I. Liminaires
L’eau est une substance liquide des plus répandues sur la terre. Plus de 70 % de la surface du globe est recouverte d’eau. Nous avions tous appris en maternelle et/ou à l’école primaire que l’eau est un liquide incolore, inodore et insipide. Ainsi, l’eau est très importante. Quand il n’y en a pas, c’est un problème et quand elle est sale aussi.
L’accès à l’eau est un droit que doit garantir tout État à ses citoyens. Mais il a aussi un coût. Que le pourvoyeur d’eau soit public ou privé, il s’agit cependant de garantir les droits des usagers. Le maintien d’un contrôle décentralisé et autonome est donc essentiel. Cette condition exige le renforcement des mécanismes de gouvernance. C’est aussi une pièce maîtresse de la prévention de conflits, à l’heure où augmentent les tensions autour de cette source de vie, soumise à une pression sans égale dans l’histoire de l’humanité.
L’eau est indispensable à la vie, dit-on ; ou mieux, Sans eau, il n’y aurait pas de vie ! Malgré son importance et son caractère souvent sacré, l’eau continue dans plusieurs coins et recoins du monde à être rare et souillée, dans les villes comme dans les milieux ruraux. C’est pourquoi l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution proclamant la période 2005-2015 Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », a préconisé une action concertée afin de diminuer de moitié, d’ici à 2015, le nombre de ceux qui n’ont pas accès à l’eau salubre ou à l’assainissement de base.
Dans cette perspective, la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) affirme à l’article 48 que : « le droit d’accès à l’eau potable et à l’énergie électrique sont garantis ». Voulant se rapprocher le plus possible d’un des volets des Objectifs du millénaire pour le développement, particulièrement celui se rapportant à l’accès à un grand nombre de la population à l’eau potable, le gouvernement de la RDC, au travers les ministères du Portefeuille et de l’Energie, a responsabilisé la Régie de distribution d’eau de la RDC (REGIDESO) pour réussir ce pari. Bien plus, c’est donc en toute logique que le volet « eau et électricité » se retrouve parmi les grands axes de « cinq chantiers » de la République énoncés par le Président Joseph Kabila, lors de son discours d’investiture le 6 décembre 2006.
Mais une question mérite d’être posé : La réalité sur terrain est-elle conforme aux dires ou déclarations ?
Non, car l’on assiste dans nos villes, cités et villages à une situation très alarmante : carence, démographie galopante, mésusages croissants et intensifs, pollution mettent aujourd’hui gravement en péril les ressources en eau. En dépit d’énormes potentialités énergétiques dont regorge la RDC, une bonne frange de sa population n’a pas accès à l’eau potable, surtout à l’intérieur du pays. Seule, une petite fraction de la population a accès à l’eau potable alors que la desserte en eau et en électricité constitue en elle-même un des indices du développement d’une nation.
Il est donc temps que le gouvernement s’en préoccupe au plus haut point, d’autant plus que le pays sera jugé sur des efforts qu’il déploiera dans ce secteur vital dans le cadre des objectifs du Millénaire.
II. L’Eau et les Questions autour de sa Gestion et de son Accessibilité en RDC
2.1. Le Silence des robinets en RDC ou Quand l’eau ne coule presque plus !
La population congolaise même au seul niveau des grandes villes comme Kinshasa, Kisangani voire Lubumbashi n’a pas suffisamment accès à l’eau potable. Les ménagères souffrent. L’eau ne coule des robinets que dans des heures indues de 2 à 4 heures du matin. Cela mettant en danger les femmes et filles qui cherchent à puiser l’eau à ces heures-là. Les habitants de la RDC –de la ville au village- en majeure partie, doivent parcourir des distances importantes pour aller chercher de l’eau salubre ou de l’eau (tout simplement) et près de la moitié de la population ne dispose pas d’un assainissement de base. Ceci a comme conséquence directe, la mort quotidienne des enfants suite aux maladies d’origine hydrique et/ou diarrhéiques.
