Van Cleef & Arpels c/Louis Vuitton : le parasitisme écarté.

Par Agathe Zajdela, Avocat.

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Explorer : # propriété intellectuelle # parasitisme # marques de luxe

Ce que vous allez lire ici :

La maison de joaillerie Van Cleef & Arpels a poursuivi Louis Vuitton pour parasitisme en raison de similitudes entre leurs collections. Le Tribunal de commerce a d'abord donné raison à Van Cleef, mais la Cour d'appel a infirmé, notant des différences significatives. La Cour de cassation a confirmé cette décision, soulignant la complexité d'établir le parasitisme dans le secteur du luxe.
Description rédigée par l'IA du Village

Par arrêt du 5 mars 2025 (23-21.157), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Van Cleef & Arpels, confirmant ainsi l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 juin 2023 qui avait refusé de faire droit à ses demandes en parasitisme à l’encontre de la société Louis Vuitton du fait de la reprise d’un trèfle quadrilobé dans sa collection de bijoux Color Blossom.

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Les faits.

La maison de joaillerie Van Cleef & Arpels commercialise depuis 1968 la collection de bijoux Alhambra, devenue iconique. Cette ligne repose sur « un motif de trèfle quadrilobé en pierre dure semi-précieuse (nacre, onyx, œil de Tigre, tourmaline, etc.), entouré d’un contour en métal précieux perlé ou lisse » et décliné sur de nombreux bijoux (colliers, sautoirs, bracelet, bagues etc.) :

Entre 2007 et 2015, Van Cleef & Arpels a adressé plusieurs mises en garde à Louis Vuitton l’alertant sur la similitude de certains bijoux et montres reprenant un motif de trèfle quadrilobé avec sa collection Alhambra.

En 2015, Louis Vuitton lançait une collection complète de bijoux, désormais connue sous le nom de Color Blossom, qui, selon Van Cleef & Arpels, se rapprochait encore davantage de la collection Alhambra, tels que notamment ci-dessous reproduits :

La décision favorable du Tribunal de commerce de Paris.

Estimant que cette nouvelle collection empruntait indûment à sa collection iconique et historique Alhambra, plusieurs sociétés du groupe Richemont auquel appartient la maison Van Cleef & Arpels (ci-après ensemble « Van Cleef & Arpels ») ont donc assigné Louis Vuitton en parasitisme devant le Tribunal de commerce de Paris.

Ce dernier faisait alors droit à leur demande aux motifs que [1] :

1. « les modèles de bijoux de la gamme Van Cleef & Arpels sont des valeurs économiques individualisées » ;

2. Outre la reprise du motif du trèfle quadrilobé, plusieurs ressemblances ne pouvaient être fortuites, notamment les dimensions des bijoux, l’identité du cerclage et la communication visuelle ;

3. Louis Vuitton ne pouvait justifier de l’usage du motif quadrilobé dans le secteur de la joaillerie et ignorer les codes utilisés de manière prolongée par Van Cleef & Arpels en invoquant son utilisation prolongée dans l’univers de la maroquinerie et du prêt-à-porter, dès lors qu’il s’agissait ici d’une appropriation spécifique à un marché distinct.

L’infirmation du jugement par la Cour d’appel de Paris.

Toutefois, par arrêt du 23 juin 2023, la Cour d’appel de Paris infirmait ensuite ce jugement [2], adoptant une approche comparative plus détaillée en prenant en compte notamment les différents coloris, pierres, dimensions, prix et nombre de bijoux dans chaque collection. Elle rejetait ainsi le parasitisme aux motifs notamment que :

