Toutefois, un rapport dévoilé et commenté le 3 décembre 2012 par le vice-président du tribunal populaire intermédiaire de Pékin, Chen Rui, semble annoncer un avenir meilleur pour les titulaires de droits confrontés à ce problème.
Ce rapport, mené sur « les causes et les caractéristiques du trademark squatting, et sur la réponse judiciaire devant y être apportée », a été confié aux magistrats de Pékin spécialisés en propriété intellectuelle, car, selon les termes de Chen Rui, c’est au tribunal qu’il revient de veiller à atteindre un objectif d’élimination de tout trademark squatting, dans l’exercice de son pouvoir judiciaire et de son rôle d’interprétation des normes. En effet, dans tout procès mettant en cause un dépôt de marques prétendument frauduleux, le tribunal doit garder à l’esprit cet objectif d’endiguement du trademark squatting. Le magistrat ajoute qu’il s’agit là d’une étape nécessaire en vue d’atteindre un objectif de protection forte et efficace de la propriété intellectuelle en Chine. D’ailleurs, pour illustrer cette idée et pour montrer la voie à suivre aux différentes juridictions, le tribunal rendit le même jour six jugements, tous dirigés dans le même sens et sanctionnant la pratique du trademark squatting.
Si l’on s’intéresse de plus près à ce rapport, on remarque que ses auteurs pointent du doigt l’actuel système chinois d’enregistrement des marques comme ayant causé l’apparition des dépôts frauduleux. En effet, ce système, basé sur un rapport entre un faible coût et un rendement élevé, a favorisé l’émergence du trademark squatting, mais également la spécialisation de certains avocats et conseils en propriété industrielle, qui en font désormais leur activité habituelle. Or, le développement d’une telle pratique engendre inévitablement des conséquences fâcheuses pour les acteurs économiques établis en Chine, que ce soit du point de vue de la concurrence ou de l’impératif de loyauté dans les relations commerciales. Mais surtout, ce phénomène entrave fortement les efforts déployés par les autorités chinoises visant à favoriser le passage d’une économie industrielle vers une économie de marché, dans laquelle la marque d’un opérateur économique fait figure d’outil indispensable pour se démarquer de la concurrence. Ainsi, la protection des droits de propriété intellectuelle en pâti, et plus généralement c’est l’attractivité de la Chine à l’égard des capitaux étrangers qui pourrait en subir les frais.
Le rapport est guidé par le constat suivant lequel les remèdes actuels pour lutter contre le trademark squatting sont insuffisants. Les rédacteurs insistent sur une idée simple : cette pratique doit être combattue à tous les niveaux : législatif, judiciaire, administratif. En effet, l’intention du législateur devrait être, en matière de droit des marques, d’éliminer tout trademark squatting et de favoriser une concurrence saine et loyale. Quant au rôle joué par l’administration, elle devrait renforcer le contrôle exercé sur les cabinets de conseil en propriété industrielle mais également prohiber l’enregistrement de marques en dehors du secteur d’activité du déposant, selon le rapport. Enfin, les magistrats insistent sur le rôle que doit jouer la publicité afin de corriger l’idée fausse, et pourtant communément répandu, selon laquelle le trademark squatting serait une pratique loyale.
On peut lire au sein du rapport certaines mesures concrètes que les rédacteurs incitent à adopter prochainement. Parmi celles-ci, peuvent être mentionnées l’extension de la protection relative aux appellations commerciales renommées, le bénéfice d’une protection accordée aux noms de personnages fictifs figurant dans les œuvres de l’esprit, l’application stricte de la règle de la déchéance pour défaut d’exploitation du signe durant trois ans, ou encore l’appréciation de la notoriété d’une marque au regard du consommateur moyen.
En attendant l’adoption d’une nouvelle loi, le rapport incite les autorités à adopter de nouvelles directives d’examen des demandes d’enregistrement de signes à titre de marques. Peuvent être mises en avant plusieurs mesures devant aboutir au rejet des demandes d’enregistrement manifestement frauduleuses. Le rapport encourage l’office chinois des marques à rendre public le registre relatif aux déposants frauduleux en vue des faciliter les actions en opposition. Par ailleurs, un système devra être mis en place afin de permettre aux titulaires de droits de signaler les différentes pratiques de trademark squatting à l’administration.
En ce qui concerne les actions en opposition d’enregistrement d’une marque, le rapport incite l’administration à expliciter deux types de preuve : d’un côté, la preuve de l’effet néfaste sur la concurrence et la protection des droits, requise en vue de s’opposer à l’enregistrement d’une marque frauduleuse ; d’un autre côté, les différentes preuves du caractère protégeable des signes déposés par les prétendus trademark squatters, lesquelles devront être étudiées avec le plus grand soin.
Enfin, les rédacteurs invitent l’administration à la plus grande fermeté vis-à-vis des prétendus trademark squatters : dans l’hypothèse où la demande d’enregistrement ferait l’objet d’une opposition, le déposant serait dans l’obligation de répondre à celle-ci en apportant des arguments relatifs à sa bonne foi et au caractère protégeable de son signe, sous peine de voir sa demande purement et simplement rejetée.
Avec la mise en place de ces différentes mesures, le tribunal espère que la prolifération du trademark squatting ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir.