui n’est pas encore achevé, mais dont l’actualité montre qu’il s’accélère. L’environnement réglementaire est donc susceptible d’évoluer considérablement dans des domaines comme la publicité, la territorialité, les formes d’exercice ou la présence des capitaux extérieurs.
En tant que profession intellectuelle, la profession d’avocat est également confrontée à la révolution numérique. L’intelligence artificielle, l’exploitation du « big data », les possibilités de fournir des prestations à distance créent un environnement nouveau et font apparaître de nouveaux acteurs qui proposent des modes de fourniture des prestations juridiques différents et peut-être plus pertinents, au moins sur certains segments du marché.
Les avocats vont devoir faire des choix stratégiques : ou ils décident de renoncer à répondre à la totalité des besoins et de faire une place à ces nouveaux entrants, ou ils adaptent leur offre, ce qui va faire surgir des pratiques et des cabinets très différents de ceux qui se rencontraient jusqu’à présent.
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- Anne-Lise Lebreton.
Anne-Lise Lebreton, Avocat au barreau de Paris, Présidente de la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats (FNUJA :
Nous sommes à une période charnière de l’évolution de notre profession. Il nous faut être ambitieux, pour nous et pour nos futurs confrères.
Il nous faut agir en entrepreneurs, répondre aux demandes nouvelles des justiciables (qui souhaitent s’investir plus dans le règlement de leur litige), faire face à la concurrence et nous adapter aux évolutions de la société (notamment au marché du droit sur internet).
Il nous faut passer de la défense de la profession à la conquête pour la profession. Etre courageux plus encore que protectionnistes. Défendre le périmètre du droit, dès lors que nous ne nous y enfermons pas, est essentiel, l’étendre l’est tout autant.
Les attaques nombreuses subies par la profession doivent devenir des moteurs. Elles doivent nous obliger à mieux communiquer sur le panel de nos compétences, sur nos savoir-faire, sur notre valeur ajoutée, ainsi que sur nos honoraires.
Elles doivent nous conduire à exploiter pleinement nos compétences et à nous positionner sur l’ensemble des marchés qui nous sont ouverts (Mandataire en transaction immobilière, mandataire sportif, Correspondant Informatique et Liberté, avocat fiduciaire).
Il nous faut également prendre toute notre place dans les modes alternatifs de règlements des litiges, et notamment de la Médiation, armés de l’acte d’avocat. Si nous ne le faisons pas d’autres professionnels, offrant des garanties moindre d’efficacité et de respect des droits des justiciables, eux, le feront. Nous devons aussi exploiter pleinement les outils numériques, pour rentabiliser notre activité, traiter le « petit juridique » et le « petit judiciaire », et pour nous faire connaitre. Le livre blanc de la FNUJA sur le « e-cabinet » est, à cet égard, un outil précieux pour les jeunes confrères.
Enfin, il faut mettre en oeuvre l’inter-professionnalité capitalistique et créer une inter-professionnalité fonctionnelle respectueuse de nos principes déontologiques, pour mettre fin à l’accessoire.
En résumé, nous devons refuser les discours de fermeture et de repli, nous devons être ambitieux et prospectifs, afin que l’Avocat soit présent partout où il y a du droit et que la grande profession d’avocat devienne une réalité.
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- Laurent Samama.
Laurent Samama, Avocat médiateur au barreau de Paris, Directeur de l’école du barreau entrepreneurial :
Je n’en choisirai qu’un mais il me parait fondamental.
Le défi d’une Nouvelle Image, d’une Nouvelle Communication 3.1.
S’il est indispensable au bon fonctionnement de nos institutions démocratiques, aux droits fondamentaux de la défense, pour autant la profession d’Avocat souffre toujours à l’égard du grand public d’une image troublée (alimentée par les fantasmes du cinéma, de la presse médiatique etc…) et les polémiques suscitées par le récent rapport de l’Inspection des finances concernant les professions libérales en sont la preuve et contribue à renforcer ces clichés.
Il y a donc un Grand plan de Communication pour la Profession d’Avocat à repenser en profondeur pour convaincre chaque citoyen, chaque justiciable, chaque Entreprise, chaque Collectivité, que son premier allié pour assurer ses droits, que ce soit dans le conseil ou la défense, reste son Avocat.
Si la profession d’Avocat a su structurer son cabinet, évoluer vers l’International, vers les modes de règlements alternatifs des conflits, vers le Conseil d’Entreprise, vers le Numérique, accepter la formation continue, et tout cela en moins de deux décennies, pour autant toutes ces nouvelles conquêtes et cette modernité restent encore méconnues du grand public et nous sommes, malgré nous mais parfois aussi à cause de nous, régulièrement renvoyés aux robes noires de Daumier.
Il ne suffit pas d’être indigné, en colère et trop souvent dispersé pour nous faire entendre : soyons unis et en ordre serré pour nous faire comprendre. Alors peut être qu’un jour, la profession d’avocat deviendra aussi populaire que celle de Pompier.
Car les Avocats savent aussi très souvent éteindre les incendies.
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- Pasacle Taelman.
Pascale Taelman, Avocat au barreau du Val de Marne, Ancienne Présidente du Syndicat Avocats France (SAF) :
Le défi permanent auquel est confronté l’avocat, c’est sa capacité d’adaptation aux nouvelles normes dans un monde mondialisé, dans lequel, quelque soit le domaine d’intervention, la seule législation interne ne suffit plus.
Une formation permanente d’excellence est un impératif absolu. La constitution de réseaux de compétence est indispensable.
L’avocat doit aussi ne pas perdre ses fondamentaux. A l’heure de la déréglementation forcenée, nous risquons d’y perdre notre âme ; il est nécessaire que notre profession et sa représentation ordinale et nationale ne cèdent sur aucun principe tels que l’indépendance, le secret professionnel, la confidentialité… autant de garants de notre déontologie, qui ne sont pas des privilèges, mais bien le rempart nécessaire contre l’arbitraire et le respect de l’état de droit.
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