Depuis la loi n° 2001-504 du 12 juin2001 (dite About-Picard), l’emprise mentale et les dérives sectaires sont sanctionnées en tant que telles. Ainsi, l’article 223-15-2 du code Pénal, relatif à l’abus de faiblesse, punit :
« l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse (…) d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire (…) cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».
Les peines sont aggravées
« lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ».
Le concept d’emprise mentale.
L’emprise mentale touche toutes les classes sociales, comme on peut le constater dans l’affaire dite « les reclus de Monflanquin » [1].
Le manipulateur saura profiter d’une faille chez sa future victime (cette faille peut résulter d’une rupture brutale, d’un décès récent ou d’un traumatisme plus ancien) pour se présenter en être supérieur par un discours pertinent.
Une relation de domination-soumission se met alors en place à l’initiative du gourou qui va lui permettre de créer une prison psychique contaminant tous les aspects de la vie quotidienne de sa victime. Il devient le référent pour toutes les décisions qui seront prises par sa victime, celle-ci n’ayant plus son libre arbitre même pour des actes anodins de la vie de tous les jours. Le manipulateur prendra le contrôle de l’intimité de sa victime, de sa vie professionnelle et de sa vie familiale. Il pourra l’inciter à se mettre en couple avec des personnes de son choix, à exercer telle ou telle activité ou à rompre avec ses proches.
La rupture familiale est un paramètre récurrent dans ce genre de dossier, elle commence généralement par l’isolement d’avec la famille la plus éloignée et les amis, puis vient le tour des parents et des enfants majeurs. Les proches devront alors tenter de conserver un minimum de liens.
Le manipulateur frauduleux obtiendra de ses victimes un avantage pécuniaire (spoliation des biens existants ou d’une partie des salaires), un avantage en nature (fruit de leur travail) ou un avantage d’ordre sexuel.
A la différence d’une personne escroquée (ou manipulée selon le langage courant), la victime de manipulation mentale ou de dérives sectaires a perdu son libre arbitre, le manipulateur gourou en a pris le contrôle. A terme, plus aucune décision de la vie quotidienne ne pourra être prise sans l’aval de ce dernier.
L’intervention du détective privé dans le cadre de l’emprise mentale.
La difficulté majeure de l’emprise mentale vient de l’impossibilité pour les victimes, toujours sous emprise de déposer plainte. Il arrive parfois qu’une victime puisse d’elle-même sortir de l’emprise et dépose plainte. Les enquêtes pénales pourront alors être menées par la Cellule d’Assistance et d’Intervention en Matière de Dérives Sectaires (Caimades) placée au sein de l’Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes (OCRVP).
L’enquête de la Caimades permettra parfois de sortir d’autres personnes des griffes du gourou. Dans cette hypothèse, l’enquête du détective privé restera très limitée, ce dernier ne disposant pas de prérogatives de puissance publique et ne devant, en aucun cas, perturber l’enquête en cours.
A contrario, tant que la victime est sous emprise et qu’aucun dépôt de plainte n’est déposé, la famille inquiète pourra recourir aux services du détective privé pour obtenir des éléments d’informations. L’enquête devra permettre de répondre à différentes questions : le proche fréquente-t-il un groupe s’apparentant à un mouvement sectaire [2], a-t-il profondément changé ses habitudes (alimentaires, vestimentaires, sociales), s’est-il éloigné de ses proches ?
L’enquêteur privé, mandaté par la famille et non par la victime elle-même, devra être particulièrement prudent quant aux éléments d’informations qu’il transmet aux requérants. Particulièrement lorsqu’aucun élément ne vient corroborer l’hypothèse d’une emprise mentale. En effet, le proche peut avoir pris ses distances avec sa famille de son plein gré et l’atteinte à sa vie privée serait dans ce cas disproportionnée par rapport à l’intérêt défendu.
A l’inverse, l’enquête révélant des éléments caractéristiques de l’emprise mentale (rupture de lien, changement radical de comportement…) permettra à la famille requérante d’alerter les autorités compétentes et, si ce n’est pas déjà fait, de se rapprocher d’un avocat spécialisé dans le domaine des dérives sectaires.
Le rapport du détective privé devra être circonstancié et objectif, il n’a pas vocation à apporter un diagnostic psychologique. En aucun cas il ne peut établir l’existence d’une emprise mentale, cette analyse n’étant pas de son ressort, et celle-ci nécessitant de pouvoir étudier à la fois la prétendue victime et son manipulateur.
Face à la complexité de cette matière, des associations pluridisciplinaires existent [3], permettant de répondre davantage aux besoins des familles, en leur proposant une aide juridique, psychologique ainsi que des investigations privées.
L’Exit Counseling (la sortie d’emprise) pourra parfois être proposée aux familles, cette technique pratiquée sans aucune contrainte ni violence doit être différenciée des techniques controversées de « deprograming » pratiquées dans les années 70 aux Etats-Unis [4].
