Quand la revente de produits cosmétiques de luxe d’occasion est constitutive de contrefaçon et parasitisme.

Par Agathe Zajdela, Avocat.

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Explorer : # contrefaçon # parasitisme # revente de produits d'occasion # produits cosmétiques

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Une personne a été poursuivie en justice par Chanel pour avoir revendu des produits cosmétiques de luxe d'occasion à une société spécialisée dans la vente de produits multimarques d’occasion. La Cour d'appel a considéré que la vente d'échantillons gratuits était une contrefaçon et que la vente de produits cosmétiques sans emballage d'origine constituait une altération du produit.
Description rédigée par l'IA du Village

La Cour de cassation a confirmé un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait condamné Easy cash, spécialisée dans la vente de produits multimarques d’occasion, y compris de luxe, pour avoir revendu des produits cosmétiques et parfums sous la marque Chanel, et ce sur le fondement de la contrefaçon de marque et du parasitisme.
Cass. com., 6 dec. 2023, n° 20-18.653.

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Dans cette affaire, une particulière avait acquis auprès d’un revendeur Chanel agréé des produits cosmétiques et parfums Chanel, qu’elle avait ensuite revendus à Easy cash (société Ouest SCS).
Parmi ces produits, figuraient des échantillons, des produits usagés (dépourvus du film plastique d’origine) et des produits dotés de leur emballage d’origine. Easy cash avait commercialisé l’ensemble de ces produits dans une de ses boutiques située dans un centre commercial de la Roche-sur-Yon.
C’est dans ces conditions que Chanel avait assigné la particulière et Easy cash en contrefaçon de marque et parasitisme.

1. Concernant la vente d’échantillons de produits cosmétiques.

Chanel faisait valoir que les échantillons n’avaient pas été introduits sur le marché avec son accord pour être vendus mais, uniquement pour être distribués gratuitement.
Les produits comportaient d’ailleurs la mention « échantillon gratuit – ne peut être vendu ».

La Cour d’appel [1] avait suivi Chanel en adoptant cependant un raisonnement pour le moins obscure, elle estimait en effet que :

« il n’y a ainsi pas eu de transfert de propriété » des échantillons compte tenu de leur simple remise gratuite aux clients, et que « le titulaire de la marque, qui avait fabriqué et distribué ces échantillons était fondé à les remettre ou les faire remettre à de potentiels clients pour un usage restreint excluant leur revente ».

En conséquence, la revente de ces échantillons étant expressément interdite par Chanel, leur commercialisation par Easy cash est constitutive de contrefaçon.

La Cour de cassation vient confirmer l’arrêt de la Cour d’appel, mais par substitution de motifs, et ce, sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE selon laquelle :

« la fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu’échantillons gratuits, ne constitue pas, en l’absence d’éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94 » [2].

Ainsi, en l’absence d’introduction de ces échantillons dans le commerce par CHANEL, leur commercialisation par Easy cash constitue donc une première mise sur le marché non autorisée constitutive de contrefaçon de marque.

2. Concernant les produits cosmétiques d’occasion dont l’emballage cellophane a été retiré (usagés ou non).

Les produits avaient été acquis licitement auprès d’un revendeur agréé par Chanel et ainsi introduits sur le marché européen avec son accord. Selon l’article L713-4 du Code de la propriété intellectuelle, ces derniers pouvaient donc en principe librement circuler sur le territoire de l’UE sans que Chanel ne puisse invoquer l’existence d’un réseau de distribution exclusive qui ne peut faire obstacle à la libre revente de produits d’occasion.

Toutefois, les produits cosmétiques souffrent d’une certaine fragilité en ce qu’ils comportent, outre la date de péremption objective figurant sur l’emballage, une date de péremption subjective correspondant à la date d’ouverture du produit, et dont le dépassement altère la qualité du produit.

La revente de produits ouverts (usagés ou non) ne permettait donc pas de vérifier si les produits étaient ou non périmés.

