Vente internationale de marchandises dans l’union européenne : compétence judiciaire internationale.

Par Juan Carlos Heder, Avocat.

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Explorer : # compétence judiciaire # vente internationale # lieu de livraison # incoterms

L’art. 5.1.b) du Règlement (CE) nº 44/2001, du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale établit que le lieu d’exécution de l’obligation, quand il s’agit d’une vente de marchandises, sera le lieu d’un État membre, où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.

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Par conséquent, afin de déterminer le juge compétent, faut-il appliquer le lieu de livraison finale des marchandises objet du contrat, ou celui où le vendeur réalise son obligation de délivrance, conformément à la législation substantielle applicable au cas d’espèce.

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 9 juin 2011, 3ème Chambre, Affaire C-87/10, Electrosteel Europe SA contre Edil Centro SpA, interprète l’article 5.1.b) du Règlement (CE) nº 44/2001, du 22 décembre 2000 en question.

Un vendeur italien a déposé devant un Tribunal italien une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’acheteur de lui verser la somme de 36 588,26 euros en paiement des marchandises acquises.

L’acheteur français a excipé, à titre liminaire, de l’incompétence de la juridiction italienne saisie. À l’appui de cette opposition, l’acheteur a affirmé que son siège est établi en France et que, dès lors, il aurait dû être attrait devant une juridiction de cet État membre.

Le vendeur italien prétend au contraire que le contrat, conclu à son propre siège, situé en Italie, contient la clause « Resa : Franco ns. [nostra] sede » (« Remise : départ notre siège ») concernant le lieu de livraison de la marchandise et que, par conséquent, les juridictions italiennes sont compétentes pour connaître du litige.

Le vendeur italien se réfère aux termes élaborés par la Chambre de commerce internationale, dont le siège est à Paris, appelés « Incoterms » (« international commercial terms »), dans leur version publiée en 2000 (ci-après les « Incoterms »), rédigés en anglais, qui constitue la langue officielle de ceux-ci, et fait valoir que la clause « Resa : Franco nostra sede » correspond à l’Incoterm « EXW » (« Ex Works »), points A4 et B4 de celui-ci, qui désigneraient le lieu de livraison des marchandises.

Il ressort du dossier que la marchandise qui fait l’objet du contrat litigieux a été livrée à l’acheteur par un transporteur qui a pris en charge cette marchandise en Italie, au siège du vendeur, et l’a livrée en France, au siège de l’acheteur.

Le Tribunal italien sursoit à statuer et pose à la Cour la question préjudicielle suivante : « Convient-il d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement […] et, de façon plus générale, le droit communautaire en ce sens que, lorsqu’il prévoit que, dans un cas de vente de biens, le lieu d’exécution de l’obligation est le lieu où les biens ont été ou auraient dû être livrés conformément au contrat, le lieu de la livraison pertinent aux fins de la désignation du juge doté de la compétence juridictionnelle serait celui de la destination finale des marchandises qui font l’objet du contrat ou en ce sens que ce lieu pertinent serait le lieu où le vendeur s’acquitte de l’obligation de livraison conformément aux règles de droit matériel applicables en l’espèce ou les dispositions précitées seraient﷓elles encore susceptibles d’une autre interprétation ? »

L’arrêt du 25 février 2010, Car Trim (C﷓381/08), dans lequel elle a dit pour droit, au point 2 du dispositif de cet arrêt, que l’article 5, point 1, sous b), premier tiret, du règlement doit être interprété en ce sens que, en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat. Elle a ajouté que, s’il est impossible de déterminer le lieu de livraison sur cette base, sans se référer au droit matériel applicable au contrat, ce lieu est celui de la remise matérielle des marchandises par laquelle l’acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l’opération de vente.

L’arrêt du 9 juin 2011 finit par conclure et dit pour droit :

L’article 5, point 1, sous b), premier tiret, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat.

Afin de vérifier si le lieu de livraison est déterminé « en vertu du contrat », la juridiction nationale saisie doit prendre en compte tous les termes et toutes les clauses pertinents de ce contrat qui sont de nature à désigner de manière claire ce lieu, y compris les termes et les clauses généralement reconnus et consacrés par les usages du commerce international, tels que les Incoterms (« international commercial terms »), élaborés par la Chambre de commerce internationale, dans leur version publiée en 2000.

S’il est impossible de déterminer le lieu de livraison sur cette base, sans se référer au droit matériel applicable au contrat, ce lieu est celui de la remise matérielle des marchandises par laquelle l’acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l’opération de vente.

En conclusion, en matière de vente internationale de marchandises entre établissement ayant leur siège dans des États membres de l’Union Européenne, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat. Le juge devra donc se référer, en premier lieu, sur la commune intention des parties au contrat pour déterminer le lieu de livraison des marchandises en interprétant si besoin les INCOTERMS applicables au contrat si les parties ont voulu s’y référer.

C’est uniquement dans le cas où le contrat serait resté silencieux, que la Juridiction compétente sera celle de la livraison effective des marchandises en question.

En pratique et en cas de doute, il n’est pas impossible de demander au Tribunal de sursoir à statuer et poser la question préjudicielle pertinente à la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Me Juan Carlos Heder
Abogado au Barreau de Valencia & au Barreau du Gers
http://www.maitrejcheder.com

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