OSINT et recherche de preuves numériques : c'est (aussi) utile pour les avocats.

OSINT et recherche de preuves numériques : c’est (aussi) utile pour les avocats.

A. Dorange
Directrice juridique & associée Ogma Intelligence
Article réalisé pour la Rédaction du Village de la Justice

Synthèse réalisée par la Rédaction du Village de la Justice

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Explorer : # osint # intelligence économique # collecte de données numériques # preuves numériques

Le fait de rechercher, collecter ou analyser des données et informations librement accessibles est désormais communément désigné sous l’acronyme OSINT pour Open Source Intelligence [1].
Plus qu’une recherche dans un moteur (de recherches), cet outil de l’intelligence économique s’appuie sur des méthodologies et un savoir-faire spécifiques. Du renseignement d’affaires à la veille concurrentielle, l’exploitation des informations numériques librement accessibles fait désormais aussi partie des outils du Conseil. On vous en dit plus.

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Note aux lecteurs...

Cet article a été publié dans le numéro 99 du Journal du Village de la Justice intitulé "Inclusion & diversité".

Vous en trouverez ici une synthèse, avec un renvoi indiqué par ce symbole vers la page du dossier en intégralité si vous souhaitez en savoir plus...

Bonne lecture !

D’une finalité plutôt évidente en matière judiciaire, le recueil de renseignements numériques s’étend au-delà de la seule constitution de la preuve. Il peut s’avérer particulièrement précieux pour le cabinet lui-même et pour proposer un accompagnement stratégique à son client.

Collecte des données numériques au-delà de la preuve.

La réflexion relative à la collecte de données et d’informations numériques s’inscrit, sans surprise, majoritairement dans un cadre judiciaire, s’agissant de la (pré-)constitution de la preuve et de son administration. Ceci, particulièrement au sein de notre système judiciaire pénal, tant il est vrai que « si les autres champs du droit n’échappent pas à ces évolutions, c’est certainement sur la matière pénale que leurs conséquences sont les plus importantes » [2].

La catégorie "preuves numériques" a un contenu hétérogène et « correspond[rait] à ce que l’on veut bien mettre dedans ». Deux grands ensembles pourraient néanmoins être identifiés, constitués, pour l’un, par des preuves analogiques qui ont été numérisées et, pour l’autre, par des « procédés ayant changé sous l’effet de la technologie, mais dont la fonction ne diffère pas » (courriel vs correspondances papier, géolocalisation vs filature, etc.).

Plus précisément, comme l’indiquait le Comité européen de coopération juridique en 2015 [3], il est possible de recenser au moins trois types d’éléments numériques servant habituellement lors des procédures judiciaires :

  • les preuves en provenance de sites internet accessibles au public, tels que (cette liste n’est qu’indicative) les blogs et les images publiées sur les réseaux sociaux ;
  • les preuves substantielles (ou probantes), tels que l’e-mail ou des documents en format numérique non publics stockés sur des serveurs [ou des supports de stockage externe] ;
  • l’identité présumée d’un utilisateur et des données de trafic (« métadonnées ») utilisées pour aider à identifier une personne en découvrant la source de la communication (mais non le contenu).

Acteurs de l’OSINT.

Lorsqu’il est nécessaire de réaliser des investigations numériques, pour leur propre compte ou pour celui de leurs clients, « bien souvent, les avocats ont recours à l’expert pour arriver à constituer cette preuve car cela demande un savoir-faire, la maîtrise d’une méthode scientifique » [4].

Mais en dehors du cadre strictement processuel de l’expertise, d’autres partenariats peuvent être noués avec des partenaires spécialisés, inscrits ou non en tant qu’experts judiciaires. Détectives privés, professionnels de la cybersécurité, professionnels de la compliance et autres spécialistes de l’OSINT sont en effet susceptibles d’aider à collecter et analyser les données et informations numériques.

Détectives privés, enquêteurs privés, agents de recherche privée, les appellations sont nombreuses. Les acteurs privés de l’investigation en source ouverte peuvent, globalement, être regroupés en deux catégories :

  • d’une part, les détectives privés, au sens de l’article L. 621-1 du Code de la sécurité intérieure, exerçant sous la houlette du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS) ;
  • d’autre part, des acteurs de l’intelligence économique [5].

