À quoi sert l’entretien de fin de contrôle URSSAF ?

Par Nicolas Taquet et François Taquet, Avocats.

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Explorer : # entretien de fin de contrôle # procédure contradictoire # urssaf # droits des cotisants

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L'entretien de fin de contrôle a plusieurs objectifs : déterminer la date de fin du contrôle, avoir une explication orale avec le cotisant, permettre au cotisant de présenter ses observations, et rattraper d'éventuelles insuffisances de l'organisme quant à la procédure contradictoire. Cependant, les dispositions entourant cet entretien sont peu claires et peu protectrices, ce qui soulève des interrogations sur le moment où il doit avoir lieu, la procédure à suivre, le contenu de l'entretien et les sanctions en cas de non-respect des dispositions. Ces modalités doivent être revues et précisées afin de valoriser la procédure contradictoire.
Description rédigée par l'IA du Village

L’entretien de fin de contrôle est un moment important lors d’un contrôle URSSAF. Il clôt la période de contrôle proprement dite et annonce la phase contradictoire d’observations. C’est donc un instant charnière au cours duquel un échange oral aura lieu entre le cotisant et l’inspecteur de l’URSSAF qui lui fera part de ses premiers retours.

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Pratiquement, l’entretien de fin de contrôle a plusieurs objectifs :

  • Déterminer la date de fin du contrôle, sachant que le Code de la sécurité sociale fait expressément référence à cette notion (CSS art R 243-59 III al 1) ;
  • Avoir une explication orale avec le cotisant. Sans doute ne faut-il pas oublier qu’outre l’éventuel aspect de redressement, une vérification a aussi un rôle pédagogique ;
  • Permettre au cotisant de présenter ses premières observations dans le cadre d’une législation qui le protège finalement assez peu ;
  • « rattraper » les éventuelles insuffisances de l’organisme quant à la procédure contradictoire. En effet, on sait en effet, que durant le contrôle, le cotisant doit bénéficier d’un « débat contradictoire ». Cette notion de dialogue et d’échange sur les pièces contrôlées est d’ailleurs inscrite au sein de la Charte du cotisant contrôlé. À cet égard, la Charte dispose que le contrôle « est une procédure contradictoire qui assure la garantie de vos droits » ; il « repose avant tout, sur un dialogue permanent entre vous ou votre représentant et l’agent chargé du contrôle ». C’est « une occasion d’échanges et de dialogue » ; il « constitue également un moment utile pour vous conseiller et prévenir les difficultés rencontrées dans l’application des textes » ; une définition est même donnée : « procédure contradictoire : lors du contrôle, procédure qui permet un dialogue permanent entre la personne contrôlée et celle qui effectue le contrôle ». Il est important en outre de préciser que suivant l’article R 243-59 I al 4 du Code de la sécurité sociale, « les dispositions contenues dans la charte sont opposables aux organismes effectuant le contrôle ». Or, on sait que dans un souci de rentabilité, maints contrôles sur place se transforment en contrôle sur pièces avec demande d’envoi de documents par mail, analysés au sein de l’organisme ou copie de documents sur clé USB, étudiés hors des locaux de l’entreprise. Il est donc tentant pour les URSSAF de « régulariser » de telles pratiques qui constituent autant de manquements au nécessaire dialogue pendant le contrôle sur place, par le biais d’un entretien de fin de contrôle.

I – Un processus souhaité de longue date.

On se souvient que dans le passé, certaines propositions de loi avaient souhaité cette possibilité d’entretien de fin de contrôle [1]. Qui plus est, dans le domaine fiscal, et par la diffusion en 2015 d’un document intitulé « 10 engagements pour un contrôle fiscal des entreprises serein et efficace » la Direction Générale des Impôts avait initié cette nouvelle garantie en faveur des contribuables, en indiquant : « nous nous engageons à tenir une réunion de synthèse à la fin des opérations sur place pour réexposer les rectifications envisagées et les incidences financières estimées qui vont être proposées et discuter les arguments ou justificatifs que vous présenterez » (on notera toutefois, en matière fiscale, qu’aucun texte ne prévoit l’obligation formelle d’organiser une réunion de synthèse [2]).

Dans un système, où l’influence du droit fiscal n’est plus à démontrer, il ne restait plus qu’à élargir cette notion d’entretien dans le cadre du contrôle URSSAF.