L’on déplore de plus en plus en RDC, des cas des décès causés par le « silence des robinets » . C’est-à-dire, l’eau ne coule plus dans plusieurs quartiers, communes, villes du pays pendant des longs mois voire années. Comme si cela ne suffisait pas, certains abonnés continuent de recevoir des factures de consommation d’eau sans la consommer. Les chançards, il en existe, sont desservis tard dans la nuit (vers minuit) ou carrément très tôt matin (vers deux heures du matin). Il faut donc faire le guet à chaque instant pour s’approvisionner en cette denrée rare dans un pays qui dispose en effet, d’abondantes réserves : la pluviosité est importante à travers l’ensemble du territoire (plus de 1 200 mm par an en moyenne), le réseau hydrographique est l’un des plus développés au monde, la recharge annuelle des nappes représente des volumes d’eau sans commune mesure avec les besoins. Pourtant, seule une minorité a accès à une source d’eau propre (souvent éloignée).
Sans douche et sans eau potable voire sans toilettes, les Congolais se débrouillent comme ils le peuvent. Tenez, il suffit de se lever tôt le matin pour découvrir le calvaire des habitants de la ville de Lubumbashi, toute classe confondue. Des files des bidons jaunes ou jaunis par le temps et par les conditions de conservation défilent dans nos rues et avenues de Lubumbashi et d’ailleurs, en quête de cette denrée rare : l’eau ou si l’on a de la chance, l’eau « potable ». Tous sont présents et au rendez-vous : enfants, adultes, vieillards, filles, garçons, femmes, hommes, etc. Même les voisins de la Mairie ou du gouvernorat de province ne sont pas épargnés. Que dire alors des populations qui vivent dans les cités lointaines ?
Si l’argent le permet, des puits sont installés par les particuliers et/ou certains organismes. Heureusement qu’un député provincial essaie tant soit peu de soulager la population de Lubumbashi en lui offrant gratuitement des puits évitant à cette dernière des coûts astronomiques d’une telle installation. Cette eau, qui provient des nappes phréatiques, représente depuis un certain temps la principale source d’eau pour une grande partie des résidents ruraux et urbains de Lubumbashi. Toutefois, bien que les eaux souterraines constituent une provision d’eau potable inestimable pour l’humanité, elles peuvent être contaminées par la pollution et causer des dégâts.
N’aura pas donc tort, l’observateur -neutre soit-il- qui s’écriera face a cette situation : Quand le silence des robinets peut tuer !
2.2. Les problèmes actuels de la gestion d’eau en RDC
A. Quand le Sénat s’y implique : La Question orale sur la gestion et la qualité d’eau en RDC
La population est en train d’assister à des scènes qui dénotent d’une crise de gestion de la question « eau » en RDC. En effet, les Administrateurs (ADG) de la Société nationale d’électricité (SNEL) et de la Régie de distribution d’eau (REGIDESO), ont répondu le mercredi 26 novembre 2008, à la question orale que leur a posée le Sénateur Florentin Mokonda Bonza, conformément aux dispositions légales relatives au contrôle du gouvernement et des entreprises publiques par le Parlement.
Les deux mandataires ont expliqué aux sénateurs la gestion de leurs entreprises respectives concernant la production et la distribution de l’électricité et de l’eau notamment dans la ville de Kinshasa et dans la province Orientale. En ce qui concerne la REGIDESO, le Sénateur Mokonda Bonza fait observer à l’ADG, que l’eau produite dans ses usines de Kingabwa, de Binza, et de la Lukaya et destinée à la population n’est ni incolore, ni inodore, ni insipide suivant la définition apprise à l’école primaire. « En effet, votre eau est non seulement sale et colorée, mais surtout impure », a-t-il dit avant de poursuivre : « Votre responsabilité est engagée par rapport au taux élevé de morbidité et de mortalité de la population congolaise qui, heureusement pour vous, ne pense qu’à la sorcellerie comme cause de décès ».
Après les exposés de ces deux mandataires, les Sénateurs ont exprimé leurs inquiétudes quant la gestion de la SNEL et de la REGIDESO, deux entreprises d’Etat dont le rendement et la qualité de leurs produits sont loin de satisfaire les besoins de la population de Kinshasa et de toutes les provinces du pays.
B. Quand l’eau nous divise : Conflit entre la GECAMINES et la REGIDESO !
Le malheur ne vient jamais seul, dit-on. Comme si cela ne suffisait pas, un autre fait défraye la chronique ces jours et toujours en rapport avec la question d’eau en RDC. En effet, un jour après que le Sénat congolais se soit inquiété de la situation de la REGIDESO ou de la gestion de l’eau en RDC, un conflit surgit entre la Générale des Carrières et des Mines du Congo (GECAMINES) et la Régie nationale de distribution d’eau (REGIDESO), autour d’un projet de forage des puits d’eau à Lubumbashi.
