Loi du 6 mars 2017 : transmissions d’immobilier en Corse.

Par Margot Gonzalez, Elève-avocat.

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Explorer : # transmission immobilière # prescription acquisitive # indivision successorale # exonérations fiscales

Face au grand nombre de parcelles cadastrales sans titre de propriété officiel sur l’Ile de Beauté, le Gouvernement est intervenu en ce début d’année 2017, afin de tenter d’endiguer le problème. C’est dans ce contexte que vient d’être votée, le 6 mars 2017, la loi n°2017-285 visant à « favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété » en Corse.
Cette loi impacte la prescription acquisitive, le régime d’indivision et certains régimes fiscaux favorables applicables aux transmissions d’immeubles en Corse.

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Une action en revendication limitée à 5 ans (article 1er)

La prescription acquisitive est définie comme le moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession, sans avoir à démontrer l’existence d’un titre officiel, dès lors que la possession est continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (articles 2258 et 2261 du Code civil). En matière immobilière, cette prescription est acquise au bout de 30 ans (article 2272 du Code civil).

En l’absence de suivi et de conservation des actes de propriété, les notaires corses ont pris l’habitude de dresser des actes notariés de notoriété acquisitive sur le fondement des articles 2258, 2261 et 2272 du Code civil, afin de permettre les transmissions de biens immobiliers insulaires. Ces actes de notoriété acquisitive sont de simples actes déclaratifs (ils ne confèrent pas la propriété du bien qui doit être constatée par le Président du Tribunal de Grande Instance), mais constituent de véritables éléments probatoires des droits exercées par celui qui se dit propriétaire.

En principe, le droit de propriété étant imprescriptible, les actions en revendication exercées à l’encontre des actes de notoriété acquisitive n’encourent pas non plus de prescription.

Toutefois, l’article 1 de la loi du 6 mars 2017 prévoit, pour le seul territoire de Corse, une prescription de 5 ans de l’action en revendication à l’encontre des actes de notoriété acquisitive. Cette prescription constitue une dérogation temporaire aux droit civil commun et ne s’appliquera qu’aux actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2027.

Une gestion des biens indivis à la majorité simple des indivisaires (article 2)

Jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, en cas d’indivision sur un bien immobilier, les actes d’administration et de disposition ne peuvent être accomplis qu’avec la majorité des 2/3 des droits indivis (article 815-3 du Code civil).

Suivant un objectif d’accélération des règlements successoraux, l’article 2 de la loi du 6 mars 2017 prévoit, pour les indivisions constatées suite à la reconstitution d’un titre de propriété par prescription acquisitive à défaut de titre de propriété existant, que les actes d’administration et de disposition prévus aux 1° à 4° de l’article 815-3 du Code civil pourront être réalisé sur décision des indivisaires représentant plus de la moitié des droits indivis (et non plus les 2/3).

Il ressort des travaux parlementaires que ces dispositions dérogatoires, étant nécessairement liées à celles prévue à l’article 1er de la loi, ne seraient applicables que jusqu’au 31 décembre 2027.

Des exonérations fiscales plus avantageuses (articles 3 à 5)

Les mesures fiscales de la loi du 6 mars 2017 modifient trois dispositifs, dont deux spécifiques à la Corse.

- Exonération de 50% des droits dus lors de la première mutation à titre gratuit d’un bien immobilier

L’article 793 du Code général des impôts (ci-après CGI) exonère historiquement de droits de succession ou de donation, à hauteur de 30% de la valeur du bien concerné, la première mutation d’un immeuble ou droit immobilier suivant la reconstitution de son titre de propriété sous réserve de la constatation de ce titre par un acte régulièrement transcrit ou publié à compter du 1er octobre 2014 (article 793, 2-8° du CGI). Ce dispositif devait prendre fin pour les actes transcrits ou publiés à compter du 1er janvier 2018.

L’article 3 de la loi du 6 mars 2017 proroge cette exonération pour les actes reconstituant un titre de propriété transcrits ou publiés jusqu’au 31 décembre 2027 et porte le montant de l’exonération de 30% à 50% de la valeur du bien immobilier transmis. Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble du territoire national.

