Précisions sur le régime de l’arrêté de péril imminent pris par le maire.

Par Antoine Louche, Avocat.

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Si le maire peut ordonner la démolition d’un immeuble en application des dispositions de l’article L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation, après accomplissement des formalités qu’il prévoit, il doit, lorsqu’il agit sur le fondement de l’article L. 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité. En présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d’une mesure de démolition, le maire ne peut l’ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales.

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En l’espèce, par arrêté en date du 3 octobre 2005, le maire de Boulogne-sur-Mer a déclaré en état de péril imminent un bâtiment situé sur le territoire de sa commune. Il s’agissait alors d’une propriété indivise entre un frère et sa sœur.

Le maire a donc mis ces derniers en demeure de réaliser des travaux de mise en sécurité consistant en la démolition du dernier étage et des combles du bâtiment.

Les intéressés n’ayant pas réalisé les travaux dans le délai prescrit, le maire a fait procéder d’office à ces travaux.

A la suite de ces travaux, le maire a émis à l’encontre des contrevenants deux titres exécutoires d’un montant de 331,17 Euros et 42 089,90 € correspondant respectivement aux frais d’insertion dans la presse de l’appel à concurrence en vue de la réalisation des travaux et au coût de ces derniers.

Les intéressés et leur mandataire ont formé un recours en annulation à l’encontre de ces titres exécutoires.

Par jugement en date du 21 juillet 2011, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Ces derniers ont alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de ce jugement.

La Haute Assemblée, par cette décision, a apporté de nouvelles précisions sur les conditions permettant à un maire de prendre un arrêté de péril imminent à l’encontre d’un immeuble.

Les juges du Palais Royal ont tout d’abord rappelé que si le maire peut ordonner la démolition d’un immeuble en application des dispositions de l’article L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation, après accomplissement des formalités qu’il prévoit, il doit, lorsqu’il agit sur le fondement de l’article L. 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité [1].

Le Conseil d’Etat a toutefois complété ce principe en indiquant qu’en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d’une mesure de démolition, le maire ne peut l’ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales.

La Haute Assemblée a récemment fait usage de principe dans une nouvelle instance, confirmant le caractère de principe de ces considérants [2].

Tirant les conséquences du principe qu’il venait de dégager, le Conseil a censuré pour erreur de droit le jugement attaqué.

En effet, le Tribunal s’est borné à relever qu’il n’était pas contesté que la démolition prescrite dans l’arrêté du maire était seule de nature à mettre fin au péril.

Il appartenait pourtant au juge, de rechercher si ces travaux de démolition d’un étage et des combles du bâtiment n’excédaient pas les mesures que le maire pouvait légalement prendre et ordonner sur le fondement des dispositions de l’article L. 511-3 du Code de la construction et de l’habitation.

L’office et le contrôle du juge sont donc étendus en la matière.

En application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil a décidé de trancher l’affaire au fond.

Ce dernier a considéré que la clôture de la procédure de liquidation judiciaire dont faisait l’objet l’un des requérants était intervenu le 17 mars 2009, alors que la demande formée par son mandataire n’avait été introduite devant les premiers juges que le 3 juillet 2009.

Or, à cette date, ledit mandataire n’avait plus qualité pour agir au titre de la procédure de liquidation judiciaire.

Dès lors, les conclusions formaient par ce dernier ont été rejetées comme étant irrecevables.

Les juges du Palais Royal ont ensuite aisément écarté le moyen d’exception tiré l’illégalité de l’arrêté de péril en relevant que ce dernier avait été notifié aux intéressés avec l’indication des voies et délais de recours et qu’ainsi, l’arrêté étant devenu définitif le requérant ne pouvait se prévaloir par voie d’exception de sa prétendue illégalité.

Le Conseil a ensuite relevé que les informations portées sur les titres exécutoires litigieux ne comportaient aucune contradiction de nature à justifier leur annulation et que la circonstance que le requérant ait recouvrée l’entière maîtrise des droits et actions concernant son patrimoine à la date de la décision commentée n’était pas de nature à justifier une telle annulation.

Enfin, la Haute Assemblée a écarté comme étant inopérants les moyens tirés de la prétendue illégalité de la procédure d’abandon manifeste qui est sans lien avec les titres exécutoires litigieux.

Références : CE, 5 mai 2014, n°361319 ; CE, 6 novembre 2013, n°349245 ; CE, 24 juin 2014, n°359799

Antoine Louche,
Avocat associé chez Altius Avocats
www.altiusavocats.fr

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Notes de l'article:

[1voir notamment en ce sens CE, 6 novembre 2013, n°349245

[2CE, 24 juin 2014, n°359799

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