La Cour d’appel avait donc fait droit à la demande de Chanel et considéré que cette dernière disposait d’un motif légitime au sens de l’article L713-4 pour s’opposer à la revente, et ce, dans les termes suivants :

« toute utilisation partielle d’un produit conduit à son altération, laquelle est gravement préjudiciable à l’image de la société Chanel et à l’univers de luxe et de pureté qu’elle véhicule », de sorte que Chanel est fondée à « s’opposer à tout acte de commercialisation d’un produit cosmétique et de parfumerie dont il ne peut être établi qu’il n’a jamais été utilisé au préalable ».

La Cour de cassation confirme sans surprise ce raisonnement et retient que :

« la commercialisation de produits cosmétiques dépourvus de leur emballage d’origine constituait une altération de l’état de ces produits ».

3. Concernant les produits revendus à l’état neuf.

Chanel reprochait enfin à Easy cash des actes de parasitisme du fait de la revente des produits hors réseau dans des conditions qu’elle estimait dévalorisantes et déloyales.

À cet égard, la Cour d’appel rappelait tout d’abord que :

« ni les droits conférés au titulaire de la marque ni l’existence d’un réseau de distribution spécifique ne peuvent avoir pour effet de lui interdire de revendre ce produit d’occasion, le marché de l’occasion étant un marché licite et légitime qui ne doit pas être interdit au consommateur ».

Elle jugeait ensuite l’absence de conditions de vente dévalorisantes aux motifs d’une part que les produits cosmétiques et parfums étaient présentés « sur une armoire vitrée et éclairée » jugée comme étant un « mode de présentation adéquat y compris pour des cosmétiques de luxe », et d’autre part que l’emplacement correspondait aux standards de Chanel en présence d’un revendeur Chanel agréé dans le même centre commercial.
Cette appréciation semblait cependant particulièrement sévère dès lors que la boutique Easy cash qui revend toutes sortes de produits d’occasions tels que de l’électroménager, des jeux vidéos ou encore des livres, ne respecte certainement pas les conditions imposées par Chanel à ses revendeurs agréés ne serait-ce qu’en termes de matériaux et mobiliers exposés dans la boutique, ce qui porte nécessairement atteinte à l’image de luxe et de prestige de la marque, qui plus est associée à des articles grand public.

La Cour de cassation confirme cependant cette appréciation.

En revanche, la Cour d’appel faisait droit aux demandes en parasitisme de Chanel du fait des agissements jugés déloyaux d’Easy cash, et ce, au motif que :

« pour pouvoir bénéficier de la protection apportée à la revente des produits d’occasion, la société Ouest-SCS se devait de ne pas concurrencer la vente de produits neufs, dont le réseau de distribution sélective a l’exclusivité. Or, tel n’est pas le cas, dans la mesure où l’huissier a constaté le 23 décembre 2011 que la société Ouest-SCS mentionnait sur des étiquettes tant son propre prix de revente que celui du produit à l’état neuf, en faisant explicitement la comparaison entre les deux. La société Ouest-SCS cherchait dès lors à s’approprier non la clientèle spécifique des produits d’occasion mais la clientèle de produits neufs recherchant « la bonne affaire ». Son dirigeant a en outre indiqué renvoyer les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agrée situé dans la même galerie.

Un tel comportement est à l’évidence fautif comme constitutif de parasitisme et d’une atteinte au réseau sélectif de vente, la société OUEST-SCS s’appuyant sur le travail fourni par un membre de ce réseau et donc par la société CHANEL pour favoriser ses propres ventes ».

Ici encore, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel et l’existence d’agissements parasitaires, mais seulement partiellement, à savoir uniquement en ce que :

« ... le dirigeant de la société Ouest SCS invitait les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agréé situé dans la même galerie avant de revenir les acheter dans sa boutique où il les vendait moins cher ».

Ainsi, en d’autres termes, il semble que la seule comparaison entre les prix de revente d’articles d’occasion et le prix du produit neuf ne constitue pas en soi un fait fautif constitutif de parasitisme.

Agathe Zajdela,
Avocat au barreau de Paris

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Notes de l'article:

[1CA Rennes, 25 février 2020, n° 17/03287.

[2CJUE, 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C-324/09.

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