- Exonération de 50% des droits de succession sur les immeubles situés en Corse

Les immeubles et droits immobiliers situés en Corse (à l’exception des biens acquis à titre onéreux par le défunt depuis le 23 janvier 2002) sont exonérés de droits de succession à hauteur de 50% de leur valeur pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2013 (article 1135 bis du CGI).

Cette exonération, applicable pour les successions ouvertes jusqu’au 31 décembre 2017 est prorogée par l’article 4 de la loi du 6 mars 2017 jusqu’au 31 décembre 2027.

- Exonération totale du droit de partage

Un droit de partage de 2,5% est actuellement applicable en Corse :
- aux actes de partages de succession, mettant fin à une indivision portant sur des biens dépendants d’une succession (article 748 du CGI) ;
- aux licitations (vente aux enchères d’un bien indivis) de biens dépendants d’une succession (article 750 du CGI).

L’article 5 de la loi du 6 mars 2017, introduit un nouvel article 750 bis B dans le CGI qui exonère du droit de 2,5% les actes de partage de succession et les licitations de biens héréditaires à hauteur de la valeur des biens immobiliers situés en Corse.

Cette exonération s’applique aux actes passés du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2027.

Avec la loi du 6 mars 2017, le Gouvernement tente de débloquer les problèmes de transmission du parc immobilier corse. Afin de désamorcer des successions indivises depuis de nombreuses années et de favoriser les transmissions, cette loi renforce la valeur juridique des actes de notoriété acquisitive, dont la pratique a été rendue nécessaire en Corse, afin de reconstituer de nombreux actes de propriété disparus. La loi du 6 mars 2017 assouplie également la majorité de vote en indivision dans le but de dénouer des situations stériles aboutissant à l’impossibilité d’aliéner les biens immobiliers insulaires. Enfin, et toujours dans l’objectif d’encourager le passage de l’immobilier à la jeune génération, des exonérations fiscales avantageuses ont été introduites et reconduites sur les biens immobiliers situés en Corse.

Avocat

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Discussions en cours :

  • Bonjour,
    Je comprends que je paierai des droits de succession pour une maison en Corse à raison de 50% de sa valeur. Néanmoins, je crains que la plus-value sur la vente éventuelle ne soit taxée à la valeur réelle de la maison et donc, ce que je ne paie pas à la succession (autour de 20%) je le paierai encore plus en impôt sur la plus value ( 33,5% + jusqu`à 6% si plus de 50 000€). Est-ce que cela vaut la peine d`accepter l`abattement sur la succession en Corse ou est-ce que la plus-value en Corse bénéficie d`un autre calcul ?
    De plus, je suis résident à l`étranger alors est-ce que je peux éviter de payer les frais sociaux sur la plus-value ?
    Merci infiniment de m´éclairer. J`ai une décision rapide à prendre et j´hésite.

    Vincent

    • par Maître Margot GONZALEZ , Le 30 juillet 2020 à 09:27

      Cher Monsieur,

      Il est impossible de vous répondre sans procéder à une analyse de votre dossier et sans réaliser de simulations chiffrées entre la plus-value de cession et les droits de succession.
      En tout état de cause, je pense que vous n’avez pas pris en compte l’abattement pour durée de détention applicable sur la plus-value de vente.
      Par ailleurs, si la succession est déjà ouverte, vous ne pourrez pas échapper aux droits de succession. Il ne s’agit pas d’une option. L’imposition de la plus-value et les droits de succession sont deux choses distinctes dont l’application dépend des circonstances de faits de transmission du bien.
      Je peux vous proposer une consultation fiscale écrite si vous le souhaitez.
      Vous trouverez mes coordonnées ci-après.

