La traduction certifiée : un processus plus complexe qu’il n’y paraît...

Sébastien Bizodot
Traducteur - Chef de Projet
http://www.aspen-trad.com

Dans le cadre de vos dossiers internationaux vous serez probablement amené à faire réaliser une traduction certifiée d’un ou de plusieurs documents. La plupart l’ignorent, mais ce type de traduction implique en fait une procédure beaucoup plus longue qu’une simple traduction libre.

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1. Traduction certifiée ou traduction libre ?

Pour ouvrir une filiale à l’étranger ou effectuer une opération à l’étranger, il n’est pas rare que les autorités du pays de destination concerné demandent de présenter un extrait Kbis à jour de votre société en France, ou tout autre document de ce type. Vous devez alors fournir une « traduction certifiée » par un traducteur assermenté (parfois aussi appelée « traduction assermentée » ou « traduction jurée »). Le traducteur assermenté (traducteur expert près une Cour d’Appel) appose son cachet et sa signature sur la traduction et sur l’original pour certifier la conformité de la traduction avec l’original. Une traduction certifiée peut vous être demandée pour tout document. Pour savoir si ce type de traduction est nécessaire, adressez vous de préférence à l’autorité (tribunal, administration, etc.) qui vous a demandé ladite traduction.

Il est très important de savoir dès le début si une traduction certifiée est nécessaire ou non car le prix et le délai de réalisation diffèrent sensiblement de ceux d’une traduction non-certifiée (plus généralement appelée « traduction libre »). Une traduction certifiée coûte en effet beaucoup plus cher (le traducteur assermenté engage sa responsabilité) et nécessite des délais plus importants (les traducteurs assermentés sont beaucoup moins nombreux que leurs confrères non assermentés, et sont donc très sollicités et peu disponibles).

Notez cependant que le fait qu’un traducteur soit « assermenté » ne signifie pas qu’il a une compétence particulière pour bien traduire les documents juridiques mais seulement qu’il dispose d’un diplôme adéquat et reconnu de niveau Bac+5 et qu’il a prêté serment devant une Cour d’Appel. Les traducteurs assermentés peuvent ainsi être spécialisés dans des domaines variés qui peuvent être nécessaires pour certaines traductions ou n’avoir aucune spécialisation particulière.

2. Traduction certifiée à partir de l’original ou à partir d’une copie ?

Pour une traduction certifiée d’un extrait Kbis (ou d’autres documents de ce type), le pays de destination exige généralement que la traduction soit effectuée à partir de l’original et non à partir d’une copie. Concrètement, cela signifie que le traducteur assermenté devra apposer son tampon et sa signature sur l’original papier fourni et non sur une copie papier de l’original.* Vous devrez donc faire parvenir l’original à ce traducteur, ce qui est à prendre en compte dans les délais de réalisation.

* Une certification à partir d’une copie est souvent acceptée pour des traductions qui seront utilisées en France. Cependant, il vaut mieux demander à l’autorité qui exige la traduction certifiée si elle souhaite qu’elle soit effectuée à partir de l’original ou d’une copie.

3. La nécessité d’avoir le document définitif

Un autre aspect à prendre en compte pour les délais est le fait que le traducteur assermenté peut exiger d’avoir l’original papier entre ses mains pour pouvoir commencer sa traduction (auquel cas le délai devisé commence à courir à réception par le traducteur de l’original papier). Ceci s’explique par le fait qu’il n’a aucune garantie que le fichier initialement envoyé par courrier électronique correspondra effectivement au document qui sera fourni en version papier et qui devra être utilisé pour la certification. Et si les différences entre le PDF et l’original papier sont trop importantes, une traduction effectuée à partir du PDF est autant de temps perdu pour le traducteur qui devra modifier en profondeur sa traduction, voire tout recommencer.

De manière générale, il est préférable que le document à traduire soit dans sa version finale au moment où la traduction est lancée. En effet, une fois terminée, imprimée, certifiée et envoyée par courrier ou par coursier (la traduction certifiée est sous format papier), la traduction certifiée ne pourra plus être modifiée. L’ajout d’une date ou d’une phrase supplémentaire nécessitera donc que le traducteur assermenté, s’il est disponible à ce moment là, modifie sa traduction (notez que certains traducteurs assermentés ne conservent le fichier numérique de leur traduction que pendant quelques mois), imprime la nouvelle traduction (et l’original si la certification doit être faite à partir d’une copie), appose ses tampons et signatures sur les différentes pages de la traduction et de l’original, et renvoie le tout par courrier ou par coursier, avec bien sûr les coûts et délais qui en découlent. Sans oublier que, en cas de certification à partir de l’original papier, la nouvelle version papier de l’original doit auparavant être envoyée au traducteur assermenté.

4. Légalisation et obtention de l’apostille

Une fois la traduction certifiée entre vos mains, tout n’est pas forcément terminé. En effet, si votre traduction certifiée doit être utilisée à l’étranger, il sera nécessaire de procéder à la légalisation de la signature du traducteur assermenté figurant sur la traduction et sur l’original. Pour une utilisation en France, il n’est pas nécessaire de faire légaliser la signature du traducteur assermenté.

La procédure de légalisation est réalisée soit par la mairie du domicile du traducteur assermenté, soit par un notaire, soit par une Chambre de Commerce et d’Industrie.

L’officier chargé de la légalisation compare la signature présente sur les documents certifiés avec la signature présente sur la photocopie de la carte d’identité du traducteur assermenté (photocopie qu’il faut aussi apporter – sauf dans le cas d’une Chambre de Commerce où le traducteur assermenté a déjà déposé sa signature). Il appose ensuite un tampon pour authentifier (légaliser) la signature du traducteur assermenté.