En effet, La direction de la GECAMINES, a décidé de forer ses propres puits d’eau dans ses sites des villes de la province du Katanga. Un projet que la REGIDESO, est déterminée à combattre. Ce projet de forage des puits d’eau dans les sites de la GECAMINES a été décidé semble-t-il, par le Comité de gestion de l’entreprise et avalisé par son Conseil d’administration. Il a comme objectifs de palier le déficit de la desserte en eau par la REGIDESO et se préparer à affronter la crise financière qui n’épargne personne. Aussitôt dit, aussitôt fait : la GECAMINES est vite passée à l’action. Des engins sont déjà à pied d’œuvre en dépit des protestations de la REGIDESO.
Cette dernière oppose deux arguments principaux : Primo, la GECAMINES est débitrice de la REGIDESO pour un montant de 26 millions de dollars US. Et secundo, un arrêté du Maire de la ville de Lubumbashi rendu public récemment interdit tout forage en milieu urbain sans autorisation. Pour ces raisons, la REGIDESO se croit en droit de s’opposer au projet de la GECAMINES, étant donné que celui-ci marche sur ses plates-bandes. La GECAMINES de son côté entend concrétiser son projet et n’est donc pas disposée à se plier. En guise de représailles, la REGIDESO a coupé, depuis le jeudi 27 novembre 2008, la fourniture d’eau au domicile de l’Administrateur Délégué Général de la GECAMINES et annonce d’autres coupures aux domiciles d’autres cadres de cette entreprise. Un bras de fer est ainsi engagé entre les deux sociétés du portefeuille de l’Etat.
Sans chercher à savoir qui a tort ou raison, nous notons tout simplement qu’il sied de respecter le droit à l’accès à l’eau, garanti par la Constitution congolaise ainsi que les instruments régionaux et internationaux des droits humains. Toute action ou omission doit être respectueuse des directives du Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels qui a déclaré l’eau « indispensable à la vie et à la santé ». « Le droit de l’être humain à l’eau est donc fondamental pour qu’il puisse vivre une vie saine et digne. C’est la condition préalable à la réalisation de tous ses autres droits. »
III. De la Qualité et du Contrôle Sanitaire de l’Eau en RDC
Comme nous l’avons relevé supra, il semble qu’en RDC, l’eau destinée à la population n’est ni incolore, ni inodore, ni insipide suivant la définition apprise à l’école primaire. Ce constat amer émanant du Sénateur initiateur de la question orale précitée, veut tout simplement interpeller ou rappeler nos consciences sur le fait que l’eau produite par la REGIDESO est non seulement sale et colorée, mais surtout impure. (Incolore veut dire sans couleur, inodore veut dire sans odeur et insipide veut dire sans goût). Dans ces conditions, elle peut être dangereuse à la consommation et il est impérieux d’initier ou de renforcer des contrôles de potabilité afin d’éviter les graves conséquences sur la santé publique.
3.1. Quand « l’Eau nuit à la Vie », alors qu’elle en est la Source, dit-on !
Peut-on boire en RDC, l’eau du robinet en toute tranquillité ? Doit-on ou non éviter de boire de l’eau du robinet ? Ces questions reviennent chaque fois à l’esprit des consommateurs congolais et étrangers.
Il est certes vrai que depuis plusieurs années, nous pensons que l’eau du robinet est excellente pour la santé. Beaucoup de médias relayent cette information. Nous aimerions que ce soit le cas... C’est tellement plus pratique, et moins coûteux !
Mais, depuis un certain temps, il semble que cela n’est plus le cas. La confiance aveugle a laissé place au doute suite aux cas de pollution, intoxication, etc… Dans ces conditions, boire de l’eau du robinet peut être un geste dangereux. Les familles de la RDC et principalement de Lubumbashi dans la Commune de Kampemba, en ont fait l’amère expérience depuis un certain temps. Au mois de juin et juillet 2008 plus d’une famille a consommé une eau qui avait une odeur, un goût et une couleur bleuâtre ou violâtre, bref impropre à la consommation et qui a provoqué des malaises parfois très graves (vomissures, diarrhées, maux de tête, etc.).
