Ainsi, l’article R 4127-85 du CSP prévoit que :
« Dans l’intérêt de la population, un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle :
lorsqu’il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ;
ou lorsque les investigations et les soins qu’il entreprend nécessitent un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants.
Le médecin doit prendre toutes dispositions et en justifier pour que soient assurées sur tous ces sites d’exercice la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins ».
Pour ce qui concerne les sociétés (SEL, SCP…), le Code de la santé publique prévoit la même possibilité et la soumet aux mêmes conditions étant précisé que, dans ce cas, la demande d’autorisation doit être déposée conformément aux statuts de la société.
Le contentieux résultant de ces autorisations – ou refus d’autorisation – n’est pas rare, qu’il provienne des médecins pétitionnaires qui auraient été éconduits, ou des médecins susceptibles de souffrir de cette installation concurrente.
Il apparaît donc utile de rappeler les conditions de mise en œuvre de ces dispositions.
L’activité du médecin ou d’une société d’exercice libérale sur un site distinct de sa résidence professionnelle, quelle que soit la nature de cette activité (consultations, actes techniques, explorations, expertises…) ou le mode d’exercice (salarié ou libéral), est subordonnée à l’autorisation du conseil départemental dans le ressort duquel cette activité doit s’exercer.
Cette autorisation est délivrée ou refusée après analyse d’un dossier de demande qui doit établir la réunion des critères imposés par les textes.
Ainsi, l’activité du médecin sur un site distinct de sa résidence professionnelle habituelle doit répondre à l’intérêt de la population en fonction de l’un ou l’autre des critères suivants :
• Le premier critère est d’ordre démographique : un cabinet secondaire ne peut s’ouvrir que dans une zone où la pénurie de médecins de la spécialité concernée est avérée, ou dans une zone dans laquelle la population est insuffisante pour justifier l’installation à temps complet d’un médecin de cette spécialité.
Pour établir que ce critère est rempli, l’utilisation des données démographiques de l’INSEE peuvent être utiles, de même que, la réalisation d’une carte géographique indiquant les lieux d’installation des médecins de la même spécialité, mentionnant le kilométrage entre les localités, les temps de parcours etc.
Tous les éléments relatifs à la desserte des lieux d’installation sont importants puisque ces critères sont pris en considération pour déterminer l’éventuelle carence justifiant l’installation (cf. CAA Nantes, 19 décembre 2014, n°13NT02408)
De plus, il est important d’être en mesure d’indiquer l’origine géographique de la patientèle, voire son poids dans l’activité du cabinet.
Enfin, il faut penser à indiquer les délais d’attente (hors urgence) des médecins de la spécialité installés à proximité. Plus le délai est important, plus la carence est manifeste (cf. décision CAA Nantes, précitée).
Par ailleurs, on peut signaler que l’évaluation de l’insuffisance de l’offre de soins doit tenir compte des caractéristiques de la discipline (en l’espèce, orthopédie-traumatologie) qui s’adresse à une patientèle souvent à mobilité réduite (TA, 6 février 2015, 1302191cn). On peut donc considérer qu’il en est de même pour une patientèle particulièrement âgée.
De plus, peuvent être pris en considération l’exercice dans le secteur I de la Convention médicale si peu de praticiens exercent dans ce secteur conventionnel et qu’ils sont débordés par l’activité (Décision du CNOM, 5 février 2015, dossier n°2122)
Notons enfin que les services des centres hospitaliers publics ou privés et des cliniques, exerçant la même spécialité que celle concernée, doivent être pris en considération quand bien même la demande serait formulée après le départ en retraite d’un confrère exerçant dans la spécialité concernée (décision du CNOM, 11 décembre 2014, dossier n°2113).
• Le second critère est d’ordre « technique » : les investigations et soins proposé par le médecin à l’origine de la demande nécessitent un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants.