Une fois la légalisation de la signature du traducteur assermenté effectuée, deux cas de figure peuvent se présenter :

1 – Si le pays de destination (celui dans lequel seront utilisés le document et sa traduction) a signé la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 (Cf. liste des États parties à cette Convention), il vous faudra présenter l’original et la traduction certifiée au service de l’apostille de la Cour d’Appel dont dépend la personne qui a légalisé la signature du traducteur assermenté.

2 – Si le pays de destination n’a pas signé la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, vous devrez présenter l’original et la traduction certifiée au Bureau des Légalisations du Ministère des Affaires étrangères et, ensuite, au consulat ou à l’ambassade du pays étranger concerné : Annuaire des représentations étrangères en France.

Vous pouvez aussi consulter le Tableau récapitulatif de l’état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation. Vous y constaterez qu’il existe une dispense de légalisation pour certains pays.

Les conditions de légalisation sont très strictes, tant pour la traduction elle-même que pour l’original. Pour vérifier les démarches à suivre, il est conseillé de contacter le Bureau des Légalisations du Ministère des Affaires étrangères ou du service de l’apostille de la Cour d’Appel afin d’éviter une perte de temps si votre dossier n’est pas conforme aux exigences.

Et surtout n’oubliez pas que toutes ces étapes prennent du temps ! C’est pourquoi il est nécessaire de commencer le plus tôt possible le processus de traduction certifiée.

Références :
- Village de la Justice – Le traducteur assermenté : qui est-il ?
- Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France – Légalisation de signature
- UNETICA (Union nationale des experts traducteurs interprètes près les cours d’appel) – FAQ (section Légalisation de signature)
- France-Diplomatie – Ministère des Affaires étrangères et du Développement international – La légalisation de documents publics français destinés à une autorité étrangère.

Sébastien Bizodot
Traducteur - Chef de Projet
http://www.aspen-trad.com

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  • par Arsène Ousmane TIENDREBEOGO , Le 26 mai 2022 à 15:35

    Je suis un debutant dans le monde de l’Interpretation/Traduction

    Cette article m’a donné des information crusiales !
    Merci encore et j’aimerais approfondir mes connaissance dans mon domaine !

  • par A.D. , Le 1er août 2019 à 14:57

    Le cas des agences est très bien explicité dans cette pétition signée par 850 traducteurs experts : gmtrad.fr/petition.php

  • Bonjour. Est-il exact que les agences de traduction ne peuvent pas être assermentées ? "seule une personne physique peut être expert près les tribunaux, et non une entreprise" (gmtrad.fr/news4.html)

    • par Sébastien Bizodot , Le 20 avril 2015 à 14:55

      Il semble qu’une société puisse être désignée experte dans le domaine de la traduction (ce qui signifierait qu’une agence de traduction peut être assermentée) si c’est elle qui en fait la demande. C’est ce que semble laisser entendre l’article 3 du Décret n°2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005983254&dateTexte=20100708). On peut voir que cet article (relatif aux personnes morales) évoque le domaine de la traduction sans indiquer une quelconque interdiction pour ce domaine.

    • par Larina Eleonora , Le 22 janvier 2016 à 21:53

      Bonjour,
      je suis traductrice de Russe et je souhaiterai demander une assermentation,
      j’ai plusieurs diplômes, juridique et de traductrice mais ils sont en russe, suis-je obligée de les faire traduire pour faire ma demande au TGI ?
      Sur mon site ci joint www.larina-translation.com mon expérience y est détaillée, pensez vous que cela suffise à avoir un agrément du tribunal.
      Merci pour votre aide

    • par Aspen Traduction , Le 26 janvier 2016 à 10:44

      Vous devez vous adresser au TGI de votre domicile pour toutes précisions sur votre dossier.

    • Bonjour,

      J’ai reçu une offre de la London School of Economics pour y étudier en bachelor. Je démarche en ce moment pour obtenir une bourse et il m’est demandé de traduire et faire certifier les avis d’impôt de ma famille. Je les ai traduits moi-même, comment puis-je les faire vérifier/certifier ? Passer par une agence de police ou un traducteur serait trop long, l’université devant avoir reçu le dossier papier pour le 1er juin (et je suis en France !)
      Y a-t-il un service au consulat du Royaume-Uni qui puisse m’aider ? La mairie ?

      Merci de votre aide et de votre prompte réponse !

    • par Yoan D. , Le 24 mai 2018 à 11:30

      Les seuls cas connus d’entreprises ayant une assermentation sont des espèces d’ONG travaillant pour les populations migrantes et que certaines Cour d’Appel ont validé. En tout cas pas une seule agence n’est sur les listes officielles, ca c’est une certitude.

  • par Alain GOMEZ , Le 9 février 2015 à 13:02

    Article intéressant mais quelques inexactitudes :
    les critères de sélection des experts sont définis par le Décret n°2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires et notament
    4° Exercer ou avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité en rapport avec sa spécialité ;
    5° Exercer ou avoir exercé cette profession ou cette activité dans des conditions conférant une qualification suffisante ;
    6° N’exercer aucune activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise ;
    aucune référence aux titres ou diplômes
    l’apostille concerne le document original mais pas la traduction. elle doit pêtre aposée avant la traduction

    Alain GOMEZ, ancien expert judiciaire agréé par la Cour de Cassation

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