Dans cette dernière hypothèse, la prolongation au-delà d’un an n’était possible que si les équipements nouveaux étaient demandés par le délégant et que ces derniers étaient indispensables au bon fonctionnement du service (Conseil d’État, 29 Décembre 2004, Sté SOCCRAM ; n°239681)
La section des travaux publics du Palais Royal précisait qu’il devait d’agir d’investissement de nature à modifier l’économie générale de la délégation (Conseil d’État, avis n°371234 du 9 Avril 2015)
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concessions, cet article L1411-2 a tout simplement été abrogé et rayé du CGCT.
L’ensemble des dispositions renfermées dans cet article, y compris les possibilités de prolongation de la durée des DSP, n’ont pas été explicitement reconduites. Seules subsistent des mesures diverses telles que la possibilité d’instaurer des droits d’entrée et des redevances capitalisées, retranscrites mot pour mot à l’article 31 de ladite ordonnance.
L’abrogation de l’article L1411-2 du CGCT est d’autant plus cruelle pour les collectivités publiques, autorités concédantes, du fait que toute modification d’une DSP en cours d’exécution doit obéir aux nouvelles règles de modifications (art 55 et 78 de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 ; art 36-37 du décret d’application n°2016-86 du 1er février 2016).
En l’absence de mesures transitoires et de jurisprudences en la matière, sous quelles conditions la durée d’une DSP pourrait être engagée malgré l’abrogation de l’article L1411-2 du CGCT ?
A) Lorsque l’urgence l’impose, indépendamment de la volonté de la collectivité
Les textes ont été publiés en février pour entrer en vigueur le 1er avril 2016.
Leur publication a inquiété de nombreuses collectivités sachant que la plupart de ces dernières comptaient prolonger leur DSP de quelques mois, conformément à l’ancien article L1411-2, au moins pour assurer la continuité d’un service public arrivant à échéance au cours de la saison estivale 2016 et pour avoir le temps de lancer en parallèle une nouvelle procédure de passation.
Le Conseil d’État a récemment tenu compte de cette difficulté et de l’impossibilité pour les collectivités de lancer et de conclure une nouvelle procédure de passation en si peu de temps.
Il a ainsi posé le principe selon lequel : « En cas d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son contractant […] elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de DSP sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites […] »
(Conseil d’État, 4 Avril 2016, Cté d’Agglomération du Centre de la Martinique ; n°396191).
Cette jurisprudence est intéressante pour assurer la continuité du service public mais elle demeure très restrictive en imposant une situation d’urgence indépendante de la volonté de l’autorité délégante.
Il paraît difficile, voire subtile, pour une collectivité de se réfugier derrière la réforme des concessions pour justifier d’une urgence indépendante de sa volonté, en n’ayant pas anticipé au préalable une nouvelle procédure de passation.
A ce titre, le Conseil d’Etat vient de confirmer cette interprétation en validant l’annulation de la concession provisoire sans mise en concurrence de la ville de Paris relative à l’exploitation des mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité.
En effet, la procédure de passation de la précédente concession ayant été annulée en avril 2017 par le TA de Paris (requêtes n°1717558/4 et 1717601/4), la ville de Paris ne peut se prévaloir d’une situation d’urgence, indépendante de sa volonté, en ayant attendu le mois de novembre 2017 pour lancer une concession provisoire sans publicité, ni mise en concurrence (Conseil d’Etat, 5 Février 2018, ville de Paris ; n°416579
B) Lorsque l’imprécision du décret du 1er février 2016 suppose l’opportunité d’une telle prolongation
L’article 36 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession énumère six cas dans lesquels la personne publique peut modifier une DSP en cours :
1° une clause de réexamen (pour les futurs contrats de concession),
2° des travaux ou services supplémentaires, non prévus au contrat initial, devenus nécessaires (< 50% du montant initial),
3° des circonstances que la personne publique ne pouvait pas prévoir (< 50% du montant initial),
4° une substitution de délégataire,
5° une modification, quel que soit le montant, qui n’est pas « substantielle »,
6° un avenant inférieur au seuil européen de publicité de 5 225 000 euros et à 10% du montant du contrat de concession initial.