  • « bien que la fleur quadrilobée du bijou Color Blossom apparaisse être pour un modèle de dimension identique à celle du bijou Van Cleef et Arpels, celui-ci ne reprend pas l’ensemble des caractéristiques du modèle iconique des intimées en ce que la forme quadrilobée n’est pas détourée, ne comporte pas de sertissage perlé, ni de caractère double face, la pierre n’est pas lisse et comporte un élément central » ;
  • « les sociétés Vuitton ont fait évoluer leurs lignes de bijoux depuis leurs lancements vers une ligne utilisant des pierres semi-précieuses pour représenter la fleur insérée dans le cercle, telles les montres Tambour Vuitton qui ont fait l’objet du courriel de 2013 et de la proposition d’accord de la société Van Cleef & Arpels puis la collection Color Blossom objet du présent litige. Cette forme correspond bien à la forme de fleur quadrilobée présente sur la toile iconique Vuitton, la fleur qui comporte un cœur étant bien enchâssée dans un cercle, et non détourée » ;
  • La fleur quadrilobée Color Blossom s’inscrit dans la continuité de la symbolique utilisée sur la toile monogrammée de Louis Vuitton, et son adaptation à la bijouterie et aux tendances actuelles ne constitue pas, en elle-même, une volonté de se placer dans le sillage de Van Cleef & Arpels.

En d’autres termes, à l’inverse du Tribunal de commerce, la cour d’appel jugeait que les différences entre les motifs et les collections d’une part, et l’historique d’usage du motif par Louis Vuitton d’autre part, caractérisent l’absence de volonté de cette dernière de se placer dans le sillage de la maison Van Cleef & Arpels et donc l’absence de parasitisme.

Le rejet du pourvoi en cassation et l’arrêt du 5 mars 2025.

Van Cleef & Arpels a donc formé un pourvoi en cassation, reprochant principalement à la cour d’appel de ne pas avoir appréhendé la demande dans sa globalité. Selon elle, le parasitisme devait être analysé à travers plusieurs éléments convergents, notamment :

1. « la captation de la structure particulière de la collection « Alhambra » pour constituer un ensemble cohérent de trente-et-un bijoux,
2. la reprise des mêmes couleurs de pierres semi-précieuses,
3. la déclinaison de la gamme de bijoux litigieuse dans trois tailles de motifs semblable à celle de la collection « Alhambra »,
4. la détermination d’une grille de prix par référence à celle de la collection « Alhambra »,
5. et la captation des axes de communication de Van Cleef & Arpels, en rupture avec les codes habituels de la maison Louis Vuitton ».

Toutefois, après avoir rappelé classiquement qu’il « appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque... ainsi que la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage », la Cour de cassation vient de trancher ce litige par arrêt du 5 mars 2025 et rejette le pourvoi aux motifs que :

« La cour d’appel, qui, après avoir examiné séparément chacun des éléments invoqués par les sociétés du groupe Richemont, les a appréhendés dans leur globalité et qui n’a pas méconnu les ressemblances entre les deux collections, a pu, ..., déduire que les sociétés Vuitton n’avaient pas eu la volonté de se placer dans le sillage des sociétés du groupe Richemont ».

En effet, la Cour suprême (dont le rôle est limité à l’appréciation du droit et non des faits) ne peut se substituer à l’appréciation factuelle de la cour d’appel et pouvait uniquement statuer sur la bonne prise en compte par cette dernière de tous les éléments invoqués par Van Cleef & Arpels sur le fondement du parasitisme.

Pourtant, il semble que la cour d’appel n’ait pas pris en compte un élément qui paraît pourtant majeur, à savoir la reprise de la combinaison composée d’une part du motif quadrilobé et d’autre part de la structure caractéristique des bijoux de la collection Alhambra.

En effet, les colliers et bracelets emblématiques de Van Cleef & Arpels se distinguent par une fine chaîne métallique ornée de motifs quadrilobés positionnés tout le long de la chaine régulièrement espacés, et pour certains modèles selon une alternance de couleurs/pierres, une combinaison distinctive immédiatement attribuable à la Maison. Ce rapprochement par Louis Vuitton, pourtant significatif, ne semble cependant pas avoir été relevé par les juridictions.

Ainsi, cet arrêt met en évidence la difficulté de démontrer des actes de parasitisme entre Maisons de Luxe, en raison de la complexité à établir l’intention d’une maison de luxe de s’inscrire dans le sillage d’une autre, ce qui est en revanche facilité lorsque le défendeur n’évolue pas dans ce secteur et a donc davantage intérêt à tirer profit de l’image d’une maison prestigieuse.

Agathe Zajdela, Avocat au barreau de Paris

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Notes de l'article:

[1T. com. Paris, 4 oct. 2021, n° J2021000388.

[2CA Paris, pôle 5 ch. 2, 23 juin 2023, n° 21/19404.

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