Vers une clarification de la participation citoyenne en France. Par Angélique Chassy, Enseignante et Camélia Fimbou, Doctorante.

Vers une clarification de la participation citoyenne en France.

Par Angélique Chassy, Enseignante et Camélia Fimbou, Doctorante.

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Explorer : # participation citoyenne # démocratie participative # cadre juridique # réformes législatives

Ce que vous allez lire ici :

La participation citoyenne est considérée comme une solution à la crise démocratique et à la représentativité politique. Cet article examine les dispositifs participatifs existants en France, tels que les référendums, les consultations citoyennes et les conseils de quartier. Il évoque une reconnaissance constitutionnelle de la démocratie participative et l'établissement d'un statut juridique pour les citoyens participants contribueraient à renforcer leur rôle dans le processus décisionnel.
Description rédigée par l'IA du Village

La démocratie participative tend ainsi à rester une simple procédure plutôt qu’une véritable expression citoyenne, soulevant le besoin crucial d’un encadrement juridique pour clarifier les objectifs et l’efficacité réelle de ces dispositifs.

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La participation citoyenne : un questionnement.

La participation citoyenne est vue comme le remède à tous les maux dans un contexte de crise démocratique et de la représentativité ainsi que l’abstention. Les citoyens peuvent participer à la vie démocratique sur le plan politique, collectif ou individuel au niveau national et local grâce à de nombreux dispositifs participatifs parmi lesquelles figurent les référendums nationaux et locaux, les consultations citoyennes, les mini-publics délibératifs (conventions citoyennes, conseils citoyens, jurys citoyens…), les comités de quartier ou encore les plateformes collaboratives… Mais, aurait-on vécu, en France, les mêmes crises économiques, sociales, sanitaires et environnementales qui ont jalonné le début de ce millénaire ou y aurait-on remédié si les citoyens avaient été réellement consultés et entendus dans la conduite des politiques publiques ? La démocratie que nous connaissons doit-elle évoluer vers une nouvelle forme de démocratie participative ? Il est supposé que la réponse à cette question amène à concilier la démocratie représentative avec la démocratie participative d’où l’existence d’un certain nombre de lois instituant l’obligation de mise en œuvre de procédures participatives. Mais un cadre juridique flou…

L’institutionnalisation par voie législative de la participation citoyenne est récente en France. Outre les procédures référendaires et consultatives prévues par la Constitution dès 1958, plusieurs textes sont intervenus pour développer et renforcer les procédures participatives. Au-delà des lois de décentralisation (1982 et 1983), consacrant le principe de la démocratie dans la gestion des affaires locales, la réforme constitutionnelle de 2003 (acte II de la décentralisation) a introduit le référendum à l’échelle locale (art. 72-1 de la Constitution)). La Loi Voynet (1999), pour sa part, conduit à l’instauration des Conseils de Développement des Intercommunalités dont l’ambition est d’impliquer des citoyens bénévoles dans la vie locale. La Loi relative aux libertés et responsabilités locales (2004) introduit dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) une section s’intitulant la « consultation pour avis des électeurs » (art. L1112-15).
Viendront ensuite la réforme constitutionnelle de 2008 introduisant notamment le dit « Référendum d’initiative partagée » (RIP), les Lois MAPTAM (2014) visant à restaurer les libertés locales en faisant confiance à l’intelligence territoriale, la Loi Lamy (2014) instaurant l’obligation des conseils de citoyens dans la réhabilitation urbaine, ou encore la loi NOTRe (2015) encourageant les régions et les intercommunalités à inclure la participation citoyenne dans la prise de décision.
Enfin, la loi 3DS de 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration. Une loi constitutionnelle de 2005 a également clairement inscrit le principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement avec l’adoption de la charte de l’environnement (art.7). Sur le plan de la hiérarchie des normes, l’institutionnalisation de la participation citoyenne se fait par voies législative et constitutionnelle.

