Par un arrêt du 28 septembre 2010 destiné à une publication au bulletin de la Cour de cassation, la Chambre sociale vient de poser un principe redoutable pour les entreprises, selon lequel « (…) l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié (…) » !
Si l’en extrapole, les implications juridiques sont potentiellement très lourdes pour l’employeur qui envisage de modifier l’aménagement du temps de travail de ses équipes.
Sans doute faut-il nuancer cette lecture « brute de décoffrage », car la jurisprudence s’attache en général à faire la distinction entre ce qui relève du domaine contrat de travail et ce qui est extracontractuel.
Les faits étaient en outre particuliers, car dans cette affaire, le salarié bénéficiait rémunération contractuelle établie sur la base de 169 heures mensuelles, lui garantissant donc des heures supplémentaires.
Or, en mettant en œuvre la modulation dans le cadre du passage aux 35 heures (par application directe de l’accord de branche étendu), la Cour considère que l’employeur a unilatéralement modifié le mode de détermination des heures supplémentaires.
Rappelons que la modulation permet de déroger au principe de la comptabilisation hebdomadaire des heures supplémentaires.
On connaissait déjà la règle lorsqu’il y a un impact sur le montant ou la structure de la rémunération contractuelle, ou en cas de changement profond de l’organisation collective du travail (ce qui se rapproche de l’ancienne notion de modification “substantielle” du contrat de travail). L’enseignement qu’il faut ici tirer est le suivant : lorsque le volume de travail prévu au contrat inclut la réalisation d’heures supplémentaires, l’accord du salarié sera toujours requis préalablement à la mise en oeuvre de toute mesure collective ayant pour objet ou pour effet de modifier le mode de détermination des heures supplémentaires.
De ce point de vue, le salarié a un « droit de résistance » face à l’accord collectif.
Attention en pratique, car cet accord ne se présume pas et à défaut d’acceptation formalisée par écrit, le salarié peut prétendre n’avoir jamais accepté, et obtenir en conséquence la condamnation de l’employeur à lui verser des rappels de salaire et/ou des dommages et intérêts.
Cela rappelle combien il est important pour ce type d’opération de bien identifier en amont quels sont les salariés dont le contrat de travail peut consister un obstacle juridique au projet de réorganisation de l’entreprise.
Sébastien MILLET