Durant toute la période d’intoxication, la régie impliquée dans l’exploitation de l’eau potable ne s’était contentée que de dire que c’était un cas isolé et qu’un prélèvement d’échantillon avait été effectué pour une analyse fiable. Le gouvernement provincial par le biais de son Ministre en charge des infrastructures avait aussi corroboré la nécessité d’une analyse afin de tirer l’affaire au clair. Plus de 5 mois après, quels sont les résultats de cette analyse ? Quelles en sont les conclusions et solutions ? C’est le silence radio ! Il est donc malheureux pour la population de constater que le Gouvernement provincial, la Régie en charge des questions d’eau tout comme le Parlement provincial « en recréation » mieux « en vacances » sans pour autant avoir travaillé, ne le prend pas en considération.
Les problèmes de contamination se multiplient en RDC et pouvant rendre l’eau entièrement inutilisable. Dans de nombreux cas, la contamination n’est reconnue qu’après l’exposition des utilisateurs à des risques éventuels pour la santé. On a souvent supposé que les contaminants laissés sur ou sous un sol demeureront à cet endroit même. C’est malheureusement prendre ses désirs pour des réalités. L’eau souterraine disperse souvent les effets des décharges et des déversements bien au-delà du lieu de la contamination initiale. Les décharges, les fuites de réservoirs d’essence, les pertes de fosses septiques et les déversements accidentels ou l’infiltration des pesticides et des engrais des terres agricoles contaminent les sols. L’eau potable peut également être contaminée en entrant en contact avec certains produits et matériaux. L’eau est un solvant capable de dissoudre des substances métalliques et chimiques et d’autres produits circulant dans les tuyaux, raccords, robinets et autres matériaux de plomberie.
Les sociétés et entreprises minières et brassicoles sont souvent mises en cause dans les cas de pollution de l’eau en RDC et particulièrement dans la province du Katanga sans que ces affaires ne fassent mouche. L’impact écologique des activités minières est de plus en plus évident. Les polluants se rendent jusqu’à la nappe phréatique. Les grandes quantités de produits chimiques déversés dans les mines se retrouvent dans les nappes phréatiques. Ces dernières s’en trouvent contaminées. Les cours d’eau sont pollués par les déchets chimiques.
En effet, la population a encore à l’esprit l’affaire SOMIKA qui, en 2004, avait défrayée la chronique Katangaise voire nationale et puis plus rien. Les ONGs, la population locale et la Régie de Distribution d’Eau (REGIDESO/Katanga) s’étaient mobilisées pour réclamer la délocalisation de cette usine de traitement par hydrométallurgie des minerais de cuivre, de cobalt et d’hétérogénites sur le versant de la nappe aquifère alimentant la source d’eau de Kimilolo, déclarée depuis 2000, zone ‘non aedificandi’. Cette source fournit l’eau potable depuis 1952 à près de 70% de la population de la ville de Lubumbashi.
Quatre ans après, le Centre des droits de l’homme et du droit humanitaire (CDH) revient à la charge dénonçant la pollution de l’eau de consommation domestique à Lubumbashi et fustigeant le fait que toutes les tentatives de l’autorité provinciale pour délocaliser cette usine ont été et continuent d’être vaines. Cette ONG met à l’index les « exploitants » miniers tels que SOMIKA, SHEMAF et l’EXACO, et fait état de « l’existence de plusieurs cas de déformation congénitale constatés dans divers hôpitaux de la ville. Un phénomène qui serait une conséquence de la consommation d’une eau polluée » .
Face à cette situation, que font les actuelles autorités provinciales ? Rien dirait tout observateur neutre. Mais n’est-ce pas cela la triste réalité ? En effet, en rapport avec cette question de pollution par les sociétés minières précitées et dénonçait par le CDH, la Radio Okapi, rapportait il y a quelques jours, que « la Ministre Provinciale de l’Environnement du Katanga avait démenti que la SOMIKA polluait l’eau destinée à la consommation domestique. D’après elle, les pollueurs sont à la Brasserie et la population elle-même. Nous faisons un grand effort pour lutter contre cette pollution. Jusqu’à preuve du contraire, la nature de l’eau que je contrôle et que la REGIDESO fournit à la population ne présente pas les interférents venant de SOMIKA. SHEMAF a arrêté toute sortie de ses eaux vers l’extérieur. C’est déjà une grande amélioration... »
Que dire de plus face à cette défense -des présumés pollueurs- faite par la ministre qui est censée œuvrer pour le bien être de la population ? A-t-elle manquée l’occasion de se taire ? Les juristes renverront tout simplement Madame la Ministre à la maxime « nul ne plaide par procureur » !
