Prêt Relais : entre un taux élevé et une durée incertaine, la prudence s’impose.

Par Bernard Rineau , Avocat et Alexey Bilyachenko, élève-avocat.

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Explorer : # prêt relais # taux d'intérêt # durée incertaine # risques financiers

Le prêt relais peut constituer un instrument précieux dans le financement d’un projet immobilier. Cependant, avant de choisir d’utiliser cet outil, il est nécessaire de prendre en considération certains risques inhérents à ce type de prêt.

Le fonctionnement d’un prêt relais présente des spécificités même dans l’hypothèse où tout se déroule sans incidents (1). Cependant, étant donné les risques inhérents à ce type d’opération, il n’est pas inutile d’envisager les incidents juridiques qui peuvent surgir jusqu’à la date de remboursement (2).

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I- Un prêt relais : pourquoi et comment ?

Si l’on envisage d’acheter un nouveau bien immobilier, en finançant l’acquisition par la vente d’un bien que l’on possède déjà actuellement, il est possible, en théorie, d’éviter de recourir à un prêt relais.

Dans le cadre du compromis dédié à la nouvelle acquisition, une condition suspensive peut être aménagée prévoyant que l’acquisition du nouveau bien ne prendra effet que si, préalablement, la vente espérée se concrétise.

Ce type de solution reste peu attractif pour un vendeur : en effet, la réalisation ou non de la condition suspensive demeure incertaine et ne dépend pas de lui, de sorte que le vendeur s’estimera trop dépendant de l’acquéreur et va s’inquiéter du risque d’une perte de temps dans l’hypothèse où la condition suspensive tarderait à être levée.

Par ailleurs, la rédaction de la condition suspensive peut s’avérer délicate : elle peut être plus ou moins contraignante, selon le souhait des parties et les exigences de la négociation.

Ainsi, pour gagner du temps, et pour rassurer le vendeur, la solution de simplicité consiste à souscrire un crédit immobilier qui assurera le relais entre les deux étapes de l’opération : la banque va prêter une somme correspondant à une fraction du prix auquel le candidat à l’acquisition nouvelle peut espérer vendre le bien dont il est encore propriétaire.

En résumé, le prêt relais va offrir le moyen de remédier au décalage de trésorerie.

Il va permettre au candidat à l’acquisition de disposer d’une partie du prix du bien mis en vente, sans attendre d’avoir trouvé l’acheteur, et donc sans avoir encaissé le prix de vente espéré. En règle générale, plusieurs mois (et parfois plusieurs années) peuvent être nécessaires pour bien vendre l’ancien bien qui déclenchera la possibilité de remboursement du capital et des intérêts du prêt relais.

La courte durée de ces prêts et le fait qu’ils sont le plus souvent remboursables en une seule fois et à la fin ( "prêt in fine") conduisent les banques à exiger des taux plus élevés que les taux des prêts immobiliers classiques (« prêts amortissables »).

Le plus souvent, ce type de prêt permet rarement d’atteindre le montant total nécessaire pour la nouvelle acquisition, ce qui oblige souvent l’emprunteur à « jumeler » ce prêt avec un prêt amortissable « classique ».

II- Quelles sont les inconvénients d’un prêt relais ?

Les inconvénients d’un prêt relais proviennent de son taux, plus élevé que celui d’un prêt amortissable classique, et aussi de l’indétermination de la durée pendant laquelle le prêt restera dû, puisqu’il est impossible de prévoir exactement la date de la vente de l’ancien bien.

Si le bien est vendu avant la date prévue pour le remboursement du prêt relais, celui-ci pourra être remboursé par anticipation, et sans pénalités.

En revanche, lorsque la vente escomptée par le débiteur du prêt relais n’est pas conclue dans le délai convenu pour le remboursement du prêt relais, le capital reste dû et les intérêts, au taux élevé, continuent à courir.

L’expiration du délai du prêt n’aura pas pour effet de résilier le prêt relais, puisque l’argent de la banque restera à la disposition du bénéficiaire du prêt relais, mais bien de le rendre exigible à tout moment.

Dans ce cas, la solution de secours peut être de souscrire un prêt amortissable « classique ».

On perçoit ici que le scénario de la simplicité peut se nouer en un scénario de complications coûteuses.

Enfin, il y a tout de même un coût immédiat à exposer : celui de l’assurance emprunteur du prêt relais, et les frais de dossier.

Le prêt amortissable « classique » présente l’avantage d’un taux plus bas, pour une durée de plusieurs années, mais en concédant une garantie pour la banque, comme par exemple une hypothèque.

Pourtant, ce « rachat » du prêt relais à l’aide d’un nouveau crédit immobilier peut réserver de mauvaises surprises.

Récemment, la Cour de cassation a eu à se prononcer précisément sur ce sujet (Cass. com., 18 janvier 2017, n° 15-14665).

En l’espèce, l’emprunteur avait souscrit, le 15 avril 2008, un prêt relais de 130.000 euros remboursable avant le 2 avril 2010, avec les intérêts au taux de 5, 2 %.

Le 18 septembre 2010, n’arrivant pas à vendre son ancien bien, il a de nouveau contracté auprès de la même banque un prêt de 135.000 euros, cette fois amortissable sur 15 ans et demi, au taux de 4,65 %, moyennant l’inscription d’hypothèques sur plusieurs biens immobiliers.

Une hypothèque nécessitant un acte notarié (ce qui exclut un contrat sous seing privé passé directement avec l’agence bancaire), l’emprunteur a dû effectuer ces formalités auprès d’un notaire, formalités qui se sont éternisées… Finalement, l’attestation du notaire est parvenue à la banque seulement le 28 janvier 2011.

Le 3 février 2011, la banque a crédité la somme de 135.000 euros sur le compte de l’emprunteur, en retenant les 130.000 euros dus au titre du prêt relais et les intérêts au taux de 5,2 % courus…

L’emprunteur a essayé de contester le montant des intérêts prélevés par la banque. Selon lui, la banque ne pouvait pas prélever les intérêts pour la période postérieure à la date d’expiration du prêt relais ou, tout au moins, aurait dû calculer les intérêts au taux de 4,65 %, à compter de la souscription du nouveau prêt.

Mais la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que « la clause d’un contrat prévoyant le paiement d’intérêts à un certain taux jusqu’à l’échéance fixée pour le remboursement suffit pour que les intérêts continuent à courir après ladite échéance, si le débiteur ne se libère pas à cette époque ».

En conséquence, les intérêts continuent à courir au taux du prêt relais jusqu’au jour du versement effectif des fonds du nouveau prêt…

Cependant, dès lors qu’il s’agit d’un mécanisme financier découlant de l’application d’une clause contractuelle, il demeure possible, en théorie, de négocier cet aspect avec la banque, au moment de la souscription du nouveau prêt.

* * *

En conclusion, avant de recourir à un prêt relais, l’emprunteur avisé prendra grand soin de se renseigner sur les différents aspects de son projet, et notamment, sur les conséquences concrètes du surgissement d’incidents, notamment celui d’une non-réalisation de la vente du bien dans un délai raisonnable.

Bernard RINEAU, Avocat Associé
Alexey BILYACHENKO, Élève Avocat
Cabinet RINEAU & Associés
http://www.rineauassocies.com

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