Une société de télécommunication et un État africain sont coactionnaires d’une société. Un litige naît entre les actionnaires.
La société de télécommunication saisie la Chambre de commerce internationale d’une demande d’arbitrage.
Le président du Tribunal arbitral indique dans sa déclaration d’indépendance du 14 juillet 2013 n’avoir à révéler aucun fait ou circonstance de nature à remettre en cause son indépendance ou à susciter un doute raisonnable dans l’esprit des parties relativement à son impartialité.
Le conseil de la société de télécommunication informe l’autre partie le 21 août 2013 que le président du Tribunal arbitral avait été désigné arbitre par la CCI dans le cadre d’une précédente affaire qui impliquait sa société mère.
Le 24 octobre 2013, l’État signe l’acte de mission. L’acte de mission dans le cadre du règlement d’arbitrage CCI est un acte important de la procédure d’arbitrage qui fixe la mission du Tribunal arbitral en déterminant notamment les parties à l’arbitrage, le lieu de l’arbitrage, un exposé sommaire des prétentions des parties, la liste des arbitres et leurs coordonnées ainsi que les règles applicables à la procédure.
L’État formule une demande de récusation le 25 janvier 2014.
Le règlement d’arbitrage de la CCI autorise une partie à un arbitrage à demander la récusation d’un arbitre. L’article 14 de ce règlement exige que la demande de récusation soit formée :
- soit dans les trente jours suivant la réception par celle-ci de la notification de la nomination ou de la confirmation de l’arbitre,
- soit dans les trente jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la récusation a été informée des faits et circonstances qu’elle invoque à l’appui de sa demande de récusation, si cette date est postérieure à la réception de la notification susvisée.
La demande de récusation est rejetée comme étant formulée tardivement.
La procédure d’arbitrage se poursuit et une sentence est rendue en défaveur de l’État.
L’État décide de requérir l’annulation de la sentence devant la cour d’appel de Paris.
La cour d’appel de Paris rejette le recours en annulation. La cour d’appel estime que l’État était réputé avoir renoncé à contester la constitution du Tribunal arbitral par l’absence de contestation formée pendant l’instance arbitrale.
La Cour de cassation est saisie.
La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel. Elle estime en effet que la cour d’appel de Paris a valablement jugé que le recours en annulation tiré de l’irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral ne pouvait être accueilli.
La Cour de cassation confère à l’acte de mission une importance supplémentaire car elle estime que cet acte de mission constitue la confirmation de la régularité de la constitution du Tribunal et de la désignation des arbitres.
La Cour de cassation et la cour d’appel refusent donc que le recours en annulation puisse être un moyen de contourner les délais fixés par le règlement d’arbitrage pour demander la récusation d’un arbitre.
Rouvrir le débat sur la récusation d’un arbitre après la fin de l’arbitrage alors que les causes de la demande de récusation étaient connues pendant l’arbitrage aurait créé une incertitude excessive qui aurait affaibli la procédure d’arbitrage.
La solution doit donc être approuvée. Le recours en annulation ne doit pas être une voie de rattrapage pour contester la validité de la constitution du Tribunal arbitral.
La solution aurait été sans doute différente si la cause de l’éventuelle récusation n’avait été découverte qu’ultérieurement et si la révélation de cette information n’était pas intervenue au début de la procédure arbitrale.