Le lieu d’installation du cabinet secondaire doit donc être dans les locaux mêmes où se situe le plateau technique. Le CNOM a ainsi rejeté une demande d’installation en face de la polyclinique offrant le plateau technique (Décision du CNOM, 28 juin 2013, dossier n°1965).
De même, le CNOM a eu l’occasion de considérer que, du point de vue technique, l’exercice dans un site distinct était justifié lorsqu’il s’agit, pour un médecin « de réaliser, en ayant recours à des équipements, des "explorations ORL" pour donner des avis sur les techniques possibles d’anesthésies les plus appropriées pour des patients pour lesquels se pose l’indication d’une chirurgie bariatrique », ce d’autant que « ces patients bénéficient également de consultations préalables pluridisciplinaires par d’autres spécialistes exerçant dans le même centre » (Décision du CNOM, 11 décembre 2014, dossier n°2114).
En revanche, et compte tenu des dispositions applicables en matière de chirurgie ambulatoire imposant la réalisation de ces actes dans des établissements de santé ou dans des structures de soins alternatives à l’hospitalisation rattachées aux établissements de santé, le lieu d’exercice distinct doit répondre aux conditions posées à l’article R 4113-23 du code de la santé publique selon lesquelles le médecin doit notamment justifier de la qualité et de la sécurité des soins (décision du CNOM, 11 décembre 2014, dossier n°2110).
En outre, le texte impose que, sur tous les sites d’exercice, la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins soient assurées.
C’est pourquoi le Conseil départemental est fondé à demander au médecin toutes précisions utiles sur les dispositions prises à ce sujet.
Il pourra d’ailleurs valablement refuser l’autorisation s’il apparaît que l’exercice du médecin sur le nouveau site se ferait au détriment de ses obligations déontologiques vis-à-vis des patients qu’il prend en charge sur un autre site.
A cet égard, il a déjà été considéré, dans un dossier où les deux lieux d’exercice étaient éloignés de 78 km, que la distance entre la résidence habituelle du médecin et son lieu d’exercice secondaire n’est pas « en elle-même de nature à ne pas permettre (…) de ne pas répondre aux urgences, à la qualité, à la sécurité et à la continuité des soins » (Décision du CNOM, 10 octobre 2013, dossier n°1980).
Ces critères étant rappelés, il convient à présent de préciser que :
Le médecin ou la Société souhaitant exercer sur un site différent de sa résidence professionnelle doit en faire la demande écrite, par lettre recommandée avec accusé de réception, au Conseil départemental dans le ressort duquel se situe l’activité envisagée.
Cette demande doit être motivée pour permettre au Conseil départemental d’apprécier si elle correspond aux conditions précitées.
Il est judicieux de se rapprocher, préalablement au dépôt du dossier de demande, des confrères de même spécialité exerçant à proximité du lieu projeté pour l’installation afin de s’assurer qu’il n’y aura pas de difficultés.
Le Conseil départemental a un délai de trois mois, à compter de la réception de la demande accompagnée d’un dossier complet, pour se prononcer.
Faute de réponse à l’expiration du délai de trois mois, le médecin peut régulièrement exercer sur le site.
L’autorisation obtenue est personnelle et incessible.
Elle est accordée sans limitation dans le temps, mais le Conseil départemental peut y mettre fin si les conditions ayant mené à son octroi ne sont plus réunies.
Pour finir, rappelons que, implicite ou explicite, la décision d’autorisation d’exercice en sites multiples est susceptible d’un recours devant le Conseil national de l’Ordre des Médecins, à l’initiative soit du médecin concerné soit de tout autre médecin qui estimerait que l’autorisation est injustifiée et lui cause un préjudice.
Ce recours peut être formé dans les délais suivants :
deux mois suivant la notification de la décision explicite d’autorisation ou de refus ;
deux mois suivant l’intervention de l’autorisation implicite ;
Naturellement, pour les tiers qui ne sont pas destinataires de la décision, le délai de recours est de deux mois à compter de la date à laquelle ils ont eu connaissance de l’autorisation.