      Bien cordialement,

      Margot GONZALEZ
      Avocat
      m.gonzalez.avocat chez icloud.com
      www.mgonzalez-avocat.com
      1 Place Félix Baret – 13006 Marseille
      Tél. +33(0)4.91.15.72.62 | Dir. +33(0)9.72.65.68.06
      Fax. +33(0)4.91.54.36.18

  • Dernière réponse : 15 juillet 2019 à 08:59
    par Gerald Moracchini , Le 14 juillet 2019 à 10:53

    Oui bonjour je voulais savoir comment pourrai je faire . Car depuis 2007 mon pere est decedee nous laissant en heritage a moi est ma soeur un terrain en corse non constructible en indivision . Ma question est til possible aujourduie davoir un acte de poprieter a mon nom une preuve de notre possetiin de terrain . Merci pour toutes reponce aidante ...

    • par Margot GONZALEZ- Avocat , Le 15 juillet 2019 à 08:59

      Cher Monsieur,

      Il est impossible de vous apporter une réponse exhaustive sans procéder à une analyse concrète de votre dossier.
      Avec la loi du 6 mars 2017, le délai de possession pour obtenir une décision de prescription acquisitive est porté temporairement à 5 ans (et non pas 30 ans).
      Toutefois, concernant la mise en oeuvre d’une telle demande auprès du TGI dans votre cas, je vous invite à vous rapprocher d’un conseil spécialisé en droit civil et plus particulièrement en droit de la propriété privée.

      Cordialement

  • Dernière réponse : 24 avril 2018 à 11:04
    par Patrick Germain , Le 6 février 2018 à 11:21

    Article très clair qui fait le point de la situation des successions immobilières en Corse.

    • par X. Leroy-Albertini , Le 20 avril 2018 à 10:22

      La majorité requise pour des décisions "d’administration courante" est abaissée pour la Corse.
      Elle est également abaissée pour des actes "importants". Mais on peut comprendre à la lecture du texte que ce n’est applicable que pour des biens acquis par prescription acquisitive.
      Qu’en est-il pour des indivisions normales non acquisitives.
      Est-ce que la quotité requise pour des actes importants (vente d’un terrain par exemple) est désormais diminuée en Corse, et quelle est-elle ?

    • par Margot GONZALEZ - Avocat , Le 20 avril 2018 à 11:07

      Cher Monsieur,

      Effectivement, l’assouplissement des règles de majorité requises par l’article 2 de la loi du 6 mars 2017 ne concerne que les actes passés dans le cadre des indivisions constatées suite à la reconstitution d’un titre de propriété par prescription acquisitive (à défaut d’existence d’un titre de propriété) et n’est applicable qu’à la seule Corse.

      Pour les autres cas d’indivision en Corse, les règles de majorité sont celles de droit commun prévues par les article 815-2 et suivants du Code civil.
      Selon l’article 815-3 avant dernier alinéa du Code civil, les actes de disposition (vente) d’un bien indivis ne sont possibles qu’avec le consentement de tous les indivisaires, sauf autorisation expresse du tribunal de grande instance sous certaines conditions (articles 815-5 et suivants du Code civil).

      Cordialement,

    • par Xavier Leroy , Le 24 avril 2018 à 11:04

      Merci pour votre réponse qui est conforme à ce que j’attendais.
      Mais néanmoins . Nous avons une succession à régler issue de deux parents corse décédés.
      Du côté de la mère nous disposons de bien titrés, mais du côté du père tout reste à titrer.
      Auquel cas quelle majorité s’applique ?
      Il se trouve que l’un des 4 héritiers veut bloquer un projet de lotissement que les 3 autres souhaitent réaliser. Que faire ?.
      Autre problème. Les parents disposaient de bâtis, pour lesquels on peut prouver une "occupation" paisible, etc Mais quid pour des terrains qui étaient cultivés avant l’émigration massive des corses et qui sont aujourd’hui en déshérence, visibles uniquement grâce aux relevés cadastraux (qui n’ont aucune valeur en terme de possession). Peut-on invoquer l’occupation trentenaire paisible dans ce cas. Faut-il convoquer tous les héritiers potentiels, faut-il produire une généalogie ?
      Vous allez me répondre que c’est le rôle du Notaire. Mais à ce jour aucun notaire en Corse veut se charger de notre succession : trop de temps à passer, trop de déboires, trop d’échecs (en raison de décisions à prendre à l’unanimité alors qu’un héritier archi-minoritaire bloque tout au dernier moment)

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