3.2. De la nécessité de renforcer le contrôle sanitaire de l’eau en RDC !
Fort de ce qui précède, il sied de mettre l’accent sur le contrôle sanitaire de l’eau afin de parer a toute éventualité. En effet, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mis en place des normes internationales relatives à la qualité de l’eau sous la forme de directives qui servent de base à l’élaboration de réglementations et de normes dans les pays développés et en développement du monde entier. Une eau est dite potable quand elle satisfait à un certain nombre de caractéristiques la rendant propre à la consommation humaine. Dans cette quête de potabilité, un contrôle rigoureux doit être initié et effectué. Il semble qu’en RDC, c’est cela qui fait défaut.
Ainsi, la qualité de l’eau potable peut être soumise à deux types de contrôles, que son distributeur soit public ou privé :
* Un contrôle officiel, ponctuel, qui relève de la compétence des pouvoirs publics Il s’agit là du contrôle réglementaire fondamental ; qui peut porter sur l’ensemble du système de distribution : points de captage, stations de traitement, réservoirs et réseaux de distribution. Les échantillons d’eau prélevés aux différents points de contrôle sont analysés par des laboratoires agréés par le ministère chargé de la Santé. La nature et la fréquence de ces analyses sont fixées par arrêté du maire ou du gouverneur. Elles dépendent notamment de la taille de la collectivité desservie : plus celle-ci est grande, plus les contrôles sont fréquents.
* Une auto surveillance permanente par les exploitants de leurs services de distribution (régies ou sociétés déléguées). En RDC, cette auto surveillance doit être faite par la REGIDESO qui est une entreprise publique à caractère technique, industriel et commercial dotée de la personnalité juridique. Créée en 1939, elle est régie actuellement par les dispositions générales de la loi cadre applicables aux entreprises publiques et par ses propres statuts. Sa mission est d’étudier, d’installer et de gérer la production et la distribution d’eau à travers le pays. Mais, l’enjeu pour cette régie consiste à parvenir à mobiliser les immenses ressources en eau dont regorge la RDC, à assurer leur potabilité et à les distribuer à la population.
Il ne suffit pas de se limiter au contrôle de la qualité d’eau seulement, il faut également agir, en cas de pollution. Ainsi, que se passe-t-il quand l’eau ne respecte plus les exigences de qualité ? Le distributeur, (ici la REGIDESO), a une obligation d’alerte dès qu’il constate le non-respect des exigences de qualité. Il doit :
• Informer immédiatement le maire, le gouverneur, voire dans une certaine mesure le bourgmestre ;
• Effectuer une enquête afin de déterminer la cause de la non-conformité ;
• Communiquer immédiatement au bourgmestre, maire, gouverneur, les constatations et les conclusions de l’enquête.
En cas de dépassement des limites de qualité, il doit également prendre des mesures correctives pour rétablir la qualité de l’eau, « que le non-respect soit ou non imputable à l’installation privée de distribution ».
IV. Pour la réalisation du chantier « Accès à l’Eau Potable » en RDC et atteindre le 7ème Objectif de développement pour le Millénaire (ODM)
L’eau constitue avec l’électricité, des nécessités aussi bien pour la vie humaine que pour la vie économique. En effet, l’accès à l’eau potable et à l’électricité participe à l’amélioration des conditions de vie des populations ; il figure parmi les critères servant à mesurer le niveau de développement humain d’une communauté. Pour ce faire, le Président Kabila à travers les 5 chantiers, entend encourager l’accroissement de la production énergétique nationale ainsi que la desserte en eau et en électricité sur l’ensemble du territoire national, mais aussi l’extension des champs de production des hydrocarbures dans le bassin côtier, la cuvette centrale et le Graben.
Cette ambition exprimée à travers le chantier “eau” rencontre le 7ème ODM qui est celui de réduire de moitié la proportion de personnes sans accès à l’eau potable. Cet objectif est particulièrement important dans la mesure où il influence la réalisation d’autres objectifs, en particulier ceux qui portent sur la santé. La RDC parviendra-t-elle à atteindre cet Objectif ? Pour le faire, la part de la population ayant accès à l’eau potable devrait passer à plus de 75%.