Cet article 36 ne cite pas expressément la possibilité de prolonger de la durée d’une DSP en cours d’exécution.
En revanche, selon plusieurs auteurs, les règles qui devraient désormais régir la modification de la durée des DSP ne bouleversent sans doute pas le régime de leur prolongation (F. Llorens ; P. Soler-Couteaux – La prolongation des contrats de concession : quelles perspectives ? - Revue Contrats et Marchés Publics n°4, Avril 2016, repère 4)
L’exemple le plus intéressant résulte dans la possibilité de passer un avenant ne dépassant pas 10% du montant initial de la DSP. Cela reviendrait, indirectement, à prolonger la durée de la DSP de quelques mois, selon l’importance du contrat, pour atteindre l’augmentation souhaitée vis-à-vis du montant initial (G. Le Chatelier - Les nouvelles règles relatives au contenu et à l’exécution des contrats de concession ; Actualité Juridique des Collectivités Territoriales 2016 p.249).
Afin d’estimer la durée de prolongation, dans la limite des 10% du montant initial de la DSP, le calcul prévisionnel de l’avenant doit tenir compte de l’inflation moyenne de l’État (article 37 du décret visé).
Attention : Si plusieurs avenants sont pris sur le fondement du 6° de l’article 36 dudit décret, la collectivité doit prendre en compte le montant cumulé de l’ensemble de ces avenants, sans dépasser le plafond de 10% du montant initial.
Le juge administratif risque ainsi de revoir sa jurisprudence, lui qui a déjà pu considérer en matière de marchés publics que le calcul du bouleversement de l’économie du contrat, en cas d’avenants successifs, ne devait prendre en considération que le dernier d’entre eux (CAA Paris, 21 Juin 2011 ; n°10PA03906 / AJDA 2013 p.1102 concl. Dewailly)
A noter enfin que le 2° de l’article 36 du décret cité autorise la modification du contrat pour des travaux ou des services supplémentaires « rendus nécessaires », et non « rendus indispensables » comme le préconisait la jurisprudence Société SOCCRAM de 2004. Ce qui rendrait une modification du contrat un peu plus aisée.
Pour ce qui est du 3°, le juge administratif risque de compléter cette définition des circonstances imprévues. En effet, le décret ne nous précise pas si les faits doivent être extérieurs aux parties ou non.
Reste désormais à savoir si le juge autorisera les collectivités à prolonger leur DSP en cours sur ces deux fondements.
Malgré une tentative d’explication de la Direction des Affaires Juridiques de Bercy (Fiche Technique – Les modalités de modification des contrats en cours d’exécution, 31 Mars 2016), beaucoup de questions subsistent sur la possibilité de prolonger la durée des DSP en cours et des futurs contrats de concession.
Peu commenté, l’article 7 du décret impose même aux collectivités, au stade de l’estimation du montant du contrat, de prendre en compte « les éventuelles prolongations » de la durée de la concession. Ce qui reviendrait à court-circuiter toute prolongation en dehors des travaux supplémentaires rendus nécessaires et des circonstances imprévues.
Cependant, de nombreuses collectivités comptent recourir aux nouvelles modalités de modification des contrats de concession pour prolonger la durée de leurs DSP de quelques mois, sur le fondement d’un avenant prévu au 6° de l’article 36 du décret du 1er février 2016.
Au risque de jouer aux « apprentis-sorciers », les collectivités auront au moins le mérite de faire l’objet des premières jurisprudences en la matière en cas de déféré préfectoral ou de recours des tiers intéressés.
Discussions en cours :
L’article est vraiment très intéressant car il abord tous les cas de figures de la prolongation des contrats de DSP. Mais que se passe t’il si le fermier en cours ne veut pas prolonger le contrat ?
Article très accès pratique. Peu théorique et donc d’une grande aide pour le juriste commande publique que je suis. Félicitations !