L’objectif de ces textes est d’encourager la participation des citoyens à l’élaboration des politiques et des décisions publiques.
Présentées comme des outils juridiques de modernisation, d’appropriation citoyenne et de co-construction de l’action publique, elles soulèvent cependant des interrogations voire des controverses. Il est constaté que les référendums nationaux montrent des difficultés de prise en compte du vote des citoyens dans la prise de décision. Le fait le plus marquant en France fut l’adoption parlementaire en 2009 du Traité de Lisbonne malgré le rejet par voie référendaire en 2005 de la ratification du Traité instituant une Constitution pour l’Europe.
Les autres instances citoyennes à l’exemple du conseil de citoyens et du comité de quartier ne s’inscrivent pas durablement dans le temps au regard de nombreuses défections de citoyens.
Beaucoup d’entre elles sont en sommeil, certaines se sont éteintes d’elles-mêmes, d’autres vivotent, d’autres demeurent des effets d’annonce. Par exemple, au 1er janvier 2023 on dénombre sur 1034 conseils de citoyens Quartier Politique de la Ville (QPV) que 17% d’entre elles sont en veille et 26 % ne se sont réunies qu’une seule fois (ANCT). Autre exemple, le gouvernement français a mis en place un comité de 35 citoyens tirés au sort en janvier 2021 pour répondre à la défiance envers la vaccination. Cette initiative a été perçue comme une stratégie de communication politique, mais son efficacité interroge au regard du fait que le problème s’est résolu de lui-même avant que le Conseil ne rende son rapport. L’intérêt des outils de la démocratie participative pour les citoyens, dépend foncièrement des prérogatives qui sont concédées à ces derniers par les décideurs politiques ainsi que de la valeur accordée à leur parole, comme le montre la déception des citoyens dans le cadre de la Convention Citoyenne sur le Climat où le chef de l’Etat s’était engagé à accepter toutes les propositions citoyennes et que celles-ci soient soumises soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à une application réglementaire directe. Or, seules 10% des 149 propositions ont été reprises par le Parlement dans le texte « Climat et Résilience ». On peut également se poser la question du retour des cahiers de doléances citoyennes lors du Grand Débat National. Tout cela produit l’impression d’une pseudo-participation limitant considérablement le champ d’implication du citoyen. La démocratie participative tend ainsi à rester une simple procédure plutôt qu’une véritable expression citoyenne, soulevant le besoin crucial d’un encadrement juridique pour clarifier les objectifs et l’efficacité réelle de ces dispositifs.

Vers l’instauration d’un cadre juridique plus contraignant.

La complémentarité des modèles représentatif et participatif sont des questions sur lesquelles il convient de s’attarder pour tenir la promesse législative d’une démocratie participative. Toutefois, l’absence de caractère contraignant de la plupart des procédures fait obstacle au développement des différentes formes de participation citoyenne, cette dernière étant en droit positif suspendue à la volonté politique de mettre en œuvre les outils participatifs mais également de prendre ou non en considération les résultats auxquels ils parviennent. La question qui se pose est de savoir si l’instauration d’un cadre juridique plus contraignant placerait véritablement le citoyen en capacité d’avoir un rôle décisif au sein d’un processus participatif.

À l’analyse de l’article 7, de la Charte de l’environnement de 2004, les principes d’information et de participation sont reconnus à toute personne. Liés entre eux mais limités à la démocratie environnementale, ils aident à comprendre l’intention du constituant qui dans ce domaine cherche à mettre le citoyen en capacité de participer à la prise de décisions relatives à l’environnement. En effet, ledit article dispose que : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Cela signifie qu’il existe désormais un droit à valeur constitutionnelle d’accès à toute information, réglementé par l’article L124-3 du Code de l’environnement. Une simple demande suffit pour recevoir une communication des informations relative à l’environnement. Ce droit d’accès est garanti et contrôlé d’une part par voie administrative via une autorité administrative indépendante, la Commission d’accès aux documents administratifs (la CADA) et d’autre part, par voie juridictionnelle, le juge administratif étant compétent en la matière. Pour le citoyen, cette double garantie donne du sens et de la force à la participation.
Dans sa jurisprudence, la CADA a institué une obligation de communiquer pesant sur les autorités publiques et dans son office, le juge contrôle l’effectivité de la communication considérant qu’il ne lui revient pas d’opérer le contrôle de « l’exactitude matérielle des documents communiqués » (TA de Nouvelle-Calédonie, n°1200329 du 19/09/2013).

En d’autres termes, l’obligation d’information pouvant être regardée comme une étape préalable à la participation, les dispositifs participatifs obligatoires en droit de l’environnement, le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ainsi que les voies de recours pourraient constituer une base solide pour envisager un cadre juridique plus contraignant. C’est d’ailleurs dans ce domaine que le défi de rassembler les citoyens engagés, les profanes et les plus jeunes semble être remporté à l’instar de l’affaire du siècle ou de l’autoroute A69 et ses « écureuils » (surnom attribué aux militants qui vivent dans les arbres pour éviter leur abattage dans le conflit autoroutier dans le Tarn débuté en 2023).
Dans le même temps, les autres outils existants semblent vite inopérants s’il convient de les analyser par le prisme de l’échelle de la participation citoyenne selon Arnstein (1969).

