L’usurpation d’identité en matière de rachat de crédits.

Par Charlyves Salagnon, Avocat.

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Explorer : # usurpation d'identité # escroquerie numérique # rachat de crédits # protection des consommateurs

Face à l’endettement de nombreux ménages ayant recours à des crédits à la consommation, certains escrocs imaginent se faire passer pour des courtiers afin de proposer le rachat des crédits à des taux quasi nuls.

En réalité, ces escrocs, qui utilisent à dessin l’effigie de courtier bien connus [1], usurpent l’identité des clients pour leur faire souscrire un nouveau crédit, sans rembourser le précédent.

Retour sur cette fraude qui se répand de plus en plus.

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Les techniques d’usurpation d’identités et de vols de données se sont modernisées au fil du temps. A l’instar de la dématérialisation de nos données personnelles, qui ne figurent plus seulement sur les cartes qui dorment dans notre portefeuille, ces délits sont eux aussi bien présents sur le net.

Avec l’essor du numérique, l’usurpation d’identité est devenue pratique courante.

Emancipés d’une implantation physique, et dont le mode opératoire est simplifié par la distance de leurs victimes, les malfrats s’attaquent de plus en plus, par le digital, au domaine du crédit via l’usurpation d’identité.

1) Quelle identité est usurpée ?

Les usurpateurs se font passer pour des courtiers plus ou moins connus.

Le consommateur est contacté par une personne qui se prétend appartenir à ces sociétés spécialisées.

Les escrocs vont jusqu’à utiliser les logos et des adresses emails pour rendre crédible la manœuvre.

Après avoir usurpé l’identité du courtier, les escrocs vont ensuite usurper celle du consommateur en souscrivant en ses lieux à un faux un crédit à la consommation.

Quel consommateurs sont ciblés ?

Tout consommateur, mais particulièrement celui ayant contracté un prêt auprès d’une banque, et notamment un prêt à la consommation.

La victime est souvent ciblée puisque les usurpateurs récupèrent frauduleusement des bases de données d’entreprises.

Cela peut être par exemple le client d’une société dont les données ont été piratées.

Plus souvent encore, ce sont les fichiers clients de sociétés ayant activement démarchés des consommateurs, et se trouvant être en procédure collective.

Il est alors aisé pour une autre société de récupérer les informations qui étaient détenues par ces sociétés qui n’ont plus d’activité en les rachetant de façon plus ou moins licites.

2) Quel modus opérandi ?

Le consommateur est contacté par téléphone, et c’est par la discussion que les faux courtiers n’hésitent pas à prouver qu’ils connaissent leur interlocuteur, captant ainsi l’attention de leur victime en instaurant par la même occasion une relation de confiance.

Sont souvent évoqués au téléphone les éléments suivants :
- L’identité du consommateur
- Le montant du crédit
- Le nom du marié
- Le bulletin de salaire
- D’autres données personnelles qu’ils ont pu préalablement recueillir

En quoi consiste l’escroquerie ?

Une fois ce premier contact établi, et que le consommateur s’est vu offrir une proposition alléchante de la part du faux courtier, ce dernier propose de racheter son crédit.

Il promet donc de faire baisser le crédit, en l’abaissant à un taux plus avantageux pour le consommateur.

Comment procède ensuite l’escroc ?

Lorsque la victime transmet, sur demande de l’usurpateur, des documents personnels comme la copie du contrat de crédit, les pièces d’identité ou la copie de l’avis d’imposition, un nouveau crédit est souscrit.

Le consommateur s’aperçoit sur son compte des sommes que le faux courtiers lui demande de viré sur un compte, souvent ouverts à l’étranger.

Le consommateur effectue alors le virement sur un compte à l’étranger, et cet argent est reversé à l’escroc qui prétexte le remboursement du premier crédit.

A ce stade, l’escroc disparait sans laisser de trace, laissant la victime avec un crédit supplémentaire n’ayant donné lieu à aucune concrète contrepartie.

3) Quel est le comportement à adopter face à cette situation ?

a) Vous êtes au stade du démarchage téléphonique.

En cas de doute doute, vous pouvez consulter et vérifier sur des sites officiels tels que www.orias.fr, le registre public des intermédiaires en assurance, banque et finance. Il est également possible de consulter la liste noire de l’ACPR ou de l’AMF qui répertorie les sociétés douteuses.

Vous pouvez enfin contacter via des coordonnées publiques la société dont il se prétend appartenir.

Toutefois, la consultation de ces sites et de ces listes ne suffit pas à déterminer avec fiabilité que votre interlocuteur est totalement honnête. Une double vérification est préconisée.

b) Vous êtes au stade où le prétendu courtier s’est évaporé dans la nature.

L’action pénale a peu de chance d’aboutir eu égard à la machination bien huilée mise en place par les usurpateurs d’identités.

De nombreux parquets sont saisis de dizaines voire de centaines de plaintes en la matière.

Les enquêtes tes instructions pénales se heurtent néanmoins à de nombreux obstacles, tel que le caractère dématérialisé de l’escroquerie, le fait que les escrocs résident bien souvent dans des pays qui n’extrade pas, ou encore le nombre très important de victimes qui ne se signalent pas.

Le dépôt de plainte sera sans doute une étape nécessaire, mais il est recommandé d’agir sur le plan civil.

A défaut de pouvoir identifier son escroc, la victime ne peut qu’espérer engager la responsabilité de la banque qui a débloqué le crédit sans effectuer de vérifications indispensables.

Ce déblocage de la part de l’établissement a, en effet, contribué à l’endettement excessif du consommateur qui se retrouve in fine avec deux crédits. De plus, il apparaît essentiel d’annuler le deuxième crédit totalement vidé de contrepartie que supporte la victime à la suite de cette arnaque.

A ce propos, les juges semblent se montrer compréhensifs au vu de la situation des victimes, c’est ce que nous illustre le jugement rendu par le TJ de Thonon-les-Bains le 26 octobre 2021 RG n°21/0035.

Dans cette décision, le Tribunal a sanctionné sévèrement l’établissement de crédit pour défaut de vérification et estime qu’il n’est pas démontré qu’il s’agit bien du client qui a signé le prêt en cause.

Il condamne, en conséquence, l’établissement de crédit à rembourser au consommateur l’ensemble des échéances réglées, outre 2 000 € à titre de dommages et intérêts et 3 000 € au titre des frais de procédure.

De quoi faire réfléchir certains organismes de crédits peu regardants...

Charlyves Salagnon,
Avocat Associé (Cabinet BRG Nantes-Paris)
Avocat au Barreau de Nantes
salagnon chez brg-avocats.fr

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[1Tels que LES FURETS.COM, VOUSFINANCER.COM, MEILLEURTAUX.COM ou encore YOUNITED CREDIT.

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