Malheureusement, le pays en est loin. L’accès a été réduit au cours des années de crise – et se situe donc aujourd’hui en dessous du niveau de 1990. La situation est aggravée par les déplacements de population, qui ont souvent entraîné une croissance rapide des centres urbains, sans que les infrastructures ne puissent être développées de manière parallèle. De plus, les constructions anarchiques, qui sont à la base des phénomènes d’érosions par manque de voirie et d’assainissement, exposent les canalisations aux multiples dangers provoquant des fuites répétitives. Face à ce tableau quasi sombre que présente le pays dans la desserte en eau potable, il semble être difficile pour la RDC d’atteindre cet objectif.
Renverser cette tendance implique de mettre sans attendre les bouchées doubles. L’engagement pour l’eau potable et l’assainissement réclame les forces unies des acteurs de la société civile, du secteur public et du secteur privé. Si nous ne remplissons pas le contrat fixé par l’Objectif du Millénaire numéro 7, nous manquerons aussi la cible des objectifs liés à la santé, l’éducation, l’environnement et la pauvreté.
C’est pourquoi il est temps que nombre de projets des gouvernements locaux, de communautés, d’ONGs aient pour buts l’extension de l’accès à l’eau potable en quantité et qualité suffisantes et la garantie d’un assainissement et d’une gestion des déchets adéquats. Dans la réussite de ces objectifs, l’amélioration de la durabilité des services existants joue déjà un rôle très important. Un entretien insuffisant et une gestion défaillante des systèmes de distribution d’eau et des installations d’assainissement provoquent beaucoup de gaspillage et une pollution accrue du milieu. Pénurie d’eau et accès réduit et inéquitable entraînent à leur tour des problèmes de santé publique et des conflits.
V. Que conclure ? L’eau potable et saine, une responsabilité partagée !
Une eau potable saine est la responsabilité de chacun. La gestion appropriée des approvisionnements en eau potable, de la source d’eau au robinet du consommateur, exige beaucoup de connaissances et de coordination de la part des divers intervenants - qu’il s’agisse des gouvernements, des entreprises et des populations concernées.
La meilleure façon d’assurer la propreté, la salubrité et la fiabilité des approvisionnements en eau potable consiste à suivre une méthode de gestion des risques axée sur la prévention. Il faut pour cela comprendre chaque approvisionnement en eau, de la source d’origine dans la nature jusqu’à son point de destination, le consommateur. Sur son parcours jusqu’aux consommateurs, que nous sommes, l’eau potable peut se contaminer de diverses manières, dont certaines sont connues et d’autres, prévisibles. Pour ce faire, il sied que la gestion des approvisionnements en eau potable soit fondée sur une gestion des risques basée sur la prévention, dans le cadre de laquelle tous ces dangers connus ou possibles sont identifiés afin d’assurer la mise en place de barrières pour réduire ou éliminer le risque de contamination. C’est ce que l’on appelle ‘l’approche à barrières multiples’ qui doit être recommandée en RDC.
Au lieu de tourner au ridicule en faisant semblant de maîtriser la situation de l’intoxication et/ou pollution de l’eau à Lubumbashi, il sied que le Gouvernement provincial (Ministre des Infrastructures ; Ministre de l’Environnement et le Ministre de la Santé), le Parlement provincial à travers ses commissions, la Régie de distribution d’eau du pays et toute personne physique et /ou morale intéressée sachent comment le programme de gestion de l’eau potable fonctionne. Les autorités en place doivent avoir des points de repère pour la qualité de l’eau, lesquels doivent être présentés sous la forme des recommandations pour la qualité de l’eau potable par une commission spécialisée et publiées par le Ministère de la Santé au niveau provincial et/ou national. Grâce à ces recommandations, l’eau potable peut être analysée à divers points de son parcours pour vérifier si elle peut être bue sans danger.
Ainsi, toute gestion ou toute politique d’accès à l’eau en RDC doit viser à assurer l’utilisation de l’eau la plus efficace et la plus durable possible, la protection des ressources de toute pollution et la reconnaissance du droit à l’eau pour tous les êtres humains. Il inclut la planification et le management des fournitures en eau potable, l’accès aux services d’assainissement et une provision d’eau suffisante pour la production. C’est à ces conditions, que la population sera mise à l’abri et réellement, l’eau sera une source de vie et non de mort !
Prof. Maitre YAV KATSHUNG JOSEPH