D’autres acteurs, institutionnels et associatifs [6], participent également à l’écosystème de la veille et de recherche d’informations "stratégiques".

L’avocat(e) peut aussi bien sûr réaliser lui-même ces recherches, en utilisant ou non des outils numériques spécialisés. Et, dans ce cadre, la formation aux méthodologies et aux techniques d’investigation numérique peut s’avérer particulièrement utile. Le Règlement Intérieur du Barreau de Paris (RIBP) en a d’ailleurs fait une condition de la mission de « l’avocat conseil et correspondant risques, intelligence et sécurité » (RIESE) [7]. L’intelligence économique et ses outils ne sont bien sûr pas étrangers aux avocats et bon nombre de praticiens conseillent leurs clients sur ces sujets.

Méthodologie de l’OSINT et conformité des pratiques.

« La qualité d’un bon chercheur réside moins dans sa connaissance intrinsèque d’une multitude d’outils que dans sa capacité à tirer profit au maximum des informations dont il dispose et à établir des connexions entre elles pour en recueillir de nouvelles. Bien évidemment, plus un chercheur maîtrise d’outils, plus il aura de chance de trouver ce qu’il cherche. » [8]

Un simple survol du Guide du Routard de l’intelligence économique édité en 2014 [9], et de sa « sélection de sites internet, d’outils de veille, d’outils décisionnels, de ressources » suffit à s’apercevoir de la multitude des outils disponibles.

Mais l’OSINT n’est pas qu’une question d’outils, c’est également celle d’une méthodologie.
Trouver des sources fiables, hiérarchiser les informations, prioriser ses recherches, affiner les points à cibler, documenter ses propos sont autant d’étapes nécessaires à la réalisation d’une veille et d’une collecte d’informations numériques [10]. La sauvegarde des données et la rédaction d’une documentation chronologique et la traçabilité des recherches font partie des « bonnes pratiques » en la matière, notamment pour pouvoir attester de la légalité du processus et des données collectées.

Nul besoin d’insister plus avant sur le fait que les données, mêmes si elles venaient à être librement accessibles, peuvent être protégées à différents titres. Quoi qu’il en soit, on le constate, sans réelle surprise, que les questions suscitées par la collecte de données et d’informations numériques, particulièrement dans un cadre extra-judiciaire, relèvent de leur authenticité et de leur loyauté, tant d’un point de vue technique, que de celui de la garantie des droits. De quoi nous inviter à réfléchir sur l’existence d’un « droit de l’OSINT »...

A. Dorange
Directrice juridique & associée Ogma Intelligence
Article réalisé pour la Rédaction du Village de la Justice

Synthèse réalisée par la Rédaction du Village de la Justice

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Notes de l'article:

[1ou ROSO, pour Renseignement d’Origine Source Ouverte

[2Voir not. G. Burroni, « La preuve pénale par les données issues des objets connectés », Dalloz Actualités, 3 mai 2021, www.dalloz-actualite.fr.

[3Conseil de l’Europe, Comité européen de coopération juridique, L’utilisation des preuves électroniques dans les procédures civiles et administratives et son impact sur les règles et modes de preuve, Étude comparative et analyse, juill. 2016, n° CDCJ(2015)14 final.

[4M. Clément-Fontaine, Clôture du colloque CNEJITA, La preuve numérique à l’épreuve du litige

[5Adhérents ou non du SYNFIE (SYNdicat Français de l’Intelligence Économique) qui regroupe des professionnels indépendants et/ou salariés, dont l’activité professionnelle habituelle consiste notamment à collecter et analyser l’information économique stratégique

[6Voir not. DRIEETS Île-de-France, avr. 2018, Guide des acteurs franciliens de l’intelligence économique. Pour le secteur associatif : Open facto, OSINT-FR, etc.

[8Guide de l’intelligence économique, précité.

[9P. Gloaguen (dir.), 2014, Guide de l’intelligence économique, Hachette, Le Routard, p. 100.

[10C. Dolé, Conférence Veille et OSINT au service de l’investigation et de la traçabilité du marché de l’art, École de Guerre Économique, déc. 2022, synthèse par R. Le Goascogne.

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