Les points faibles de l’aval.

Par Bernard Rineau et Sébastien Vince, Avocats.

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Explorer : # aval # cautionnement # droit cambiaire # formalisme juridique

L’aval s’apparente à un cautionnement solidaire consenti le plus souvent par le dirigeant d’une société débitrice d’un billet à ordre ou d’une lettre de change au profit d’un établissement financier ou d’un fournisseur.

Sa nature d’accessoire d’un engagement cambiaire entraîne l’application d’un régime juridique plus rigoureux, en principe, pour celui qui s’engage que le régime juridique du cautionnement.

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Ainsi, contrairement à la caution, l’avaliste ne bénéficie pas des dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la consommation interdisant à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement d’une personne physique quand celui-ci est manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la personne qui s’est engagée (Cass. civ. 1ère 19 décembre 2013, pourvoi n°12-25888).

En outre, à la différence du cautionnement qui nécessite la transcription, par la caution, d’une mention manuscrite à vocation pédagogique édictée à peine de nullité de la garantie (articles L. 331-1, L. 331-2, L. 343-1 et L 343-2 du Code de la consommation), l’aval est encadré par un formalisme réduit au strict minimum puisque la mention lapidaire « bon pour aval » prévue par l’article L. 511-21 alinéa 4 du Code de commerce n’est même pas impérative étant donné que, selon le même alinéa, elle peut être remplacée par « toute autre formule équivalente » et qu’en application de l’alinéa suivant du même article, l’aval « est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d’aval apposée au recto ».

Cette quasi-absence de formalisme peut-être très préjudiciable au chef d’entreprise signataire de l’aval, lorsque celui-ci, non initié aux subtilités du droit cambiaire, n’a pas conscience de s’engager personnellement sur la totalité de ses biens et ses revenus.

Mais encore faut-il, pour que l’aval soit contracté valablement, que l’effet de commerce qui lui sert de support vaille bien billet à ordre ou lettre de change.

En effet, l’effet de commerce irrégulier, même lorsqu’il n’est pas nul, est réduit au rang d’engagement contractuel de droit commun inéligible aux facilités du droit cambiaire, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’aval dont il est le fondement.

Sur ce point, par un arrêt du 27 septembre 2016 (Cass. com. 27 septembre 2016, pourvoi n°14-22013), la Cour de cassation a récemment relevé d’office « que l’aval donné par une personne physique au profit d’un créancier professionnel sur une lettre de change annulée pour vice de forme ne peut constituer un cautionnement valable, faute de comporter les mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation [actuellement L. 331-1, L. 331-2, L. 343-1 et L 343-2 du Code de la consommation] ».

Ce faisant, la Cour de cassation a désapprouvé l’arrêt attaqué en ce qu’il avait considéré que l’aval apposé sur un effet de commerce irrégulier vaut commencement de preuve par écrit d’un cautionnement, lequel est susceptible d’être validé par tout élément extrinsèque à l’acte, par exemple la qualité de dirigeant de la société souscriptrice du signataire de l’aval invalidé, ceci en vertu d’un courant jurisprudentiel ancien existant à l’époque où le cautionnement n’était pas encadré par le formalisme ad validitatem aujourd’hui édicté par le Code de la consommation (Cass. com. 8 décembre 1992, pourvoi n°91-12533).

La solution réaffirmée avec force par la Cour de cassation le 27 septembre dernier n’est pas nouvelle car elle a été exprimée une première fois le 5 juin 2012 (Cass. Com. 5 juin 2012, pourvoi n°11-19627) à propos de l’aval d’un billet à ordre irrégulier en s’appuyant sur un raisonnement identique.

Ainsi, malgré son apparente simplicité, l’aval n’échappe donc pas à un formalisme indirect résultant des conditions de validité des billets à ordre et des lettres de change prévues par les articles L. 511-1 et L. 512-1 du Code de commerce, les points sensibles pouvant être résumés via l’exemple suivant :

  1. Dénomination du titre
  2. Promesse de payer une somme déterminée
  3. Nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait
  4. Date de création du titre
  5. Signature du souscripteur (débiteur) pour un billet à ordre ou du tireur (créancier initial) pour une lettre de change
  6. Signature de l’avaliste

Pour être précis, il convient d’indiquer que l’irrégularité relevée dans l’arrêt précité du 5 juin 2012 (Cass. Com. 5 juin 2012, pourvoi n°11-19627) était l’omission de la dénomination du bénéficiaire du billet à ordre (3) tandis que l’arrêt précité du 27 septembre 2016 (Cass. com. 27 septembre 2016, pourvoi n°14-22013) a sanctionné le défaut de signature du tireur de plusieurs lettres de change (5).

Dans les cas où la forme de l’aval et de l’effet de commerce le supportant est irréprochable, l’avaliste peut parfois trouver un salut partiel dans l’application de l’article 1415 du Code civil en ce que ce dernier énonce, pour les couples mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (ou sous les régimes voisins prévoyant la répartition des biens des époux entre des biens propres et des biens communs) :
« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt à moins que ceux-ci ont été contractés avec le consentement express de l’autre conjoint, qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres ».

En effet, la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation déclare lesdites dispositions applicables à l’aval de la même manière qu’au cautionnement (Cass. Com. 4 février 1997, pourvoi n°94-19908).

Il en résulte que l’avaliste bénéficiant de cette protection légale ne peut pas être recherché, au titre de l’aval, sur les biens qu’il possède en commun avec son épou[x] (se) ni, a fortiori, sur les biens propres de son épou[x] (se), ce qui limite considérablement l’assiette du gage du créancier.

En conclusion, s’agissant d’enjeux pécuniaires souvent significatifs, on ne saurait trop conseiller au bénéficiaire ou au souscripteur d’un aval de vérifier, et plutôt deux fois qu’une, les points sensibles exposés ci-dessus dont dépendent la validité et l’efficacité de la garantie.

Bernard RINEAU
Avocat Associé chez RINEAU & Associés

Sébastien VINCE
Avocat chez RINEAU & Associés
http://www.rineauassocies.com

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