Une première approche fut réalisée dans le cadre de la Charte du cotisant 2022 (arrêté du 31 mars 2022 JO du 13 avril 2022) et dans les termes suivants : « à l’issue de ses investigations, lorsque des observations avec ou sans redressement sont envisagées et hors constat de travail dissimulé ou d’obstacle à contrôle, l’agent chargé du contrôle doit vous proposer un entretien afin de vous présenter le résultat de ses analyses et les suites éventuelles » [3].

Finalement, le décret n° 2023-262 du 12 avril 2023 a inscrit cette notion dans le Code de la Sécurité sociale (CSS art R 243-59 II al 6) :

« sauf, dans le cas où, le contrôle est réalisé pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L8221-1 du Code du travail ou lorsqu’est constatée la situation d’obstacle à l’accomplissement des fonctions des agents de contrôle prévue à l’article L243-12-1 du présent code, l’agent chargé du contrôle propose à la personne contrôlée ou à son représentant légal, avant d’adresser la lettre d’observations mentionnée au III, une information sous la forme d’un entretien afin de lui présenter, le cas échéant, les constats susceptibles de faire l’objet d’une observation ou d’un redressement ».

Ces termes ont été ainsi repris dans la Charte du cotisant 2024 [4], qui dispose désormais que : « à l’issue de ses investigations, lorsque des observations avec ou sans redressement sont envisagées et hors constat de travail dissimulé ou d’obstacle à contrôle, l’agent chargé du contrôle doit, avant l’envoi de la lettre d’observations, vous proposer (ou à votre représentant) un entretien afin de vous présenter le résultat de ses analyses et les suites éventuelles qu’il s’apprête à donner » ; en outre, dans le cadre du contrôle sur pièces qui peut être mise en œuvre pour les entreprises « occupant moins de onze salariés » [5].
Il est d’ailleurs précisé que l’entretien peut être «  téléphonique ».

II– Des dispositions peu claires et peu protectrices.

Si l’intention des pouvoirs publics est légitime, en revanche, la mise en œuvre de cette garantie est sujette à interrogations.

La première question, empreinte de simplicité, est de savoir quand doit avoir lieu cet entretien. Et, sur ce point, contrairement à ce que l’on pourrait croire, rien n’est précis.
La Charte indique que celui-ci doit avoir lieu « à l’issue des investigations de l’agent ». Et, en effet, il apparaît cohérent et de bon sens que cet entretien se tienne au terme de la vérification puisque celui-ci portera sur les « constats susceptibles de faire l’objet d’une observation ou d’un redressement ».
Quant à l’article R. 243-59 II al 6 du CSS, il prévoit que l’entretien doit se tenir « avant d’adresser la lettre d’observations ».
C’est donc durant ce laps de temps (entre la fin des investigations et l’envoi de la lettre d’observations) que la rencontre doit se faire. Mais cela n’est guère précis.

Certes, comme l’a décidée la Cour d’appel d’Orléans :

« la charte du cotisant ne prévoit nullement que l’entretien que l’agent de contrôle peut proposer au cotisant doit se dérouler à la date de la fin de contrôle soit au jour de la lettre d’observations. Il appartient à l’agent chargé du contrôle d’apprécier l’état d’avancée de ses investigations pour proposer un entretien au cotisant, qu’il peut refuser, pour lui présenter le résultat de ses analyses » [6].

Cependant, dès lors que l’entretien se déroule avant le terme des opérations de contrôle, il convient logiquement que l’organisme apporte la preuve que les investigations étaient terminées afin d’avoir une confrontation utile avec le cotisant.

La deuxième incertitude relève de la procédure. En général, l’inspecteur de l’URSSAF notifie par écrit une « proposition d’entretien de fin de contrôle » avec mention des modalités de l’entretien (date, heure, lieu …). Le cotisant est alors invité à retourner cette proposition signée. Toutefois, et en cas d’acceptation de cet entretien par le cotisant, aucun procès-verbal n’est en général établi à l’issue de l’entretien. Ainsi, une unique « proposition d’entretien de fin de contrôle », même signée par le cotisant n’est sans doute pas suffisante à établir que cet entretien a effectivement eu lieu. Certes, « les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d’observations est un élément constitutif, font foi jusqu’à preuve contraire » [7]. Mais le cotisant pourrait détruire cette présomption en apportant la preuve (par tout moyen) qu’aucun entretien ne s’est tenu. Qui plus est, il semble que l’entretien doive se dérouler avec l’employeur et non (sauf mandat) avec des salariés qui n’ont pas la faculté d’engager le cotisant [8].

