L’expérience socialiste post indépendance avait poussé le jeune État algérien à développer un corpus répressif important pour sauvegarder les acquis de la révolution socialiste. Par l’effet conjugué de tous les facteurs s’y rattachant, la masse des textes répressifs en vigueur a atteint, un stade d’inflation pour le moins incompatible avec l’ouverture politique et économique projetée depuis la révision constitutionnelle de 1989. Le libéralisme économique escompté s’oppose incontestablement à l’intervention directe de l’État dans la sphère économique et à la répression découlant de l’adoption de politique économique fondée beaucoup plus sur les interdictions que sur le laisser faire.
Dès le début des années 90, plusieurs approches ont été appréhendées en vue de permettre le désengagement de l’État de la sphère économique et tout particulièrement de la gestion des entreprises publiques économiques véritables fierté nationale relevant de l’économie dirigée. À cet effet, de nouvelles autorités administratives dites indépendantes ont vu le jour pour se substituer à l’État défaillant dans la régulation des activités économico-financières. Ces autorités sont dotées du pouvoir de réprimer les infractions économiques incriminées par leurs textes constitutifs. Le passage de la répression pénale à une répression de régulation exercée par des autorités administratives est un passage obligé vers une société ou la justice pénale n’intervient que pour réprimer les actes représentant un péril d’une certaine gravité. Pour arriver à cet objectif, il faut dépénaliser les infractions contraventionnelles ainsi que les délits mineurs. Beaucoup de pays ont procédé à des réformes législatives tendant à soustraire au juge pénal la condamnation de ce genre d’infractions en octroyant ce pouvoir aux autorités administratives. L’édification d’un droit administratif pénal est devenue en droit comparé un choix incontournable en raison des bienfaits engendrés par ce type de dépénalisation.
En Algérie, l’idée de dépénaliser lesdites infractions est en état de gestation. Il faut rappeler que la conférence nationale sur la réforme de la justice avait recommandé de rendre la transaction obligatoire en matière de contravention et de délit mineur et de soumettre les poursuites judiciaires en ces matières à un dépôt de plainte préalable et que son retrait entrainera l’arrêt des poursuites. Mieux encore, ladite conférence a suggéré l’introduction du principe selon lequel l’acceptation ou le renoncement de la victime à la réparation des préjudices subis mets fin à l’action pénale. En réalité, ces recommandations ne proposaient pas la soustraction au juge pénal du pouvoir de sanctionner lesdites infractions, elles présentaient des solutions jugées nécessaires pour alléger le lourd fardeau qu’est devenu malheureusement le propre des juridictions pénales, asphyxiées sous le volume des affaires traitées.
De son côté, le ministre de la justice reconnait l’improductivité des sanctions pénales applicables aux contraventions et aux délits mineurs devenues selon lui inopérantes pour la rééducation des contrevenants condamnés. Les peines privatives de liberté de courte durée, précise le garde des sceaux, sont infructueuses, raison pour laquelle il suggère la recherche de modes alternatifs à l’action pénale. En réalité, il existe déjà des exemples de ces modes à l’instar de la conciliation en matière douanière et de change. Le code de procédure pénale prévoyait déjà lors de sa promulgation une amende de conciliation qui est resté malheureusement ineffective à ce jour. Le projet de loi relative à la médiation en matière pénale ne va pas déboucher, tout comme les autres modes alternatifs, sur une quelconque dépénalisation des contraventions et des délits mineurs puisque le juge pénal n’est en aucun cas dessaisi de sa compétence de juger ces infractions.
La dépénalisation des contraventions et des délits mineurs engendre beaucoup d’effets positifs tel que la décriminalisation, la déjudiciarisation, la dépersonnalisation et tant d’autres. Sous l’effet de la globalisation, l’uniformisation des systèmes juridiques est devenu un passage obligé pour tous les États en voie de développement.