Pour garantir la clarté et l’efficacité de la loi, ainsi que la sécurité juridique face à la diversité des formes de participation, il est essentiel de définir clairement le rôle et la place du citoyen dans le processus décisionnel. Plus que des symboles et outils qui pour la plupart ne peuvent être initiés que par l’élu ou un organe délibérant, une reconnaissance constitutionnelle permettrait au cours des processus décisionnels de considérer l’expertise citoyenne. L’objectif est de prendre de bonnes décisions en s’appuyant sur une rigueur juridique et sur l’expertise d’usage des citoyens. Toutefois cela nécessite à la fois un cadre de référence et du temps accordé à la participation citoyenne.

Une condition juridique importante.

Bien entendu, cela signifie que le législateur s’engage dans un travail de clarification du droit de la participation en rassemblant d’une part l’ensemble des règles et outils qui encadrent le droit de la participation (démocratie sociale, démocratie environnementale, démocratie consociative, démocratie sanitaire, etc…) et d’autre part dans la mise en place de moyens de contrôle et des garanties. Un véritable travail de fond et de synthèse renvoie à la nécessité de codification de ce qui pourrait être le droit général de la participation par souci de clarté, d’efficacité et de sécurité juridique. Cela permettra également de stopper l’hémorragie de la dégradation de notre démocratie. La clarification et l’encadrement devraient également intégrer les normes concernant les formes de la participation citoyenne nées de la « vague délibérative », très à la mode mais sans contrainte pour les autorités qui les organisent.
Par suite, pour suivre ce mouvement de constitutionnalisation du droit, insérer un principe constitutionnel de démocratie participative aux côtés de la démocratie représentative renforcerait le lien citoyen-institution [1]. Celle-ci trouverait son fondement dans l’article 1er de la Constitution de 1958 posant le principe de la « République […] démocratique » et l’article 2 alinéa 5 définissant de manière générale la démocratie comme étant le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Par voie de conséquence, si l’élu fonde sa légitimité dans un mandat représentatif au moyen du vote, le citoyen dit « participant » avec le développement du tirage au sort ou le volontariat encadré devra lui aussi bénéficier d’un mandat lui permettant d’être couvert sur les plans juridique, administratif et pénal.

Un statut reconnu pour le citoyen.

Pour arriver à ce stade, il faut nécessairement s’affranchir du modèle démocratique actuel et faire intervenir la plume du législateur en créant des délégations citoyennes fondées sur « un mandat citoyen limité » pour la société civile, à l’exemple des délégations syndicales ou d’élus politiques en activité professionnelle. Cette proposition viendra compléter le 4eme plan d’action en faveur d’un « nouveau modèle démocratique français » 2024-2026 du gouvernement français. Ces délégations permettraient de mieux mobiliser les citoyens dont dépend le principe de représentativité. La représentativité de la population procède d’une aptitude propre à exprimer de manière adéquate les préférences collectives. Les citoyens pourraient disposer d’un temps raisonnable pour s’exprimer sur des sujets de société à l’échelle nationale et territoriale et donc s’investir dans la participation citoyenne. Il devra donc s’opérer un dialogue social avec les employeurs pour consentir à libérer les salariés en sachant que la démocratie participative est intrinsèquement liée à la capacité d’agir des citoyens. Enfin, il est important de prévoir un temps circonscrit dans le mandat citoyen afin de permettre le renouvellement des profils citoyens. Il s’agit d’éviter de constituer des entités figées et composées, comme on le reproche souvent aux décideurs politiques, de devenir des représentants quasi-permanents de la population. Il convient probablement dans cette perspective de rembourser chacun des membres pour les frais ou coûts induits par la participation au mandat, plutôt que de rémunérer pour un engagement initial à s’impliquer sur la durée de la mandature. Pour avancer, il apparaît indispensable de mener des expérimentations afin de tester la pertinence de ce type d’outil dans la refondation de la démocratie participative associée à la démocratie représentative.

Nos remerciements à Marthe Fatin-Rouge Stefanini Directrice de recherches CNRS - UMR7318 DICE - ILF GERJC - Aix-Marseille Université et à Philippe Bance, Professeur Emérite de l’Université des Antilles – LC2S UMR 8053 CNRS pour nos échanges scientifiques autour de ce sujet.

Angélique Chassy, Enseignante-Chercheure - Ph.D en Sciences Economiques - EM Normandie Business School - Laboratoire Métis
Camélia Fimbou, ATER, Ph.D Student - Droit Public Aix Marseille - Laboratoire UMR DICE.

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Notes de l'article:

[1Bernasconi, 2022 dans son rapport : Rétablir la confiance des Français dans la vie démocratique.

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