La troisième observation est liée au contenu de cet entretien. Et, là encore, force est de constater que rien ne semble évident. En effet, l’article R243-59 II al 6 du CSS prévoit qu’au cours de cet entretien, l’agent de l’URSSAF présente « les constats susceptibles de faire l’objet d’une observation ou d’un redressement ».
On s’attache donc aux faits (« les constats »). Mais, la Charte semble aller un peu plus loin puisqu’elle demande que l’événement porte également sur « les suites éventuelles que l’agent s’apprête à donner ». Pour la charte, l’entretien va au-delà d’un simple « constat » puisqu’on a déjà un pied dans la suite de la procédure (« s’apprête à… ») avec une qualification, voir un chiffrage du redressement.
D’un point de vue terminologique, il est intéressant de relever que cet « entretien » porte en réalité très mal son nom puisqu’il ne s’agit ni d’une « discussion », ni d’une « conversation » ni d’un « dialogue » mais d’un simple monologue de l’agent faisant part des manquements constatés. On est donc très loin de la réunion de synthèse en matière de contrôle fiscal dont l’objet est également de discuter des arguments ou justificatifs du contribuable. En conséquence, il est clair que cet entretien ne saurait rattraper d’éventuels manquements au nécessaire débat contradictoire pendant le contrôle.

Le quatrième constat est celui de l’exclusion de ce dispositif en cas de travail dissimulé ou d’obstacle à contrôle. Une telle restriction (qui concerne également la prolongation du délai de réponse du cotisant suite aux observations de l’URSSAF [9]) constitue pour le cotisant une double peine. Déjà frappé par une procédure violente, par une banalisation de la notion de travail dissimulé, et par des sanctions démesurées, le cotisant se voit exclu de ces dispositions, sans que les motifs de cet écartement n’apparaissent clairement, si ce n’est la volonté de punir davantage les personnes convaincues de ces infractions.

Enfin, une dernière interrogation porte sur les sanctions qui doivent être mises en œuvre en cas de non-respect de ces dispositions.
Rappelons sur ce point que les dispositions relatives aux modalités de contrôle sont d’interprétation stricte [10]. Il semble donc, que le non-respect des dispositions de l’article R 243-59 II al 6 du Code de la Sécurité sociale entraîne la nullité de la procédure de contrôle. Le sujet vaut donc la peine que l’on s’y intéresse.

Ainsi, et au terme de cette rapide étude, force est de constater que si l’idée de l’entretien de fin de contrôle est louable, ses modalités de mise en œuvre et son contenu doivent être revus et précisés avec plusieurs objectifs : prévoir les conditions d’une discussion avec le cotisant avant l’envoi des observations et gommer les restrictions à l’entretien. Nul ne saurait s’opposer à ces propositions qui n’ont d’autre but que de valoriser la procédure contradictoire dans le cadre du contrôle de cotisations.

Nicolas Taquet,
Avocat au Barreau de Pau
taquetnicolas chez gmail.com

François Taquet,
Avocat au Barreau de Cambrai
francois-taquet chez orange.fr

https://www.taquet-avocats.fr/

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[1V. pour exemple : Sénat. proposition de loi n° 572 (session ordinaire de 2018-2019) tendant à améliorer le dialogue et les garanties des cotisants lors des contrôles URSSAF, art 4.

[2CE, 11 avril 2008 n° 293754 ; confirmé encore par CAA de Paris, 12 mai 2015, 12PA05080.

[3Rappelons que suivant l’article R243-59 I al 5 du Code de la sécurité sociale, « les dispositions contenues dans la charte sont opposables aux organismes effectuant le contrôle ».

[4Arrêté du 30 janvier 2024 JO du 6 février 2024.

[5CSS art R 243-59-3.

[6Orléans. Chambre sécurité sociale. 26 septembre 2023. RG n° 22/01794.

[7Cass civ. 2°. 15 juin 2017. pourvoi n° 16-13855.

[8V. pour une solution parallèle : est nul un redressement dès lors qu’un inspecteur du recouvrement a utilisé des documents qui lui ont été transmis par des salariés qui n’avaient pas le pouvoir d’engager l’entreprise : Cass civ.2°. 28 septembre 2023. pourvoi n° 21-21633, Angers. Chambre sociale. 12 janvier 2016. RG n° 13/02416 - 13/02414.

[9CSS art R 243-59 III al 8.

[10Cass soc. 28 novembre 1991. pourvoi n° 89-11287, Cass civ.2°. 10 mai 2005. pourvoi n° 04-30046, 19 septembre 2019. pourvoi n° 18-19929.

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